L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church

[Aaron]

Le camerlingue acquiesça en souriant à la réponse du primat de France. Comment aurait-il pu à cet instant faire marche arrière ? Nul doute que son mandat allait être mouvementé… Une renégociation du concordat de Paris en perspective, une série de guerre, sans nul doute, commencée par le conflit entre l’Anjou et le Poitou… Bref, de nombreuses choses plus rebutantes, et surtout plus fatigantes les unes que les autres, les hommes devenant de plus en plus sourd, semble-t-il, au message de paix véhiculé par l’Eglise. Le prélat reprit…

Puisse Dieu achevez lui-même ce qu’il a déjà commencer en vous.

Puis il retira ses mains du crâne du primat pour écarter les bras et poursuivre en disant :

Quant à nous, nous vous déclarons, après avoir entendu le choix effectué par l’assemblée des évêques de France, officiellement nouveau primat de France. Tel un guide, vous aurez conduire la communauté épiscopale, rassembler ses membres autour d’un même but, pour parler d’une seule voix, forte, juste et légitime.

Prenant ensuite le goupillon d’or ciselé d’argent qui lui était présenté par un acolyte, il fit plusieurs signes de croix au dessus du primat, en direction de celui-ci et de ses vices primats placés juste derrière. Et tout en agitant le bras, il dit :

Avec l’aide du collège céleste des anges et des archanges, puissiez-vous et vos collègues choisir la juste voie la plus directe qui mène à Dieu.

Il chercha ensuite une personne dans l’assemblée… Puis, son regard se posa sur la voisine d’un homme vêtu de noir…

J’invite maintenant son éminence révérendissime Ingeburge, primat de la nation voisine, à venir lire un passage du Livre des Vertus, de sa douce et chaleureuse voix suave…
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Patriarche in Partibus d'Alexandrie

[Ingeburge]

[HRP]Zut! [/HRP]

Ingeburge s'était rassise sur son siège lorsqu'Aaron avait repris la parole. AsdrubaelVect était demeuré désespérément muet et elle avait haussé les épaules. Il parlerait quand il en aurait envie après tout.
Puis, elle avait perçu le regard d'une jeune femme posé sur elle et elle avait souri, non pas par réflexe mais parce que le visage lui semblait familier. Elle ne connaissait pas la dame mais elle avait l'impression d'avoir déjà vu ses traits.

Elle tenta de sortir de son engourdissement en écoutant le Camerlingue parler et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle y parvint en entendant son nom prononcé. Elle ouvrit des yeux ronds, quoi, elle devait faire une lecture? Elle n'avait pas souvenir d'avoir été prévue dans la liste des intervenants de la cérémonie, elle était venue là par amitié pour Cyril, tout simplement. Ce n'était ni le Primat, ni le Cardinal qui était là... Et pourtant.

Et pourtant, voilà qu'elle était attendue et son air de stupéfaction avait fait place à une mine agacée. Elle se leva donc, empoignant son Livre des Vertus et se dirigea vers l'allée centrale qu'elle finit par remonter, un air indéfinissable flottant sur son visage. Ses yeux se posèrent sur Kad et quand elle passa près de l'inconnue, elle comprit qu'il s'agissait de Wiatt. Elle ferait donc peut-être un effort pour ne pas s'enfuir après l'office et aller saluer la sœur du Comte du Forez, depuis le temps qu'elle souhaitait la rencontrer! Elle se raccrocha à ces certitudes fugaces et positives, elle en aurait besoin pour ne pas sombrer.

Ingeburge parvint enfin au lutrin sur lequel elle déposa son ouvrage. Elle commença à en feuilleter les pages, maudissant intérieurement Aaron de l'avoir appelée. Oh, elle devait avoir fière allure avec ses yeux rouges et cernés de violet et son teint gâté par les larmes. Quoique, après tout, il lui importait peu de porter les stigmates du chagrin qui la ravageait. Elle n'avait juste aucune envie, non aucune, de prendre la parole. Et elle serait déjà partie s'il ne s'était pas agi de l'intronisation de Kad.

Elle poussa un imperceptible soupir et cessa de chercher ce qu'elle pourrait bien lire. Elle avait trouvé, elle ne se risquerait pas trop avec le texte, elle ne pourrait de toute façon pas trop réfléchir, autant ne pas partir trop loin.
Elle dut faire un effort pour commencer sa lecture, les lignes dansaient devant ses yeux et sa vue se brouillait sous l'assaut continu des larmes qui montaient. Elle déglutit avec effort et prit la parole d'une voix sourde, Aaron en aurait pour ses frais lui qui avait parlé de sa voix chaleureuse et suave :

Alors, Christos répondit :
" Sachez que l’humain doute par nature, que l’amour qu’il éprouve pour Dieu et pour son prochain peut connaître autant d’aléas que la vie comporte d’épisodes. Mais la vie vertueuse est un idéal vers lequel l’homme doit tendre. Et, dans son chemin, il peut s’aider de la prière. La prière peut en effet être le moyen pour tous de renforcer cet amour lorsque cela est nécessaire. N’oubliez pas non plus la puissance de la miséricorde, qui est accordée grâce à la repentance. "

Christos se tourna ensuite vers nous, ses apôtres, qu’il avait nommés ses évêques. A nous, il nous dit :

" Et vous, mes amis, comme vous devrez vous consacrer totalement à Dieu, comme je le fais moi-même, l’amour humain dans ce qu’il a de personnel vous sera à jamais interdit. Vous vous devrez d’aimer l’Humain, et non un humain. En ceci, le mariage n’est pas pour vous, ni même l’acte de chair. "

Et comme certains apôtres se trouvaient déçus de cette règle, ils commencèrent à grogner en murmurant entre eux de vilaines paroles. Christos les regarda, et les avertit :

" Ces restrictions seront le prix de votre engagement. Apprenez à les aimer, car elles vous permettront de mener à bien votre sainte mission. "

Mais Daju, dont la chair était très faible, regardait Natchiatchia avec un regard concupiscent. De plus, il était d’un tempérament jaloux et n’appréciait ni l’amitié que Christos portait maintenant au Centurion, ni la bienveillance particulière dont il me gratifiait du fait de mon âge innocent. C’est pourquoi il se leva, courroucé, et s’écria :

" Et pourquoi devrais-je respecter cela ? pourquoi devrais-je obéir à un engagement qui ne me concerne pas ? Tu nous donne le rôle d’évêque, mais garde jalousement pour toi le commandement de l’Eglise…

Alors, Christos lui répondit calmement :
" Aussi vrai que je te le dis ; je garde le commandement car je suis le plus à même de vous guider. Sur tout le chemin que nous avons parcouru, j’ai été un père, un papa qui a veillé sur vous. Mais cela se paye de fatigue et de labeur. Mon rôle est difficile et usant… je m’épuise car je porte sur moi le poids de la souffrance des hommes.
Mais toi, Daju, je vois la colère envahir ton visage, sache que la tâche que je vous ai confiée à vous autres est tout aussi noble, et sera aussi difficile. D’ailleurs, pour vous seconder dans votre tâche, vous pourrez nommer d’autres guides, d’autres bergers qui auront la charge de chaque cité. Et vous serez ceux qui décideront quel successeur me trouver. "

Mais Daju était furieux, il devait avoir été corrompu par la créature sans nom car il ne pouvait en entendre d’avantage et il quitta la pièce sur ces entrefaites. Christos le regarda sans rien dire et son regard se posa alors sur le Centurion, qui était avec nous, et dont le glaive à son côté, tintait d’un cliquetis métallique. Christos se tourna vers lui et précisa :

" Et toi, Gracius, si tu veux aussi devenir un de ces bergers qui guidera le troupeau, tu devras laisser choir ton glaive, car les armes sont sources de violence alors que tu auras mission d’enseigner l’amitié et l’amour de Dieu. "
Et il nous répéta, à tous:
" Alors, mes apôtres, mes clercs, à vous de suivre le chemin que j’ai tracé pour vous, à vous de baptiser ceux qui veulent entrer au sein de la communauté des fidèles de Dieu, à vous d’ordonner prêtres ceux qui souhaitent se consacrer tout entier à l’amour de Dieu, à vous d’entendre en confession ceux qui souhaitent être lavés de leurs péchés, à vous de punir ceux qui ne sauront pas se montrer dignes de l’amour de Dieu et de prêcher au moins chaque dimanche, afin que la volonté du Très Haut s’accomplisse. "

Après cet épisode, Christos nous parla longtemps de son Eglise, de la manière dont il la voulait, avec une tête et des ramifications, tel un corps vivant. Et le tout reposant sur une base solide; le peuple des croyants. J'ai pris note, par ailleurs, de toutes ses recommandations, mes amis : ce sont celles que Titus et d'autres disciples ont largement diffusé après les avoir mises en oeuvre.
> Livres des vertus - La Vita de Christos - Chapitre XIII

Ingeburge referma sèchement son livre. Elle avait lu mais elle savait que l'on attendait d'elle qu'elle s'exprime aussi. Elle retint un soupir et posa les yeux sur l'assistance, sans voir les personnes la composant. La Basilique était pleine en ce jour important mais elle se sentait deséspérément seule. Elle savait qu'après l'office, quand elle regagnerait le Palazzo di Diana, sa sœur ne serait pas là pour l'accueillir et lui conter sa journée. Elle prendrait place à table et sa sœur ne serait pas là pour partager son repas avec elle. Elle s'assierait à sa coiffeuse mais sa sœur ne serait pas là pour lui brosser les cheveux. Tous les gestes quotidiens étaient désormais irrémédiablement perdus, gâchés, corrompus par l'absence et le vide.

Alors, la Princesse fit ce qu'elle savait faire de mieux, elle fit ce que les précepteurs et les gouvernantes lui avaient appris, elle fit ce qu'on lui avait inculqué à coup de verges et de privations, elle se contenta de paraître car aux yeux du monde, rien d'autre n'avait d'importance :
_ Je me souviens d'une intronisation où j'avais lu une citation de Christos et pour toute homélie, je m'étais contentée d'affirmer mais avec conviction et sincérité : "Voilà, tout est dit et comment pourrais-je passer après Christos?" J'avais assurément succombé à la paresse mais je le pensais, tout ce qui est sorti de la bouche de notre Prophète est d'une grande limpidité et j'estime que tout commentaire est pour le moins superflu. Je ne réitèrerais pas aujourd'hui cette pirouette parce que ce ne serait pas correct et que je subis déjà suffisamment de remarques pour offrir des arguments à mes contempteurs. Mais surtout, je tâcherai d'être plus loquace car la personne qui est intronisée en ce jour m'est très chère. Je ne pensais pas que je devrais prendre la parole en ce jour mais puisque je le dois, autant que ce soit agréable pour tout le monde.

Elle sourit étrangement, encore des propos sibyllins qu'on lui reprocherait mais elle n'en avait littéralement rien à foutre. Elle poursuivit donc :
_ Cette relation des propos tenus par Christos nous éclaire sur ce qu'est l'Eglise et ce vers quoi elle doit tendre. Nous, clercs, formons une communauté humaine à nulle autre pareille, une communauté avec son organisation héritée de notre prophète et de nos apôtres, une communauté avec, car cela est nécessaire, ses dirigeants. Aujourd'hui, c'est l'un d'eux que nous honorons.
Cyril Kad d'Azayes a choisi de mettre son expérience et ses qualités au service de l'Eglise de France pour veiller au mieux au bien-être du peuple aristotélicien français, soutenir les prélats et tous les clercs qui œuvrent dans l'ombre, loin de Rome et pour contribuer à la diffusion de l'aristotélicisme au sein du Royaume de France. C'est là un objectif ardu et difficile mais en choisissant de devenir Primat, il a désiré mettre en application les desseins de Christos, suivre son exemple et se rapprocher ainsi encore plus du Très-Haut. Je ne peux prétendre qu'il y parviendra mais je ne doute pas un seul instant de sa motivation et de sa volonté et c'est là ce qui est important. Il ne cherche pas les honneurs ou l'accession à des privilèges. Il ne fait que suivre un parcours débuté il y a longtemps de cela, cheminement qu'il l'a vu devenir successivement aspirant vidame, évêque et archevêque pour terminer par Primat de France. Il a simplement choisi de suivre le chemin montré par Christos.
Et ce chemin, quel est-il? Il est multiple et varié et peut-être emprunté de diverses façons mais tend toujours vers le même objectif : œuvrer pour l'Eglise pour la plus grande gloire du Très-Haut. Et c'est en s'appuyant sur le message de Christos que l'on peut y parvenir : guider les croyants vers le baptême, être à leur écoute, assister ceux souhaitant se consacrer au service de l'Eglise, être ferme avec les âmes égarées, diffuser Sa parole.
Il revient à chacun de nous, à notre niveau de suivre ce message éternel. Aujourd'hui, c'est au niveau d'un Royaume que Cyril Kad d'Azayes a décidé d'expérimenter ce message. Qu'il en soit béni et que nos prières l'accompagnent.

Elle se tut, la tête lui tournant légèrement. Elle regarda Kad, essayant de lui sourire mais n'y parvenant pas. Alors elle s'approcha de lui et lui prit la main, la pressant avec toute la chaleur qu'elle pouvait y mettre, toute la chaleur que son cœur mort pouvait encore envoyer.
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Morte deux fois en trois jours, vise le triplé