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[RP] [Trastevere] Palazzo di Diana
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Tithieu



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MessagePosté le: Jeu Avr 16, 2009 5:26 am    Sujet du message: Répondre en citant

    Rome au mois d'Avril.


La ville baigne dans une atmosphère tranquille, propre à ces périodes printanières, aussi douces que la brise qui glisse de rue en rue pour se propager à tous les quartiers.
Le soleil est à son firmament, il est à peu près midi. C'est un ciel d'un bleu parfait, immaculé, qui couvre la ville d'élection de l'Eglise d'Aristote. Pour autant, il fait bon vivre et respirer à Rome, et le vent qui y souffle caresse de ses murmures inaudibles les corps et les âmes. La ville est apaisée, l'atmosphère est propice à la bonne humeur et à la joie de vivre.
Pourtant, même ces conditions idylliques que Dieu accorde pour son bon plaisir à la citée Romaine, ne parviennent pas à charmer le Balafré qui avance d'un pas incertain dans les rues de la ville.
Le visage fermé, le regard concentré, il fend la foule de prêtres, de moines, de pèlerins et de riverains, marchant droit devant, totalement indifférent à son environnement.
A chaque intersection -et elles sont nombreuses, dans cette ville qui a accumulé les influences architecturales-, il marque une pause. Tantôt, il avise l'endroit d'un regard circulaire, faisant abstraction de la foule pour identifier un monument, un repère. Tantôt, il reprend son chemin avec la même assurance, certain de se trouver sur la bonne voie.

Pourtant, force lui fut de constater, au bout d'une bonne heure de déambulations, de tour et de demi-tour, de volte-face et de rebondissements, qu'il s'était égaré.
Il se trouvait à présent dans une petite ruelle sinueuse, sombre, froide et humide. Il fleurait bon le poisson, et seuls quelques riverains avertis empruntaient ce même chemin.
Dépité et découragé -il avait dépassé le stade de l'énervement-, il tenta de se remémorer les propos du Garde Corse qu'il avait interpellé, et qui lui avait -dans un Français teinté d'un très fort accent insulaire- indiqué le chemin le plus court pour le Palazzio de la Princessa.

La souvenance du mot "Trastevere" lui revint, au moment même où il levait son unique oeil sur l'écriteau d'une taverne qui faisait l'angle de sa ruelle et d'une place animée.
Il sourit largement, satisfait que la providence le favorise, ne pensant guère à se flatter que le bon-Dieu en personne ait pris sur lui de guider sa route.
Sur l'écriteau figurait en effet le mot "Trastevere", précédé d'un mot Italien que le Balafré ne pouvait guère traduire. Par miracle ou par hasard, ses recherches n'avaient pas été vaines.

Dévoilant de toutes ses dents un sourire d'aise, il reprit sa marche, jusqu'à se trouver sur une place où se tenait un marché.
Quelques échoppes marchandes de produits d'une fraicheur relative expliquèrent l'odeur de poiscaille qui l'avait pris au tripes un peu plus tôt.
Il ne lui restait qu'à trouver l'Hostel du Cardinal-Connétable de Rome, que le Corse lui avait maladroitement décris, en contrepartie de quelque aumône au profit d'un "expatrié déshérité de Corse !".
Regard circulaire. Quelques pas dans une direction, puis à l'opposé.
Et plus loin, à l'écart de cette place bruyante, discret parmi tous ces Hostels particuliers mais remarquable de cachet, le Palais !
De ressemblance à la description qu'en avait faite le Garde Pontifical, le Palazzio de Diana se tenait entre deux demeures d'importance égale, mais d'apparence plus sobre. Coincée, à la grande surprise du Penthièvre, dans une ruelle discrète -mais généreusement ensoleillée-.
Au milieu de toutes les nobles familles, bourgeoises mesnies et autres obscurs établissements de date ancestrale, la villégiature du Primat sortait du commun, annonçant avec panache à qui voudrait la visiter que vivait là une personnalité hors mesures, à l'instar de quelques rares autres Palais, parsemés aux 4 coins de la ville.

Tithieu resta sans voix ni mouvements un instant, rattrapé par quelque fugace images de leurs dernières entrevues. Désastreuses. Et s'il reprit la marche, ce ne fut qu'au prix d'une rasade généreuse de sa flasque d'alcool, pour le courage et l'assurance.


*Toc* *Toc* *Toc*

Trois bruits sourds retentirent lorsqu'il actionna le heurtoir de porte d'une main ferme, à une fréquence qui se voulait tranquille.
Et au valet qui vint lui ouvrir, il servit son plus beau sourire -une grimace disgracieuse-, avant de lui ordonner :


Annonce Monseigneur le Balafré à Son Altesse, presto.
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Ingeburge



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MessagePosté le: Mer Avr 22, 2009 12:58 pm    Sujet du message: Répondre en citant

En cette douce journée d'avril, la voûte céruléenne demeurait vierge de toute traînée nuageuse; le soleil brillait haut dans le ciel, dardant çà et là ses caressants rayons.

Le rione du Trastevere était plongé dans son habituelle torpeur, comme engourdi par l'alanguissante chaleur dispensée par l'astre du jour; seule la clameur lointaine et diffuse qui commençait à sourdre au-delà des ruelles étroites caractérisant le quartier troublait la quiétude des lieux.
L'activité se figeait, la trépidation coutumière s'arrêtait pour un temps, laissant la place à la sieste apaisante. Plus un coche, plus un chariot; pas d'artisan se pressant ou pas de promeneur flânant non plus.
Les oiseaux eux-mêmes se taisaient : les corbeaux cessaient de croasser, les moineaux de roucouler, les pies de jacasser et les alouettes de grisoller. Pas un animal du reste n'échappait à cet endormissement, chaque membre de la Création partageait ce repos quotidien.

Le Palazzo di Diana n'était pas épargné par cette vague de somnolence qui frappait invariablement toutes les demeures, chaque après-midi, une fois le déjeuner achevé. Le calme y dominait en monarque absolu mais son joug était accepté et même loué. Pas un bruit, pas un chuchotis n'émanait de l'imposante habitation, tout semblait comme à l'abandon.
De temps à autre, une timide brise agitait les frondaisons exubérantes des arbres et le frémissement des feuilles était comme le soupir comblé d'une femme amoureuse lovée dans les bras de son amant.

Trois des résidents ne dormaient pourtant pas.
A l'intérieur, à l'étage, dans sa chambre, la maîtresse des lieux s'adonnait à une de ses occupations favorites. Pieds nus et vêtue d'une simple chemise, elle marchait lentement, parfois hésitante. C'est qu'elle était toute à sa lecture, retrouvant son auteur favori avec délices, savourant avec délectation chacun de ses mots et chacune des idées qu'il exprimait. Elle refermait parfois le précieux ouvrage, le serrant contre son cœur et repassant dans sa tête ce qu'elle venait de lire. Elle s'immobilisait aussi, ne reprenant sa marche que lorsqu'elle était arrivée au bout d'un passage qui l'avait captivée. C'était là sa manière de se reposer, elle délaissait le temps de la sieste ses lectures habituelles et ses études; elle mettait ainsi son esprit en veille en l'abreuvant de la prose captivante de cet empereur stoïcien qu'elle avait découvert à la faveur de son furetage de petite pensionnaire de couvent. Un sourire éclairait de temps à autre son visage, de ces sourires que personne ou presque ne connaissait. Et les jours où elle ne lisait pas, elle s'asseyait devant une table recouverte de godets emplis de teintes vives et lumineuses. Elle s'essayait en fait secrètement à l'art délicat de l'enluminure, maniant ses pinceaux avec des pudeurs de profane. Elle avait des hésitations craintives, troublée par tous les livres richement ouvragés qui tapissaient les murs de son bureau. Elle sentait sur elle le poids de ces chefs-d'œuvre, s'imaginant que les moines copistes coupables de cette encombrante perfection la couvaient de leur œil scrutateur et intimidant. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas utilisé ses pinceaux, il y avait bien longtemps qu'elle se contentait de lire; elle se savait bien trop préoccupée pour se concentrer sur ses parchemins.
Dehors, en bas, dans la cour, les deux gardes de faction étaient également éveillés. Rien de volontaire à cet état, juste le devoir, juste l'obligation de surveiller les abords du palazzo. Que n'auraient-ils pas donné pour partager les joies de la sieste postprandiale? Tout, absolument tout, n'importe qui, absolument n'importe qui. Sauf elle, bien évidemment. Elle serait satisfaite de leur vigilance même si elle n'en dirait rien et ils en seraient ravis. Aussi, avaient-ils recours à tous les expédients afin de garder les yeux ouverts. Ils commençaient par se conter leurs aventures nocturnes, faisant part avec force détails de leurs succès et taisant presque toujours leurs échecs. Ils échangeaient ensuite des nouvelles de leur famille respective qui était au final la même, ils étaient tous plus ou moins cousins dans le coin. Puis, ils revenaient de nouveau à leurs conquêtes, ajoutant des anecdotes qu'ils se remémoraient subitement, anecdotes bien évidemment à leur avantage. Ils passaient ensuite aux racontars glanés aux comptoirs des tavernes, se montrant plus commères que les lavandières qui n'étaient pourtant pas avares en ragots et autres potins. Ils commentaient ensuite telle ou telle nouvelle, formulant leur opinion avec conviction, ayant un avis sur tout même sur ce qui leur était inconnu. Parfois, ils osaient parler d'elle, avec une dévotion confinant à l'idolâtrie; ils se seraient jetés sous les roues d'un carrosse pour elle, ils se seraient faits éventrer pour elle, ils seraient morts pour elle et elle n'en réclamait d'ailleurs pas davantage. Une fois les habituels sujets de discussion épuisés, ils se forçaient à se mouvoir, se massant le pannicule adipeux, étirant leurs muscles réticents, écartant les bras en de grands gestes non sans parfois étouffer un bâillement. Ils faisaient des allers-retours vers la grande porte donnant sur la rue, jetant parfois un coup d'œil, espérant une distraction quelconque. C'est d'ailleurs pour cela que cette porte restait parfois ouverte après midi, ils trompaient ainsi leur ennui, appelant de leurs vœux le passage d'un être quelconque, tant qu'il fut humain. Parfois, ils étaient chanceux, une jeune fille passait, hâtant le pas, sachant bien que sa présence en cette heure, en cet endroit, ne manquerait pas d'être remarquée. Ils s'approchaient donc prestement et l'interpellaient de leur voix chantante, se mettant des coups de camarade dans les côtes pour mieux se faire voir. C'était à celui qui serait le plus éloquent et le plus charmeur. L'inconnue, c'était selon, accélérait son allure, se retournait, jetait quelques mots ou haussait les épaules et finalement, comme à chaque fois, tournait au coin de la ruelle, disparaissant de leur vue. Ils regagnaient alors la cour à pas lourds, s'attribuant l'un et l'autre la victoire de leur courte joute orale.


En cette douce journée d'avril, la sieste se faisait plus tentante, aidée en cela par la chaleur printanière. L'on était encore loin de la touffeur estivale, mais les estomacs pleins s'alourdissaient à mesure que l'air se faisait plus chaud.
Les deux gardes commençaient à trouver le temps long, il leur tardait de pouvoir souffler un peu.

Des bruits de pas se firent entendre, martelant les pavés avec hésitation. Les deux hommes se redressèrent, regrettant de ne pas avoir laissé la lourde porte ouverte en ce jour, ils avaient en effet projeté de s’endormir quelques minutes à l’abri des regards indiscrets d’un passant égaré. Ils manquaient peut-être là le passage de quelque donzelle. Déjà leurs yeux perdirent leur lueur intriguée et ils s’apprêtèrent à reprendre leur pose tranquille quand le heurtoir de bronze battit contre la porte.
Un des Italiens avança et tira le lourd battant. Las, il s'agissait d'un homme, rien d'intéressant en somme. Le garde ne se départit pas de son attitude nonchalante, se bornant à examiner l'homme... et quel homme. Il était privé d'un de ses yeux et un rictus déformait ses traits couturés. Il semblait sûr de lui. Tout d'ailleurs dans son attitude teintée de hâblerie dénotait un individu à l'entregent certain. Et la manière dont il s'exprima à celui qui s'était avancé et ce qu'il dit achevèrent de prévenir le garde contre lui :

—Annonce Monseigneur le Balafré à Son Altesse, presto.

Les deux Romains se concertèrent un instant du regard, ayant à l'esprit la même réflexion : elle ne recevait personne et certainement pas à cette heure indue. Ils se lancèrent quelques mots dans un patois incompréhensible, celui en avant indiquant que le borgne était tout de même bien mis, affichait cet air hautain propre à certains nobles et qu'il s'était présenté par un surnom. Elle devait le connaître, pour sûr et ce ne serait pas la première fois qu'elle recevrait une personne d'allure peu conventionnelle. Celui en retrait hésitait toujours mais décida finalement de se rendre auprès de la Princesse, cela ne coûtait rien d’aller voir et cela les distrairait quelques instants.
Celui qui avait tiré la porte s'adressa finalement à l'homme, de manière courtoise et assez peu expansive :

— Il se peut que vous ne soyez pas reçu, Monseigneur, Son Eminence n'accorde que très rarement audience aussi tôt après le déjeuner.
Il croisa les bras, l'air dégoûté ; ces étrangers étaient décidément des barbares.


Son compagnon progressait quant à lui dans le dédale de couloirs du Palazzo, se demandant comment présenter sa requête au cerbère gardant jalousement les portes des appartements de la propriétaire des lieux. Le portier était en fait une terrible gouvernante, Irenaus, qui régnait sur le monde de la valetaille cardinalice avec une poigne que n'aurait pas renié un gardien d'ilotes.
Le garde trouva la respectable femme occupée à des travaux de passementerie et alla l'interrompre. Le sang de la gouvernante ne fit qu'un tour et elle barra le passage de la porte comme un eunuque aurait défendu l'inviolabilité d'un harem ottoman. La confrontation dura quelques minutes puis, finalement, la responsable des domestiques condescendit à transmettre la demande non sans promettre au garde indélicat des remontrances à n'en plus finir la Princesse prenait ombrage de leur initiative. Ce dernier ne répliqua pas, il avait accompli sa mission, ne restait plus qu'à attendre.

Ingeburge avait délaissé son ouvrage et se tenait assise au bord de son lit, songeuse. Elle n'avait pas perçu les éclats de voix provenant du couloir menant à l'aile qui lui était réservée; elle n'avait pas plus perçu les brefs propos échangés dans la cour, ses appartements donnaient sur les jardins.
Aussi se tourna-t-elle avec surprise vers sa gouvernante quand elle l'entendit entrer dans sa chambre. Son visage rêveur avait déjà recouvré son masque de froideur et elle attendit que la vieille femme fasse connaître les motifs de sa venue.
La réponse fusa, immédiatement :

— Je ne reçois personne.
La gouvernante ne se laissa pas abuser par l'air de sa maîtresse, elle y était habituée et savait ce qu'il dissimulait. Elle persista donc et indiqua le pseudonyme avancé par le visiteur.
Ingeburge se leva et répéta :

— Le Balafré dites-vous?
Elle se mit à arpenter vivement la pièce, réfléchissant à toute allure. Elle vint vers son interlocutrice et demanda à nouveau :
— Le Balafré, en êtes-vous sûre?
Irenaus se contenta de hocher la tête, observant la jeune femme d'un air pensif. Cette dernière sonna et deux chambrières apparurent dans la minute.
Elle dit alors :

— Que le Vicomte soit amené dans mon petit salon.
La gouvernante s'inclina et laissa Ingeburge aux mains de ses suivantes.

Le garde soupira de soulagement et non sans avoir remercié avec soin Irenaus, se dirigea vers la sortie.
Dans la cour, il trouva l'autre garde mutique et distant. Il n'en fit pas cas et s'adressa à l'inconnu :

— Si Sa Seigneurie veut bien me suivre.
Le Romain parcourut de nouveau le chemin qu'il venait d'emprunter, faisant cette fois attention de ne pas semer celui qu'il accompagnait.
Après la vaste entrée dans laquelle trônait un vaste escalier qu'ils n'empruntèrent pas, ils passèrent dans plusieurs pièces. Puis, ils tombèrent sur un autre escalier et ils en gravirent les hautes marches. Ils obliquèrent ensuite sur leur gauche.
C'était partout le même spectacle. Les domestiques somnolaient sur les banquettes ou à même le sol, là en fait où le sommeil les avait pris. C'était un instantané de vie peu commun, une représentation ignorée de l'extérieur et que peu pouvaient s'imaginer. Çà et là gisaient des corps assoupis, gardés par les personnages des tapisseries et des peintures ornant les murs qui eux étaient figés dans l'éternité de leur pose. Les visages des bonnes, des valets, étaient débarrassés de leur façade respectueuse et servile, on retrouvait sur leurs faces les échos de leurs rêves. C'était partout le même abandon serein, la même attitude désinvolte, la même liberté enfin. La hiérarchie domestique s'effaçait à la faveur de la sieste commune, ils étaient tous semblables mais si différents par ce que leurs traits trahissaient. Là une soubrette qui rêvait à son galant, là un maître d'hôtel songeant à sa prochaine partie à la mer.
Le garde continuait sa progression, un peu envieux de tout ce peuple bercé par les bras de Morphée, enfilant les corridors du même pas peu rapide. Il passa devant des portes tendues de noir, ne voyant plus les tentures sombres mais les sachant toujours là.

Il déboucha enfin devant les portes où il avait livré bataille un peu plus tôt, mais contrairement à la fois précédente, il n'eut aucune difficulté à les franchir.
Ce coin du palazzo était désert, il y flottait une atmosphère étrange, atmosphère qui était renforcée par l'aspect sépulcral des lieux. Il savait pourtant que derrière, les pièces des appartements privés étaient d'un goût exquis. Mais l'on ne pouvait s'empêcher de frissonner comme lorsque l'on y croisait la sombre silhouette du Cardinal.
Le garde poussa finalement un vantail de bois travaillé et s'effaça afin de laisser passer le Vicomte. Le petit salon était de dimensions honorables quoique peu extraordinaires, les murs étaient recouverts d'une tapisserie purpurine et en grande partie masqués par des bibliothèques aux rayonnages pleins. Plusieurs fauteuils habillés de la même tapisserie étaient disposés dans la pièce et quelques meubles en marqueterie complétaient l'ensemble. Deux hautes croisées à claire-voie perçaient le mur faisant face à la porte et laissaient entrer la lumière extérieure.
Le Romain s'inclina et indiqua avant de se retirer :

— Son Eminence va venir vous rejoindre dans quelques minutes.


Ingeburge parut finalement, comme convenu, certes plus tard que les quelques minutes annoncées, mais elle parut. Elle passa la même porte que celle que Tithieu avait franchie auparavant et elle s'arrêta sur le seuil.
Elle était là, debout, serrée dans une simple robe de soie noire, deux longues nattes retombant dans sur ses cuisses encadrant son visage marmoréen. Ainsi postée sous le chambranle, elle apparaissait nimbée de la lumière du soleil qui lui faisait face.
Ses paupières battirent plusieurs fois, elle se trouvait quelque peu aveuglée. Elle fit alors quelques pas en avant et en oblique.
Puis, son regard mort se posa sur l'Angevin et elle murmura, tendant la main où brillait son anneau cardinalice :

— Monseigneur.
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Tithieu



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MessagePosté le: Jeu Avr 30, 2009 9:28 pm    Sujet du message: Répondre en citant

    Palazzo di Diana, Outrage.


"Il se peut que vous ne soyez pas reçu, Monseigneur, Son Eminence n'accorde que très rarement audience aussi tôt après le déjeuner."

Haussement de sourcil évocateur d'une humeur qui se pourrait très rapidement changer du tout au tout, et muer en une colère sourde et aveugle, outrée de l'affront infligé en point d'orgue de semaines d'un voyage des plus pénibles. Un regard indigné et mauvais s'ancre dans celui de son innocent vis-à-vis, traduisant les pensées qui se bousculent à l'esprit du Penthièvre, durant les quelques minutes de sursis qui s'écoulèrent avant qu'on ne le laisse entrer. Souvenir de cet énième pèlerinage jusqu'à Rome, motivé par la bonne cause et par l'intérêt. Hors de question que tout cela ait été vain et infructueux. Hors de question de n'avoir pour accueil que l'indifférence et le silence hautain de la Principessa, qui avait déjà eu tous les culots pour le tourmenter, des mois auparavant.
Il l'avait reçue, elle le recevrait.


"Si Sa Seigneurie veut bien me suivre".


Longue est l'attente dans l'angoisse et l'énervement, lorsque l'incompréhension confond l'esprit et tourmente les nerfs.
Appuyé contre le mur de massives pierres au touché de sable, bras croisés et visage fermé dans une posture grivoise héritée de la soldatesque vilénie qui a porté son évolution et qui complète le tableau, finissant de dépeindre son humeur qui hésite entre le dépité et le belliqueux, il accueille l'invitation du factionnaire d'un grognement contrarié, avant de se redresser laborieusement.

Il n'y a plus ensuite que la fréquence de leurs pas pour cadencer ses pensées fulminantes et il n'y a que lui pour s'entendre ruminer son mécontentement, tout bouleversé qu'il est d'avoir bien failli trouver porte-clause alors que sa visite était de prime importance pour sa personne et pour ses affaires politiques.
Il rumine tant et si bien qu'il ne prête guère attention au décors, à l'environnement qui l'entoure, l'encadre et finit par l'avaler, tandis qu'il s'enfonce aux côtés de son guide dans les entrailles du luxe Romain, de la volupté, de l'élégance et du raffinement de l'ère Aristotélicienne.
Tout cela le laisse froid, indifférent. Il n'est pas inculte ni impie, il sait les choses et leur valeur, il goûte leur beauté. Mais il n'a jamais été homme à s'émerveiller, et avançant en âge, il avait cessé de s'émouvoir de quoi que ce soit, de la beauté, de la souffrance ou du plaisir.
Le temps et la tempête érodent les rochers, ils les façonnent. Ils agissent ainsi sur les coeurs et les âmes, ternes ou lumineuses.

Porté par ses tourments intérieurs qui accaparaient son attention, le Penthièvre parvint dans un petit-salon, invité par son guide à y pénétrer.
Sans craintes ? Pas vraiment.
Ramené à la réalité, le balafré marqua une courte pause, une hésitation. Un coup d'oeil à l'intérieur, coup d'un oeil fol et soudain fuyant, regard aussi paniqué -l'espace d'un instant- que celui du condamné qui examinerait avant d'y entrer la salle, l'échafaud ou le talus où l'on exécuterait sa sentence.

Il finit par concéder un pas en avant, passant le chambranle de la porte, non sans une visible appréhension, une inexplicable et inextricable angoisse. Il faudrait bien vite se séparer de ce sentiment oppressant, sans quoi l'entrevue pourrait tourner à son désavantage et l'issue en être malheureusement décisive pour lui. Cela ne devait être. Il était là pour conclure un marché dont il sortirait renforcé. Il était là parce que c'était son unique chance de se relever avant le coup d'estoc qui lui serait fatal.


Faut-il qu'Il ait pris les femmes en pitié pour que Dieu les ait gratifiées de la chance inouïe d'accéder à un tel prestige, à une telle fortune...


Il partagea cette pensée dérisoirement subversive et ouvertement jalouse avec le silence qui avait envahit la pièce après que le garde ait pris congé. Et comme le silence ne répond qu'aux fols, il n'eut pour réplique à son sarcasme que le bruit de ses doigts pianotant sur l'accoudoir du siège qu'il s'était choisi. Et c'est d'ailleurs pour tout le temps de cette nouvelle attente que cette délicate musique lui tint compagnie, favorisant le retour en force de pensées qui se faisaient, au fil des ans, de plus en plus profondes, de plus en plus sombres, de moins en moins rationnelles...

"Monseigneur."


Sursaut.
Il ne l'a pas entendue arriver, son regard vitreux perdu dans le vague d'une tapisserie intrigante, qui avait éveillé sa curiosité avant de bercer les pensées vers lesquelles son esprit avait dérivé.
De la direction opposée, son oeil unique vrille vers le Cardinal, défiant et caressant à la fois ce regard glacé qui semait le trouble et l'effroi dans le coeur de bien des hommes.

Une main tendue, un regard dédaigneux en réponse. Il n'a jamais aimé faire allégeance à un autre qu'à son patriarche bien-aimé et, lorsqu'il s'agissait de s'agenouiller -de s'abaisser- devant l'anneau précieux d'un prélat quelconque, il avait à fournir moults efforts pour se contenir et prendre sur lui de courber l'échine.
Faire dos-rond pour mieux faire main-basse.

Il s'exécuta alors, sans un mot, baisant du bout des lèvres l'anneau Cardinalice que l'Altesse lui présentait impérieusement. Et s'il leva le regard pour affronter le sien, c'est une brique dans le ventre et le goût amer du métal au bout des lèvres qu'il le fit, et qu'il se fendit d'un neutre et monocorde :


Voici devant vous vostre pénitent, Altesse. Je suis venu d'Anjou pour vous voir, régler la dette que mon âme impie a contracté envers l'Eglise en fautant gravement, afin de rompre définitivement avec les travers qui furent les symptômes d'une jeunesse décadente et tourmentée.

En face de lui, un mur, une porte, dont il redoute la réaction, la réplique. Non point seulement pour ce qu'elle peut être, sa gravité, ses conséquences. Mais parce que, malgré le voyage entreprit, son coût, le temps perdu à se presser jusqu'à Rome, il n'avait aucune idée de ce que déciderait ou dirait Ingeburge, ni de l'attitude qu'elle adopterait envers lui, vu le déroulement de leurs précédentes rencontres.

Evaporée l'ambiance du quartier Trastevere, son atmosphère, ses bruits et ses odeurs. L'endroit est un huis-clos, une bulle, une cage sur laquelle pèse une chape de plomb qu'aucun son, qu'aucune chaleur du dehors ne peut traverser. Tel un otage jeté aux oubliettes, il est seul, livré à lui-même ou pour mieux dire à la merci de son redoutable Cardinal. Alea jacta est.

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Ingeburge



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MessagePosté le: Lun Mai 11, 2009 10:41 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Elle l'avait surpris, visiblement, tant son arrivée avait été silencieuse. Aucun effet ou calcul de sa part pourtant, elle n'avait pas cherché à le prendre de court.

Il tourna la tête vers elle et vrilla son œil unique dans les siens. Elle l'observa, placide, sa main levée à mi-hauteur.

Le premier duel se joua tandis qu'il hésitait à la rejoindre et à s'incliner devant elle, son unique organe visuel toujours planté dans ses yeux; cette première passe augurait de ce que cette entrevue serait et elle rappelait ce qu'elles avaient toujours été : âpres, irritantes, intenses et exténuantes. Il ne pouvait en aller autrement entre deux êtres si différents mais tellement écorchés. Et à dire vrai, même si entre le moment où la venue du Vicomte de Brissac avait été annoncée et son arrivée dans le petit salon aux murs rouge foncé, elle avait eu le temps de se faire à l'idée qu'il était là, pour la voir, elle ne pouvait déterminer ce qui allait se produire.
Elle ne l'attendait pas, elle n'aurait pu prédire qu'il viendrait, elle ne se l'était même pas imaginé. Elle lui dirait du reste qu'il aurait pu l'informer de sa visite, lui faisant bien sentir qu'il n'était pas le bienvenu, surtout pas ici, en son refuge inviolé et préservé. Ou elle ne dirait rien. Il lui paraissait bien risible de prévoir des répliques tant elle ne savait à quoi s'en tenir. Et maintenant qu'elle constatait qu'il était bien là, chez elle, assis dans l'un de ses fauteuils, l'envie de le chasser se la disputait à la curiosité de voir ce sur quoi l'incongruité de sa présence en ces lieux déboucherait. D'ailleurs, il ne lui revenait pas à elle de se mettre en frais, il était demandeur, elle n'attendait rien; il venait payer son dû, elle n'avait que faire qu'il soit là ou ailleurs; il venait remplir son devoir, elle se distrairait l'espace d'un instant... ou pas.

Elle ne cilla point et le vit s'avancer jusqu'à elle. Elle se contenta de suivre son approche, ne se départant pas de son masque de froideur. Elle retint pourtant un tressaillement quand il se saisit de sa main afin de baiser son anneau, pensant bêtement que l'avantage de voir les gens en extérieur était de pouvoir présenter une main gantée. Ce bref toucher, cette chaleur à peine ressentie lui étaient difficilement acceptables; son éducation seule lui permit de ne pas se braquer et de ne pas retirer trop vite sa main.

Elle laissa retomber son bras, s'efforçant de le faire avec lenteur tandis qu'il se redressait.
Ce regard, encore, maintenant qu'il se tenait de nouveau droit, si intense malgré la blessure, si empli de défi malgré son unicité. Elle le soutint, de nouveau, trop fière pour céder, sachant bien que les premières minutes de la lutte qui venait de s'ouvrir détermineraient le ton de la bataille.

Il s'exprima :

— Voici devant vous vostre pénitent, Altesse. Je suis venu d'Anjou pour vous voir, régler la dette que mon âme impie a contracté envers l'Eglise en fautant gravement, afin de rompre définitivement avec les travers qui furent les symptômes d'une jeunesse décadente et tourmentée.

Elle sourit, un peu, mais ce sourire n'avait rien de chaleureux ou de rassurant, il n'était que le reflet de ce qu'elle voulait bien montrer et de ce que l'on croyait en conséquence qu'elle était, et l'éclat de ses dents très blanches qui se découvrirent à peine démontra qu'elle tenait plus de la chasseresse que de la biche effarouchée. Et ce palazzo nommé en hommage à la froide déesse de la cynégétique était sa tanière.
Elle rétorqua d'une voix légèrement rauque :

— Serait-ce à dire que vous n'avez donc même pas essayé de rompre avec ces travers?

Son regard inexpressif n'avait pas quitté le visage buriné de l'Angevin mais il le délaissa pour se fixer sur les poutrelles ouvragées du plafond et elle souffla :
— Ce n'est qu'auprès de Lui que vous avez contracté une dette. Rome pourrait sombrer à l'instant, je pourrais tomber morte à vos pieds que vous Lui seriez toujours débiteur. Ne faites donc pas l'erreur d'une vaine flagornerie, Lui seul est important.

Un bruit de pas dans le corridor la fit revenir à une réalité plus tangible et plus prosaïque.
Elle pivota doucement pour voir un valet parfaitement stylé s'arrêter au seuil de la porte. Elle lui fit signe d'entrer et il s'exécuta avec précautions, allant jusqu'à un guéridon afin d'y déposer le contenu du plateau qu'il portait : trois carafons, deux hanaps, une petite corbeille de fruits et un drageoir délicatement peint.
Il attendit un ordre et elle murmura :

— Ci serviremo, vai.

Le domestique s'inclina et sortit, tirant la porte derrière lui.

Le pêne s'engagea dans la gâche avec un bruit sourd et elle resta un moment à fixer le vantail désormais clos.
Ils étaient seuls maintenant, et assurés de ne pas être dérangés. Personne ne viendrait interrompre la discussion, rien ne viendrait perturber l'échange. Le face-à-face pouvait être pleinement engagé.

Elle se tourné de nouveau vers à lui mais ne le regarda pas. Elle ne semblait plus le voir, elle paraissait ailleurs. Elle ne s'était pas encore décidée sur la conduite à adopter et l'entrée en matière de Tithieu était des plus banales. Etait-ce le signe que lui non plus ne savait à quoi s'en tenir? Ou tentait-il simplement d'évaluer son humeur?

Elle alla finalement s'asseoir dans le fauteuil faisant face à celui qu'il occupait quelques minutes auparavant et s'installa sur le rebord, très droite, toujours plongée dans ses pensées.

Le silence avait repris ses droits, à peine troublé par les pépiements des oiseaux vagabondant dans les jardins. Cette aile du Palazzo était déserte, comme à l'accoutumée et les appartements les plus proches étaient vides et le demeureraient à jamais puisque leur occupante n'était plus.

Et alors que les secondes s'égrenaient, le jour se fit son son esprit. Elle se repassait les mots qu'il avait eu pour se présenter et se remémora ainsi les inflexions prises par sa voix et les mots employés. Il ne voulait pas être là. L'évidence lui apparut, nette et incisive.

Soit. Elle y mettrait donc autant de bonne volonté que lui.

Sa voix s'éleva de nouveau, aussi neutre que le ton que le Penthièvre avait employé et elle lança :

— Je vous ai connu plus primesautier, Vicomte. Quel sérieux et quel manque de conviction.
Dites-moi, depuis quand avez-vous arrêté votre introduction si parfaitement ânonnée et depuis quand vous la répétez-vous? Le Duché de Modène ou bien celui d'Anjou?


Elle tendit ses mains devant elle et scruta d'un air concentré ses ongles impeccablement polis.
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Tithieu



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MessagePosté le: Sam Juin 27, 2009 3:11 am    Sujet du message: Répondre en citant

    Palazzo di Diana, Délivrez-moi du Mal.



"Ce n'est qu'auprès de Lui que vous avez contracté une dette. Rome pourrait sombrer à l'instant, je pourrais tomber morte à vos pieds que vous Lui seriez toujours débiteur. Ne faites donc pas l'erreur d'une vaine flagornerie, Lui seul est important."

Un fin sourire fendit son visage blême, avant de s'en effacer aussitôt. C'était le premier de vrai, de sincère, de spontané depuis son arrivée en ces murs. Depuis son arrivée à Rome, même, peut-être. Certainement.
Il n'avait pu s'expliquer le trouble, l'angoisse qui s'était emparé de son être et qui était resté maître impérieux de sa personne depuis que les remparts de la cité avaient étés en vue. Tout en lui s'était contracté, ses entrailles, ses muscles, les traits de son visage. Figés dans ce qui semblait être une prudente neutralité, une absolue indifférence au monde et aux hommes, une fermeté d'âme et d'esprit à toutes épreuves, mais qui n'était en réalité que le lisse reflet de ses craintes, de ses incertitudes, de la posture de retrait qu'adoptait en lui l'Enfant, mais que l'Homme qu'il était devenu forçait à avancer vers un débouché qui ne devait rien avoir de plaisant. Comme un condamné poussé à l'échafaud. Ou pour mieux dire, comme un porc avant l'abattoir, la peur et la rage au ventre, terrifié par l'inconnu de ce qui l'attend, avec pour seule certitude que cela sera tragique.
Et s'il avait écouté l'Enfant en lui, il aurait eut tôt fait de faire volte-face et de rejoindre l'Anjou. Mais il y avait bien longtemps que l'Enfant n'avait plus voix au chapitre, presque mort, comme l'âme de ce gangréné, grignotée par l'aigreur, les rancoeurs, la jalousie, la haine qui faisaient à la fois les moteurs et les lestes de la Balafre.
Il se trouvait alors là, face à la bourrelle qui pourrait bientôt l'achever, en opposant à sa requête un refus catégorique, agrémenté d'un mépris et d'une condescendance qu'elle ne lui épargnerait pas. Et malgré son coeur qui semblait vouloir cesser de battre, ses entrailles qui l'attiraient par le fond, l'appelant à l'évanouissement, sa gorge nouée et ses lèvres asséchés qui ne semblaient ne vouloir s'ouvrir que pour bafouiller d'inaudibles sottises, il resterait. Plus question de faire volte-face, désormais. Fuir, prendre ses jambes à son coup... plus maintenant.
Maintenant il fallait assumer, et poursuivre, qu'à cela ne tienne. Qu'avait-il à y perdre, sinon la chance de redevenir un homme ?
Mais cette échéance fatale, cette seconde où le couperet tomberait, castrant le Noble et le privant d'héritiers, d'hérédité, devait être à tous prix repoussé, pour mieux être contourné. Quelle perspective plus terrible que celle-la, pour un homme qui s'espère Dynaste, qui voudrait assurer la pérennité d'une oeuvre rendue bancale par sa futilité ? Et s'il échouait, peut-être serait-ce le signe qu'il ne doit pas persister dans les mémoires, que sa vie terrible d'homme de guerre, de libertin et de politicien véreux, devait tomber dans l'abîme de l'oubli, souffrir les affres du changement, succomber dans la mort au temps qui passe, et qui l'avait déjà stigmatisé de son vivant.

Mais pour l'heure il n'en était pas à ce genre de considération. Il ne devait à aucun prix s'en embarasser, au risque de se compromettre lui-même. Réfléchir, vite, utilement. Trouver la parade, la réponse la plus diplomate possible, celle qu'elle est en droit d'attendre de lui et qui sera un gage de sa bonne foi. Elle le teste, il manoeuvre.


Il me semble que ce soit mon épouse et non point le Seigneur que j'aie offensé de par mes actes. Et ce sont les règles de Son Eglise que j'ai transgressées, c'est donc à elle que je m'en remet. J'ai prié Dieu chaque jour pour qu'Il me pardonne de mes nombreux pêchés, je me suis efforcé de devenir un homme... meilleur, depuis lors. Et si je sais que mon attitude a pu Lui déplaire de par sa nature pêcheresse, je sais aussi que les voies du Seigneur sont impénétrables... et que seule l'Eglise qui m'a condamné peut m'accorder l'absolution terrestre. Dieu est sans doute contrarié que j'aie agit à l'encontre de ce qu'Il espère de ses enfants, mais ce sont Ses représentants terrestres qui ont jeté sur moi l'opprobre, et auprès desquels -de vous, en l'occurrence- j'aurais dû faire acte de pénitence, pour démontrer à Ses yeux combien je regrettais mes pêchés.
J'ai donc une dette envers l'Eglise, une promesse qui n'a point été tenue, une peine que je me dois de purger pour que mon âme soit en paix.
Je ne puis avoir de dette envers Dieu, car je Lui dois déjà tout. Chacun de mes souffles, je le Lui dois et le Lui rembourserais le jour venu, lorsque je monterais au ciel. Mais en attendant c'est ici, sur terre, que je dois régler mes comptes afin d'être le meilleur fidèle possible pour l'Eglise de notre Seigneur, et ainsi d'être digne de ce qu'Il m'a donné et que j'ai bafoué par le passé. Donc oui, nous sommes en dette.


Pour ponctuer la fin de ce prêche de pénitent, de cette confession honteuse, qu'il voulait pathétique et crédible, il but une gorgée du vin qu'on leur avait porté, irriguant ainsi une gorge asséchée. Non pas par la chaleur de saison, l'air vicié et orageux de Rome, mais par l'angoisse et la parole, qui lui coutaient autant d'efforts que les travaux du champ épuisaient l'humble fermier.
Chacun sa croix.


Vous m'aviez promis Peine pour sanctionner ma faute. Je l'avais acceptée, je l'ai attendue. Rien n'est venu, et depuis, mon âme est déchirée. Je suis délavé par l'opprobre, par le pêché que je traine sans pouvoir m'en défaire, puisque l'on ne m'a ni puni, ni absout. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même, et je ne puis recouvrir raison et goût de la vie si je reste marginal de l'Autel, mauvais époux patenté. Je ne veux point que ma vie d'homme soit résumée à cela. Je refuse que mon amour de ma Foi et ma fidélité envers l'Eglise soit mise en cause, mon nom de baptême bafoué jusque dans le tombeau.
Je suis marginal de l'Eglise, et de la société. Je ne puis prendre femme, non seulement parce qu'il en est ainsi de par votre décision, mais parce que la honte et le scandale qui pèsent sur mes épaules me l'interdisent. Je sens planer au-dessus de ma tête l'ombre menaçante de la folie, qui guette ma solitude et attend ma faiblesse pour s'emparer de moi. Elle me poussera dans l'abîme, dans les profondeurs abyssales du Mal dont je brûle de me défaire.
Je ne suis plus le même homme, mais point encore un homme nouveau. J'en appelle à votre secours et à votre arbitrage.
De grâce, délivrez-moi. Délivrez-moi du Mal.


A bout de souffle.
Il lui fallut s'arrêter pour reprendre contenance. Il s'était cabré, courbé, crispé. Il serrait de toutes ses forces, dans ses poings, les accoudoirs de son siège. Dans son regard se mêlaient conviction, force, et détermination, qui passaient aisément pour une sincérité écorchée, teintée de désespoir.
Une bouffée, une gorgée.
Nerveux, une énième goutte de sueur nait à la lisière de sa tignasse brune, et dégouline le long de son front, de sa joue, jusqu'à venir l'abreuver de ses saveurs salées, amères.
Il fallait reprendre, ne surtout pas la laisser parler. Pas avant d'avoir tout dit.
Pas avant d'avoir conclu, sinon la manoeuvre, la première phase d'icelle...


Faites ce que de droit. Faites ce qu'il convient, ce qu'il a été convenu, ce qui aurait dû être depuis bien du temps. C'est tout ce que je demande, quelle que soit la peine, le tourment, j'accepte de l'endurer sans broncher, car cela est mérité et légitime. Tout sauf le supplice que je subis depuis que ma vie et ma réputation se résument à ce que j'ai mal agit du temps de mon mariage, sans que je puisse soulager mon âme de la culpabilité et des regrets qui la rongent. Je ne puis me pardonner, puisque je ne suis point pardonné. Je ne puis être pardonné, puisque je n'ai point été puni. Que cesse ce cercle vicieux, ce supplice infernal. Je veux rejoindre le troupeau, après avoir payé ma dette.
_________________

Mort ! Bêtement.
C'est l'jeu, ma pauv' lucette.
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