L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church

[Lorgol]

Quel échec, quelle misère. Le procès fut un fiasco, une absurdité sans borne. Il marchait, seul, sur la dalle du palais pontifical. Ses chausses claquaient sur le marbre: un pas lourd, un pas résolu, un pas décidé. Il se parlait à voix haute.

Que n'ai-je interrompu cette mascarade avant que tout cela ne dégénère. Maudit Constant, je sais qui tu es à présent. Je me souviens, chien vénéneux! Soyez tous maudits!

Il allait quitter Rome. Il fallait faire vite. Il n'avait pas que des amis dans la cité depuis quelque jours. Le Saint Office l'avait désavoué, et gare à celui qui était désavoué par le Saint Office. Il pouvait finir hérétique, lui aussi. Il pouvait finir devant le tribunal de ses pairs. Il pouvait finir égorgé dans une ruelle sombre. Et il ne le voulait pas.

Il fit un détour par la basilique. Il embrassa pieusement la croix, se recueillit quelques instants, avant de regagner ses quartiers. Il fit mander Guccio, son fidèle Guccio.

Prépare le coche. Nous partons. Loin. Va maintenant.

Il regardait les flammes dans l'âtre, le regard mi-mélancolique, mi-déterminé. Une page se tournait. Une autre s'ouvrait. Déjà, gagner Thouzon pour méditer dans le calme des vignes du pays d'Avignon. Après, il verrait.

Guccio vint le trouver pour l'informer que le convoi était prêt.

Bien, ne perdons pas de temps.

Et sur le parvis du palais, se retournant pour voir une dernière fois l'auguste bâtisse, orgueil de l'église, il lui jeta, comme un défi, son masque.

La porcelaine se brisa en mille fragments.

Comme cela, personne ne le reconnaitrait...

[Clodeweck]

Le père Clodeweck, quittant la curie, après qu’un clerc lui ait rapporté les nouvelles du procès d’Odoacre, allait vers la salle d’audience. Sur la place, bien du monde encore circulait bien que le vent d’automne souffla un peu plus fort. IL faisait encore à peine jour, mais suffisamment pour ne pas avoir besoin de torche, ni de lanterne.
Ses pas l’amenaient devant la basilique et le craquement sous l’un de ses pieds attira son regard, les pavés de la Place d’Aristote étaient couverts de porcelaine, quelqu’un aurait du tomber un vase. Le prélat reprenait sa marche quand l’un des morceaux, un peu moins abimé que les autres retint son attention, au même moment une silhouette qui s’éloignait le troubla.
Il est des choses comme cela, on ne sait pourquoi, parfois l’esprit tout seul va plus vite que la pensée.
Sans savoir pourquoi le prêtre s’entendit appeler.

- Lorgol ???

Il n’avait pas élevé la voix, juste il avait prononcé ce nom comme l’on parle, normalement sans accent précis, juste une interrogation.

- Lorgol, répéta-il

C’était absurde, pourquoi appelait-il un inconnu, de dos, par le nom de quelqu’un qu’il connaissait bien, certes, mais pas suffisamment pour en reconnaître la démarche ou la silhouette entre chien et loup. Un moment il demeura interdit, son bout de porcelaine entre les doigts, ce pouvait être n’importe quoi. Depuis un vase religieux jusqu’à un vase de nuit…A cette pensée il lâcha la chose et s’essuya les doigts sur le bas de sa soutane et se releva. La silhouette n’avait pas réagit.
Il haussa les épaules et s’apprêta à reprendre son chemin.
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Clodeweck de Montfort, pèlerin, prêcheur, homme de foy contre l'adversité.
Quand on a plus rien à prouver, rien à perdre, rien à gagner on peut parler vrai. (Cloclo 1°)

[Thibaud de Leibundguth]

Antre de la gourmandise incertaine, Rome comptait de nombreux clercs, aux allures parfois différentes, en passant par le plus pieux des hommes jusqu'à celui qui se dandine pour éviter de succomber à ce qu'il ne peut goûter : la tentation. Le Diacre flânait sur la grande Place, à contempler les différents prélats qui discutaient sur des questions de Dogme ou de Droit Canon, ou encore les gardes qui menaient du bout de leur hallebarde, les quelques individus bien trop crasseux qui tentaient désespérément de demander quelques sous. Bien sûr que la bonté était une des valeurs à prôner, mais les vases sacrés ou les richesses religieuses, n'étaient-ils pas conservés dans les plus beaux palais et domus de la Ville ? Des mots sur du papier, de toute manière, qui pouvait juger à part le Très-Haut ?

Le Diacre dunkerquois maudissait en son fort intérieur ce statut qui arrivait à une vitesse lente. Espérons que la Grasce Divine puisse lui faire gagner de nombreux jours, voir semaines, pour atteindre la prêtrise et la théologie. Que voulez-vous, l'ambition régnait aussi à Rome, les façades de polichinelles cachant en réalité quelques débauches de bas étages. Encore heureux, c'était dans les quartiers malfamés qu'on pouvait y apercevoir certaines créatures aux tenues légères, mais la chair ne l'intéressait pas. En tout cas, pas celle-ci, il était plutost adorateur de la brûlée, la rouge, celle d'un hérétique qu'on cuisait à feux doux, et qui criait telle une vierge effarouchée en sentant les flammes lui déchiqueter l'enveloppe charnelle. Quel doux spectacle.. mais ses rêveries firent place à la réalité quand un véhicule traversa la place dans une course folle en sa direction. Le temps de se jeter sur le bas-côté, et le Diacre se releva, après s'être étalé de tout son long. Grognant d'un poing levant :

Pro furcifer stulte !
[Ô pendard stupide]

Non mais quel chauffard ! Il était moins une. Le Diacre enleva la poussière de son habit, puis, tout en se retournant, il aperçut un Cardinal qui contemplait de drôles de fragments. Il leva les épaules, et partit en direction de la basilique.
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