L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church

[Sainte Wilgeforte]

Wilgeforte avait oublié combien l’exercice était difficile. Depuis qu’elle entendait des fidèles en confession, cela était devenu un événement de routine, quelque chose d’habituel. Cela n’avait fait qu’amplifier les difficultés qu’elle avait toujours eues pour mettre des mots sur ses sentiments.
Les mots venaient plus difficilement que jamais. Pourtant la chronologie était simpliste ; tout aurait dû couler. Mais elle bloquait. Qu’elle était loin, l’assurance qu’elle arborait en faisant élire un théologue, dissoudre un mariage ou abroger un concordat. Ce n’était plus la même femme.

Son regard fuyait celui de Seriella, qui n’avait pourtant rien d’agressif et traduisait une écoute fort attentive. Pourquoi avait-elle peur de regarder l’archevêque en face, elle qui avait tant de fois fixé de hauts prélats ? Souventes fois elle les avait regardé et déclamé d’un ton assuré qu’ils se fourvoyaient. Ici, elle n’avait qu’une chose simple à dire et n’y arrivait pas. Pourquoi ?
Parce qu’elle avait l’habitude de dissimuler. Pas à Dieu, bien sûr, mais à toutes Ses créatures. Son éducation lui avait appris à ne laisser transparaître aucune de ses émotions ; elle avait décidé de ne rien laisser transparaître, c’était plus simple. Ici, elle devait retirer ce voile, ce masque. Et elle n’en avait plus l’habitude, elle qui, il y a à peine quelques années, se confessait deux fois par semaine.

Ma sœur… J’ai… J’ai fait torturer un innocent. Aveuglée par un désir d’agir justement, je n’ai plus suivi que cette quête. Oubliant que les moyens comptent infiniment plus que les buts, j’ai livré un homme parfaitement innocent aux mains d’un bourreau.
Il était accusé d’adultère, et son seul tort fut de tendre son bras à une femme mariée. J’ai été aveuglée, abusée par le Sans-Nom. Je me suis crue infaillible.

Mon Dieu, que c’était difficile… Il y avait certes encore énormément à dire, mais le plus important était de s’être lancée.
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[Seriella]

Regardant attentivement le visage blanc, elle le vit commencer à se fissurer.
Elle détourna le visage, il n'était pas besoin de regarder, mais d'écouter avant tout.

Hochant la tête, elle encouragea la suite.

Hum hum. Sur votre ordre, un homme innocent a donc été mené au bourreau. Qu'a-t-il subi exactement ?
Étiez-vous alors persuadée de sa culpabilité ?
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SE Aaron lui même l'a dit : "C’est à regretter de n’être Lescurien de naissance" alors rejoignez nous.

[Sainte Wilgeforte]

Ouf. Des questions. Elle allait pouvoir y répondre sans devoir chercher ce qu’elle allait dire. Elle reprit de l’assurance et, inconsciemment, de la froideur et de la distance. C’était devenu comme un automatisme : dès qu’il y avait un être humain dans la même pièce qu’elle et qu’elle n’était pas proche du point de rupture, elle se changeait en glaçon.

Il n’a subi qu’un très petit interrogatoire… Il se fit rouer de coups avec une masse, c’est tout. Il ne devrait garder aucune séquelle durable de tout cela — du moins, je l’espère.
Je ne dis pas cela pour me défendre, mais j’ai tout fait pour écourter l’interrogatoire. Et j’y suis arrivée. Cela n’excuse rien, bien sûr mais…

Mais quoi ? Elle était de nouveau perdue. La question qui suivit n’arrangea rien — que du contraire.

Persuadée… Pas entièrement, non. Mais j’en étais suffisamment convaincue pour agir de la sorte. Pourtant, il m’avait juré son innocence sur le Livre des Vertus. Mais l’accusateur avait lui juré sa culpabilité de la même manière. Je n’ai vu que la vérité, et pour y arriver, je n’ai vu que cela.
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[Seriella]

Hin hin, ces coups n'étaient donc pas une pénitence; mais une méthode d'interrogatoire afin de démêler le vrai du faux...

Faire justice et faire respecter la vertu n'est pas toujours une tâche facile. Vous éprouvez de la culpabilité et des remords ?
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SE Aaron lui même l'a dit : "C’est à regretter de n’être Lescurien de naissance" alors rejoignez nous.

[Sainte Wilgeforte]

Des remords ? Oh, si je n’en éprouvais pas, je ne serais pas là, ma sœur…

Comment lui expliquer ?

J’ai des remords pour deux raisons majeures.
La première, c’est que, mon erreur constatée, je ne me suis nullement excusée auprès du malheureux que j’ai fait torturer : je suis restée telle que l’on me connaît, froide, peut-être un peu plus qu’à l’accoutumée, d’ailleurs, et je lui ai fait signer des papiers, voilà tout. Je me sens non seulement coupable d’avoir fauté mais également de ne pas avoir reconnu mes torts.
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[Seriella]

Il ne sert à rien de vous mortifier inutilement ma soeur. Vous avez agi pour servir notre Eglise, et votre intention était louable.

Le moyen quant à lui est en effet discutable.

Pour commencer, il serait une bonne pénitence que de présenter vos excuses à cet homme, même avec du retard.
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[Sainte Wilgeforte]

J'ai pensé à tout cela, bien sûr.
Mais ce n'est guère possible : en tant qu'inquisitrice, je pallie au manque de procureur dans cette officialité, et j'aurai donc à mener un procès contre cet homme. Car, même si la faute est minime, il y a quand même faute.

Je ne peux reconnaître que j'ai mal agi devant une personne qui va être mon adversaire.

Wilgeforte baissa la tête et la secoua tristement.
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[Seriella]

Se tortille un peu car le sol n'est pas bien confortable

Hum en effet, des excuses ne seraient guère appropriées. Et bien vous présenterez vos excuses au Très Haut, c'est tout de même le plus important.

Mais vous m'avez dit avec des remords pour deux raisons... Or vous n'en avez exposer qu'une il me semble... hum ?
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[Sainte Wilgeforte]

Tout semblait si simple aux yeux de Seriella… Présenter ses excuses à Dieu, c’est pour cela qu’elle était là. Mais la tâche n’était pas aisée.

La seconde raison est plus… personnelle.

La Sicilienne se troubla.

Dieu s’est, une fois de plus, manifesté à moi. Et m’a dit de ne pas torturer cet homme. Or, j’ai cru qu’il ne s’agissait que de boniments du Sans-Nom et je L’ai ignoré.
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[Seriella]

Seriella fit alors une pause et ouvrit des yeux surpris et curieux.

Dieu s'est manifesté à vous ? Et ce ne serait pas la première fois ? De quelle manière donc ?
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[Sainte Wilgeforte]

Un pas en avant, un pas en arrière, Wilgeforte hésitait. Il fallait en dire ce qu’il fallait mais ne pas en dire trop.

Il me parlait.

Pour un début, c’était pas mal, non ?

Il me disait que je me trompais. Je L’ai ignoré.

Bon, stop, sinon tu vas en dire trop.
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[Seriella]

Seriella était maintenant relativement excitée et curieuse, la confession passait en second plan

Naaaannnn........ c'est fou ça ! Il vous a parlé ??? Mais comment ? Genre... une voix dans la tête ??? Ou alors vous l'avez vu ? Et il a dit quoi exactement ???
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SE Aaron lui même l'a dit : "C’est à regretter de n’être Lescurien de naissance" alors rejoignez nous.

[Sainte Wilgeforte]

Au vu de la réaction de Seriella devant la simple déclaration de Wilgeforte, celle-ci comprit qu’elle avait bien fait de ne rien dire d’autre.

Parler est peut-être un terme un peu fort… C’était une voix à la fois extérieure et intérieure. Cela ne saurait être un simple instinct, car j’ai pu refuser Ses conseils.
Il m’a dit « tu fais fausses route ». Il n’a cessé de me redire cela, avec quelques variantes : « tu te trompes », « tu te fourvoies », etc.
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[Seriella]

La préfète ne semblait guère partager son intérêt. Bizarre. Elle reprit un peu son sérieux.

Et pourquoi avez-vous donc ignoré cette voix divine ?
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SE Aaron lui même l'a dit : "C’est à regretter de n’être Lescurien de naissance" alors rejoignez nous.

[Sainte Wilgeforte]

La Sicilienne tortillait ses doigts comme une petite collégienne récitant une fable devant le tableau noir.

Parce que ces conseils me paraissaient tellement absurdes que je me suis persuadée que ce n’était que des boniments du Sans-Nom. C’est quand je me suis rendu compte que ces conseils étaient les bons que j’ai compris que cette conviction n’était que de l’autosuggestion.

Je regrette tellement…
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