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[RP] La seule chose qui permet au mal de triompher...
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Theobald



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MessagePosté le: Sam Mar 06, 2010 1:59 pm    Sujet du message: [RP] La seule chose qui permet au mal de triompher... Répondre en citant

"... est l'inaction des hommes de bien"


Le coup du siècle…
C’est à cela que pensait le brun ténébreux alors qu’il marchait le long des chemins déserts en direction de Rome, fallait dire qu’il avait le temps de penser, vu les jours qu’il avait mis pour venir jusqu’ici. En même temps c’était l’hiver et la plupart des chemins étaient soit recouverts de neige, soit recouverts d’une fine couche de glace, de celle que vous ne voyez pas mais qui vous fait vous retrouver les jambes en l’air à peine le pied posé dessus, bon certes le printemps arrivait à grands pas mais quand même…Dangereux ce genre de chemins s’il en est, et Theobald, Theo de son petit nom, craignait la glace bien plus qu’une attaque de brigands…Fallait dire que les brigands il en connaissait un rayon le petit, vu qu’il en était lui-même un. Bon…à première vue ça ne se voyait pas forcément, il était bien habillé, armé, et lorsqu’on lui parlait, il se montrait cultivé et aimable bien que parfois d’humeur taciturne, restes, sans doute, de toutes ses années passées en solitaire. Brigand, peu le connaissait ainsi, débutant dans le domaine bien qu’ambitieux et près à tout, ou presque, pour faire connaître au royaume entier sa haine des personnes de bonnes naissances qui n’ont jamais connu le manque et qui se permettent de mener la vie dure aux petits paysans.

Habillé tout de noir de pied en cape, seuls ses yeux azurs apportaient une touche de couleur au sombre personnage qu’il était devenu pour ce voyage. Regard de glace adopté pour la tâche qui l’attendait. Tâche peu attractive pour un homme ordinaire, mais lui avait hâte, tellement hâte d’arriver enfin et de voir le visage de sa prochaine victime qu’il en courrait presque sur la route peu sure.
Il était parti…de où déjà ? Il ne savait même plus, d’ailleurs ça ne l’avait jamais intéressé. Tout ce qu’il savait, lui, c’est que sa sœur était restée là-bas, il lui avait expliqué ce qu’il comptait faire, il lui avait aussi expliqué qu’il ne voulait pas qu’elle le suive parce que la connaissant, un petit voyage en Italie ne lui aurait pas déplu. Il voulait être seul pour cela…non pas qu’il ne fasse pas confiance à la petite, mais que si l’affaire plantait, il voulait être seul à assumer, et surtout ne pas risquer de mettre quelqu’un d’autre dans l’ennui.
Seul donc, il avait pris la route, à pied parce qu’il n’avait pas les moyens, tout brigand qu’il était, de s’acheter un cheval.

Tout avait commencé ce jour-là, une journée ordinaire en fait, où il avait reçu un courrier pour le moins peu ordinaire. L’apprenti brigand s’était mis en tête de trouver la personne qu’on lui indiquait sur le courrier…Wilgeforte qu’elle s’appelait, grande figure de l’église aristotélicienne qu’on lui avait dit, inquisitrice avec ça, pour sûr que Rome devait compter sur elle pour ses petites affaires. Un grand coup donc, très grand coup…Et sur le courrier qu’il avait reçu, l’endroit exacte où il pourrait la trouver, les heures où elle sortait, ce qu’elle faisait quand elle sortait…enfin, tout ce dont il avait besoin, tous les renseignements nécessaires sur elle et aussi comment contacter Rome. Merci le contact…C’est qu’il y en avait qui souhaitaient enquiquiner Rome, bien plus que ce qu’on pouvait imaginer. Alors aider un petit brigand de rien du tout à faire ça…un lancement pour la carrière de Theo et une aubaine car alors qu’un brigand reconnu se serait fait attraper quasi immédiatement, lui passera inaperçu tout le long du voyage et même une fois sur place on ne l’identifierait pas comme un brigand.

Devant lui, les faubourgs de Rome, sa destination exacte et en plus il arrivait en pleine nuit…parfait.
Il avait à présent largement le temps de préparer le terrain, de jauger les différentes possibilités et de se mettre en place en attendant le moment fatidique, celui de l’enlèvement. Les chemins étaient tranquilles et à première vue il n’aurait pas trop de difficultés à se dissimuler, suffisait de trouver l’endroit approprié.
Là…le ténébreux s’arrête et pose son regard sur une petite ruelle, plus étroite que les autres, remplie de coins sombres, l’endroit idéal pour ce qu’il s’apprêtait à faire…Alors doucement il s’approcha et se cacha dans un des coins tout en prenant sa dague afin de la garder à porter de main, il ne lui restait plus qu’à attendre que la personne qu’on lui avait décrite passe par là, attendre sagement l’heure où viendrait pour lui le temps d’agir.

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Sainte Wilgeforte



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MessagePosté le: Sam Mar 06, 2010 5:16 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Bande-son.

Wilgeforte allait et venait dans les locaux de la congrégation du Saint-Office, transportant de lourds volumes entre les diverses pièces. Les livres. Sa raison de vivre après Dieu. Il était tard mais elle venait à peine d’achever le classement d’une vingtaine d’études de l’hagiographie de saint Thomas. Elle était seule dans les bâtiments de la congrégation. Les scripteurs et les théologues étaient partis depuis longtemps. Pour eux, le Saint-Office était soit un passe-temps soit un emploi. Rien de plus. Pour Wilgeforte, c’était une passion. Il est très rare de pouvoir vivre de ses passions. Wilgeforte y était arrivée.
Revenue dans son bureau de préfète, elle s’assit dans un des divans de réception, plus confortables que son propre fauteuil, et se servit un verre de vin. La bouteille était en directe provenance de sa propriété familiale en Sicile. Elle en but une gorgée, laquelle suffit à lui remémorer les instants qu’elle passa là, dans sa jeunesse. C’est là qu’avait commencé son étrange relation avec Dieu. Cette relation, plus encore que celle qu’elle entretenait avec les livres, était ambiguë. Cette relation l’avait poussée à entrer dans les ordres. Mais cette relation l’avait aussi poussée à faire le mal.

Wilgeforte avait voulu faire le bien. Mais, parfois, elle le faisait mal. « On ne peut choisir le mal en parfaite connaissance de cause », répétaient à loisir les nombreux philologues de l’aristotélité. Wilgeforte l’avait assimilé dans la théorie des années avant de le comprendre dans la pratique. « Le libre-arbitre dont Dieu nous a fait don est une arme à double tranchant », poursuivaient les philologues. Wilgeforte avait écrit plusieurs textes sur ce sujet. Elle avait tenu des conférences. Mais cela ne fut rien en comparaison à la confrontation brutale que Dieu lui fit avoir la réalité. À cause de cela, Wilgeforte fut au bord du point de rupture pendant de longues journées. Mais elle s’en était confessée. Et elle en avait eu l’absolution.
Ces longues journées précédant la confession, Wilgeforte les passa à tenter d’empêcher son masque de se fissurer. Car Wilgeforte dissimulait sans cesse. Elle ne savait plus trop si c’était de l’inné ou de l’acquis, si c’était elle qui était prédisposée à cela ou si on le lui avait appris, mais le résultat était là. Ses maîtres, lorsqu’elle était enfant, lui avaient martelé qu’une femme qui montre ses émotions est odieuse. Ce dogmatisme, qu’elle jugea au départ spécieux, finit pourtant par faire son œuvre. Et Wilgeforte dissimula. Personne ne savait ce qu’elle avait derrière la tête ni ce qu’elle ressentait. Les effets étaient là. Mais l’effort demandé était immense. En temps normal, cela demandait déjà beaucoup. Et lorsque rien n’allait, cela était surhumain. Pour ne pas montrer son humanité, qu’elle prenait pour de la faiblesse, Wilgeforte avait passé plusieurs journées à fuir. Jusqu’à ce qu’elle se confesse. Là, elle pleura. Elle hurla. Elle rit. Elle ne dissimula plus. Cela la libéra. Mais cette libération ne fit que lui permettre de recommencer comme avant, avec plus de facilité. Ce qui ne tue pas rend plus fort.

Le verre de Wilgeforte était fini. Cédant à son envie, elle s’en resservit un autre. Puis un autre. Bénie soit l’intimité, où l’on peut pleurer, hurler et boire. Bénie soit l’intimité, où l’on peut se débarrasser de ce si pesant masque. Bénie soit l’intimité, où l’on est loin des autres.
L’enfer, c’est les autres.

Elle quitta les locaux du Saint-Office. Quelle heure pouvait-il bien être ? Elle n’en avait aucun idée. Quelle espèce d’importance cela avait-il ? Absolument aucune. Le temps n’était rien pour Dieu. Il ne devait donc rien être pour toute femme sage. Seule, elle arpenta les rues de la cité éternelle. Combien de fois avait-elle entendu des prélats lui conseiller de ne pas s’aventurer seule dans les peu sûrs faubourgs de Rome la nuit venue ? Combien de fois avait-elle dû décliner une offre de cocher, d’escorte ? Primo, les fiacres ne pouvaient pas traverser la place d’Aristote, à moins que l’on soit cardinal. Les prélats se déplaçant en calèche devaient donc contourner ce lieu que Wilgeforte adulait. Secundo, quelle utilité les hommes et les femmes de Dieu pouvaient-ils trouver à une escorte ? Croyaient-ils réellement en la perfection de Dieu ? S’Il voulait qu’ils soient attaqués, rançonnés, tués, ils le seraient. Aucune escorte ne serait à même de contrecarrer les plans du Créateur. Alors, à quoi bon occasionner des frais supplémentaires ?
Wilgeforte arriva sur la place d’Aristote déserte. Quelle formidable impression de paix dégageait-elle. Bondée de fidèles ou entièrement vide, elle était source de sérénité. Comment un prélat pouvait-il préférer le confort d’un fiacre à la paix de cette place ? Cela dépassait Wilgeforte. Sous la complice clarté de la Lune, elle arpenta la place. Le lieu était immense et était au centre de la plus grande des villes. Elle était au centre de la capitale du monde. Et elle était seule. Elle était dans l’intimité alors qu’elle était au milieu du monde. Ce paradoxe la grisait. À contre-cœur, elle quitta la place et reprit la route de la Villa Farnesina. Après diverses bifurcations, elle s’engagea dans une ruelle plus étroite que les autres.

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Theobald



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MessagePosté le: Lun Mar 08, 2010 11:24 pm    Sujet du message: Répondre en citant

L’attente n’avait finalement pas été longue, lui qui croyait devoir attendre jusqu’au petit matin, il s’était bien trompé mais ça l’arrangeait, ainsi personne ne risquait de venir au secours de la religieuse et lui casser les noix par la même occasion, il serait tranquille et l’enlever allait être un jeu d’enfant, pour sûr Wilgeforte ne devait pas se balader armée jusqu’aux dents, une petite dague tout au plus et si c’était le cas, elle n’aurait toute façon pas le temps de s’en servir.
Lorsqu’il la vit arriver, un sourire presque sadique éclaira son visage, elle était exactement comme on la lui avait décrite et, même s’il n’avait pas eu la description, il était presque sûr de pouvoir la reconnaître au premier coup d’œil, c’est qu’il avait l’odorat fin ! Enfin…un instinct bien développé plutôt…Oui parce qu’elle sentait pas si fort que ça l’inquisitrice. Bref, en fait c’est surtout qu’elle ne ressemblait pas vraiment à une paysanne du coin, et il n’y avait pas cent mille personnes capables de se promener seules dans cette partie de Rome et à cette heure en plus…surtout à cette heure, elle était bien courageuse la religieuse…ou alors complètement inconsciente, Théo penchait d’ailleurs plutôt pour l’inconscience.

Lorsqu’elle passa à sa hauteur, Théo resta bien caché dans le petit coin sombre en attendant que celle-ci dépasse son niveau, ce qui fut très rapidement fait d’ailleurs, c’est qu’elle avait le pas leste la petite. Le moment d’agit était donc arrivé de passer à l’action pour le beau brun.
En silence, il retira sa dague de son fourreau alors qu’au même moment un rayon de lune vint éclairer la lame qu’il espérait ne pas avoir à utiliser…du moins il ferait en sorte de s’en servir le moins possible, tant qu’elle resterait docile et que Rome lui envoyait ce qu’il désirait…Enfin, il n’en était pas là pour le moment, fallait déjà la capturer.
Alors que dans sa tête déjà se formait le plan d’action qu’il allait mettre en œuvre, le jeune homme se mit en marche, silencieux telle une ombre, un simple courant d’air se rapprochant lentement de la jeune femme qui ne s’attend à rien sinon à rentrer chez elle…
Petite fille tu n’as pas vu le loup…il est sorti de sa grotte pour partir te trouver…Il te voit à présent et va t’attraper…Cours petite fille, cours…mais tu ne le vois pas petite fille, il va t’attraper.
Et le loup referma ses griffes sur elle.
C’est plus ou moins ce qu’il se passa pour la femme d’église également, arrivé presque à sa hauteur, Théo se glissa derrière elle alors que sa lame allait directement prendre place contre la gorge de la pauvre victime. Un sourire aux lèvres, il s’approcha de son oreille et murmura :


Et bien…est-ce là une heure pour être dehors et seule qui plus est, une femme d’Eglise en plus…ce pourrait être dangereux, ne croyez vous pas Wilgeforte…?
Enfin tout va bien maintenant que je suis là pour vous escorter, n’est-ce pas…alors un conseil, pas un bruit…sinon c’est votre sang que les gens retrouveront au matin…voyez ce que j’veux dire ?


Et pour bien se faire comprendre, il appuya légèrement sa dague sur la peau de sa captive, faisant une légère entaille d’où un filet de sang s’échappa puis il entreprit d’attraper ses mains avec celle qu’il avait de libre pour les emprisonner derrière son dos…Etrangement elle se montrait bien coopérative, fallait dire que la dague était un excellent moyen de pression pour qui savait un minimum s’en servir.
La chose faite, il s’approcha à nouveau de son oreille et cette fois prit un ton plus sec et froid afin de se faire obéir.


Maintenant, vous venez avec moi Monseigneur, et pas un bruit je vous préviens, nous allons faire une petite balade vous et moi.

Garder la dague en place, simplement y laisser un peu de mou histoire de pas l’égorger par accident, puis il poussa dans son dos afin de la faire avancer direction une maison abandonnée non-loin de là qu’il avait choisi comme base : près de Rome, parfait donc pour envoyer des missives, et aussi pour se ravitailler en nourriture si besoin était ou encore pour se fondre rapidement dans la foule…mais cette maison, vu l’état, assurément personne n’y avait mis les pieds depuis un moment, et elle était tout de même à l’écart des autres habitations…le coin rêvé donc.
La première étape de son plan serait achevée dans quelques minutes, dès que sa captive et lui aurait atteint la bicoque…et en plus tout ça alors même qu’il faisait encore nuit…il avait vraiment eu de la chance pour le coup. Encore quelques mètres et ils y seraient…le début de la captivité pour l’une, de la paperasse à faire pour l’autre.

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Sainte Wilgeforte



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MessagePosté le: Mar Mar 09, 2010 4:17 pm    Sujet du message: Répondre en citant

La vengeance de la bande-son.

Lorsqu’elle atteint le milieu de la ruelle, l’atmosphère se transforma. Elle était incapable de donner une raison à cela, mais c’était indéniable : un danger la guettait. Exactement comme Dieu : impossible à prouver mais dont l’existence crève les yeux.
Elle hésita à se retourner mais s’en garda bien : la ruelle était trop sombre pour voir quoique ce soit, elle aurait pris peur en voyant un chat car elle l’aurait pris pour un quelconque malfrat. Mieux valait continuer à regarder devant soi. Par ailleurs, elle n’avait entendu aucun bruit. Peut-être le danger venait-il d’une des bâtisses. Après tout, elle était une cible idéale. Un habile trait d’arbalète et on n’en parlait plus. Très simple.
Et puis, encore une fois, si Dieu le voulait, ce n’est pas en se retournant ou en se cachant que Sa volonté allait changer. Elle poursuivit donc son chemin, s’efforçant de dissimuler son trouble — dissimulation qu’elle opéra avec un certain talent, étant passée experte en cet art. Elle crevait d’envie d’accélérer son pas mais elle s’en garda bien : cela signifierait qu’elle avait failli à sa tâche de dissimulation. C’est donc d’un pas qui suintait la décontraction qu’elle continua sa route vers la Villa Farnesina.

Une glaciale présence fit irruption sur son cou. Et Wilgeforte comprit tout. Instantanément. Le danger était un quelconque coupe-jarret qui l’épiait depuis le milieu de cette ruelle à la fin de laquelle elle était presque arrivée. Seigneur, Tes voies sont impénétrables.
Wilgeforte savait pertinemment bien comment il convenait de réagir dans ces cas-là. Ne pas parler, ne pas résister. Lui donner sa bourse sans sourciller, ne pas partir avant qu’il l’ait décidé. Et, quand il nous y autorisera, s’enfuir pour bien lui prouver sa supériorité, même si cela ne servait à rien de courir une fois le danger passé.
L’obscurité masquait les traits du visage de Wilgeforte et elle n’était que peu connue des laïcs, il n’y avait donc aucune chance que le maraud la reconnaisse. Il n’avait donc aucun moyen de savoir que la famille de celle qu’il s’apprêtait à détrousser était richissime, et se contenterait d’une bourse bien garnie, de quoi payer ses visites dans les bordels pendant quelques mois.
La Sicilienne avait vingt-quatre ans, était en train de se faire agresser, mais elle considérait que la situation était totalement sous contrôle.

Elle se trompait. L’homme connaissait son nom. L’homme n’en voulait pas à son argent. Il la voulait elle. Pourquoi ? Peut-être était-il un sicaire et espérait-il paralyser l’administration romaine en enlevant la fonctionnaire multi-compétente qu’était Wilgeforte. Non : dans ce cas, il n’aurait pas pris la peine de lui parler, ou alors juste un peu, mais dans les deux cas elle aurait déjà rejoint ses pères.
L’homme voulait faire une « petite balade » avec elle. Balade qui mènerait où ? Et que fera-t-il d’elle une fois arrivés à destination ? Dans les pires situations, l’homme envisage systématiquement les pires des issues. Wilgeforte n’échappait pas à la règle. Les pires des hypothèses se succédaient dans son esprit avec un pouvoir dangereusement persuasif : elle se voyait violée, torturée jusqu’à ce qu’elle renie sa foi, revendue comme esclave à un haut dignitaire du Lion, nommée clerc dans le diocèse de Payns… Les pires scénarios s’échafaudaient dans l’esprit torturé de la jeune préfète.
Pourquoi ? Parce que, dans les pires situations, l’homme envisage systématiquement les pires des issues. Wilgeforte n’échappait pas à la règle. Elle était dans la pire des situations. Pour Wilgeforte, le pire n’était pas de se faire détrousser, c’était de perdre le contrôle. L’homme en aurait voulu à sa bourse et elle aurait été comme un poisson dans l’eau, elle savait exactement ce qu’elle avait à faire. Là, c’était très différent. Jamais elle n’avait songé à la possibilité d’un enlèvement. Elle était perdue. Quand Wilgeforte est perdue, elle se replie sur elle-même afin de se donner du temps et de ne pas agir stupidement. Voilà pourquoi la Sicilienne suivit Theobald sans aucune résistance et sans piper mot.

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Theobald



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MessagePosté le: Dim Mar 14, 2010 9:07 am    Sujet du message: Répondre en citant

Aucune parole de la part de la jeune femme, même pas une toute petite exclamation de surprise, comme si elle s’y attendait ou que rien ne pouvait la surprendre. Un peu déçu Théo, il imaginait une scène bien plus tragique, avec du sang et des larmes, un corps tout tremblant à genoux devant lui pour lui demander de l’épargner, à lui dire qu’elle était trop jeune pour mourir, qu’elle devait encore se marier et avoir des enfants…mais non, suis-je bête, elle avait voué sa vie à Aristote. C’était d’ailleurs surement sa faute à celui-là si elle restait si stoïque face au danger…Et puis zut quoi ! Même pas droit à une petite réaction de rien du tout alors qu’il avait si bien orchestrer la scène !
Tant pis, il se rattraperait plus tard, ce ne serait de toute façon pas les occasions qui risquaient de manquer. En attendant, il arrivait avec sa captive à la vieille baraque qui allait lui servir de planque le temps que durerait l’attente avant la réussite de son plan.
Ca pour être vieille et poussiéreuse, il aurait pas pu trouver mieux, si quelqu’un avait l’idée saugrenue de s’en approcher, il serait très vite dissuadé par l’aspect délabré et puant de l’endroit : pour Théo c’était une sorte de paradis sur terre.

Entrant brusquement dans la maison, à coups de pied dans la vieille porte dont les gonds jouaient les capricieux plus précisément, il la referma tout aussi discrètement d’une nouvelle poussée du pied avant de s’approcher de la table et des chaises qui trônaient au centre de la pièce lugubre et pas du tout accueillante contrairement aux demeures que devait habituellement fréquenter la Sicilienne, la lame de sa dague toujours sous la gorge de celle-ci d’ailleurs.
Pas très doux par nature le brun, surtout quand il s’agissait d’une personne qu’il ne connaissait pas, et il le montrait bien alors qu’il forçait la jeune femme à s’assoir sur une des chaises. Oh bien sûr il n’allait pas l’abîmer, enfin pas trop, il en avait encore besoin pour des desseins bien plus intéressants que celui en cours en ce moment.
Prendre de nouveaux liens à présent, et l’attacher solidement à la chaise pour ne pas avoir à lui courir après sans cesse, mine de rien il n’avait pas envie de se fatiguer et préférait que tout se passe comme prévu.

C’est là que le plus amusant pour lui débute, la proie à présent est dans sa toile et lentement, après s’être assuré qu’elle était bien attachée, il s’était attablé face à elle, plongeant son regard azur dans celui de la jeune femme sans chercher à s’en détourner, un sourire presque triomphant même sur son visage.
Il allait maintenant discuter avec elle, calmement et d’un ton posé. Une voix glaciale qu’il ne sortait que pour ce genre de situations et en ce jour elle convenait parfaitement, regard de braise dans l’océan de bleu dont étaient fait ses yeux, il la détaille, essayant de lire en elle, de faire fondre la carapace autour d’elle pour s’amuser un peu plus.


Alors..Wilgeforte. Maintenant que nous sommes bien installés, peut-être pourriez vous me dire c’que ça fait d’être face à un inconnu dont on ne sait rien et qui connait beaucoup de choses à votre sujet…Qu’est-ce que ça fait d’être là, devant moi, à se demander ce que je vais faire ?
D’ailleurs…à votre avis, que vais-je faire ?

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Sainte Wilgeforte



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MessagePosté le: Dim Mar 14, 2010 4:22 pm    Sujet du message: Répondre en citant

S’engagea alors la périlleuse avancée. « Périlleuse » pour plusieurs raisons métaphysiques.
La première était plus « physique » que « méta » et était la conséquence de la méfiance de Theobald. Cette prudence, proche de la paranoïa, avait sauté aux yeux de Wilgeforte lorsqu’il ne retira pas sa lame de sa gorge alors qu’il lui avait demandé d’avancer. Il était un homme, elle était une chétive femme, elle était habillée d’une longue houppelande, il était habillé d’habits simples : il aurait eu tôt fait de la rattraper si jamais elle tentait de s’échapper. Mais non : il préférait garder sa lame sur sa gorge. Wilgeforte aurait adoré analyser ce que tout cela pouvait signifier psychologiquement parlant, mais, en l’occurrence, elle préférait se contenter de se concentrer sur les effets directs de cette méfiance : marcher avec une dague posée sur la gorge n’était pas une des tâches les plus aisées qu’il lui ait été donné d’accomplir.
La seconde était plus « méta » que « physique » : Wilgeforte était totalement perdue. Elle savait habituellement toujours où elle allait et, les rares fois où tel n’était pas le cas, elle se retirait quelques heures en un lieu privé où, à force de prière, de méditation et de repos, elle parvenait à retrouver cette assurance qui la caractérisait tant. Mais là, elle ne pouvait pas se retirer, elle ne pouvait pas méditer : son esprit était trop occupé par la périlleuse avancée qu’elle devait accomplir. Au bout de quelques mètres cependant, Wilgeforte parvint à prier. Elle implora Dieu non pas de faire qu’elle sorte vivante de ce traquenard mais bien de faire en sorte qu’elle n’y commette aucun grave péché : elle préférait mourir pieusement que vivre dans le péché.

La singulière équipée arriva alors devant une bicoque délabrée devant laquelle Wilgeforte était déjà passée quelquefois, se demandant si un tel lieu était occupé. Elle se maudit de ne pas s’être penchée de plus près sur la question dès qu’elle comprit qu’elle allait y être détenue par Théobald. Bringuebalée sur une chaise, sauvagement ligotée, Wilgeforte était à présent à la merci du maraud dont elle ne connaissait ni l’histoire ni les desseins. Elle qui adorait avoir le contrôle sur tout était bien mal servie.


Alors.. Wilgeforte. Maintenant que nous sommes bien installés, peut-être pourriez vous me dire c’que ça fait d’être face à un inconnu dont on ne sait rien et qui connaît beaucoup de choses à votre sujet… Qu’est-ce que ça fait d’être là, devant moi, à se demander ce que je vais faire ?
D’ailleurs…à votre avis, que vais-je faire ?


Bluffait-il ? Peu importe, cela ne m’avancerait à rien de le savoir, pensa Wilgeforte. L’important était qu’il parlait. Pourquoi le faisait-il ? Là encore, peu importe — du moins, pour le moment — : le plus urgent était de savoir comment il fallait réagir.
Wilgeforte prit une résolution. Elle méprisait cet homme, voulait le lui faire comprend et n’avait aucunement l’envie de le satisfaire. Il fallait donc qu’elle se montre dédaigneuse et récalcitrante. Comment marquer son dédain et contrarier une personne qui vous pose des tas de questions ? En n’y répondant pas.
Wilgeforte se promit que, quoiqu’il arrive, le maraud n’entendrait pas le son de sa voix. S’il décidait de la violer puis de la tuer, ou l’inverse, il le ferait sans y prendre le moindre plaisir : Wilgeforte, par son mutisme, ne sera pas présente.

Elle adressa une rapide prière à saint Martin afin de lui donner la force de garder ses lèvres closes.

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Theobald



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MessagePosté le: Mar Mar 16, 2010 12:27 am    Sujet du message: Répondre en citant

Un sourire s’était dessiné sur les lèvres de celui qui était attablé face à la femme d’église, celle-ci semblant avoir perdu sa langue et s’obstinait à ne pas lui répondre. Oh bien sûr ce n’eut été que cela, le jeune homme s’en serait moqué, il se doutait bien que vu ce qu’il venait de faire, il ne risquait pas de la voir engager tranquillement la discussion avec lui. Pourtant, elle aurait peut-être du. Car ce n’est pas son manque de paroles qui énervait progressivement le ravisseur, c’était ce regard qu’elle lui lançait. Dédain et mépris pour un homme qui n’a encore rien fait à part un petit enlèvement de rien du tout…si ce n’était pas une incitation à la brutalité ça, qu’était-ce alors ? Elle aurait du entrer dans ce jeu et lui parler, car oui c’était un jeu pour Théobald, et il s’amusait beaucoup jusqu’à ce que ses victimes se mettent à le contrarier. Et ce regard le contrariait beaucoup. Peu importe qu’elle l’ait fait exprès ou non : elle l’avait fait, et c’était bien suffisant. Dans le cas contraire, peut-être se serait il décarcassé pour trouver un autre moyen -quoi que-, mais maintenant il n’avait plus envie de chercher compliqué alors qu’il pouvait faire simple.

Sur son visage, aucune émotion, si ce n’est le sourire qu’il y a collé plus tôt. Vu son métier, il avait appris très tôt à cacher ses émotions ou à en faire apparaître d’autres qu’il ne ressentait pas forcément. Ainsi, de l’extérieur, un jeune homme souriant, de l’intérieur, un homme dont la rage se consumait du temps qui passe en grandissant de plus en plus…sa source de vie : le temps qui passe, et ce regard. Ce regard…Il n’aime pas l’inconnu, et ces yeux sont inconnus. Il n’en a jamais vu de pareils et ça l’énerve, ça l’intrigue aussi, parce que les reflets opalins c’est pas courant…mais surtout ça l’énerve.
Il s’énerve pour un rien direz vous, mais il ne faut pas oublier qui il est : un brigand, il n’est pas fait pour être tendre.
Il n’en a pas fini avec elle, loin de là et si elle ne voulait pas parler, Théo avait encore envie de jouer un peu avec sa victime avant de passer aux choses sérieuses, c’est qu’un travail salissant l’attendait, autant se marrer encore un peu avant. Il pose alors ses coudes sur la table et appuie son menton sur ses mains croisées tout en continuant de l’observer d’apparence très calme mais surtout…très froid, un monstre en devenir derrière son sourire d‘ange.


Ainsi…vous ne souhaitez pas parler, soit. C’est votre droit. Mais je vais continuer à vous parler, si vous le permettez. Vous ne savez pas pourquoi vous avez été menée ici, je le sais. Je sais ce qu’il va vous arriver dans quelques minutes et je sais ce qu’il adviendra après cela, je sais tout. Je contrôle toute la situation, je suis le roi sur son échiquier et vous n’êtes qu’un pion pour me mener à la victoire, je suis Dieu et vous n’êtes qu’une misérable créature sur laquelle j’ai droit de vie ou de mort. Vous le comprenez ?
Je contrôle absolument tout ici, cet endroit est mon royaume et vous êtes mon invitée. Vous avez refusé de me parler, vous avez dénigré mon hospitalité et ma gentillesse du moment…Vous auriez du en profiter. C’est trop tard maintenant, vous pouvez bien ne pas parler, j’ai décidé d’arrêter de jouer.


Changement de regard et d’attitude pour l’homme devant sa proie. Le sourire se transforme, prenant une note bien plus sadique, machiavélique. Sa voix change aussi, tonnerre dans la quiétude du silence, grondement du ciel en colère.
Il se lève, les deux mains à plat sur la table, les bras tendus et crispés, dénotant la colère qu’il renfermait jusqu’ici. De ciel il devient tempête, de brise il devient ouragan.
Le vent souffle et ses yeux se font plus pénétrants, incisifs, devant cette femme qui souhaite le mépriser. Il va lui apprendre ce qu’est la douleur…celle qui est pire que la mort. Rire nerveux et malsain, et c’est là que tout commence.


Je pourrai te faire beaucoup de choses, des choses horribles qui te mèneraient à la mort mais ce serait bien trop facile n’est-ce pas ? Je ne vais pas te tuer non, rassure toi. J’ai besoin de toi pour autre chose. Et de toute façon, avec tes foutues croyances, je me doute bien que tu n’as pas peur de la mort. Mais ce que tu vas subir est peut-être pire que la mort, je ne sais pas, je t’avoue que je ne l’ai jamais vécu. Tu m’diras quand ce sera fini.
Un petit regard sur elle, et un sourire ironique.
T’as d’beaux yeux tu sais ? J’suis sûr que Rome appréciera beaucoup. C’est qu’ça doit pas courir les rues des yeux comme ça, même à Rome…Ils seront ravis d’revoir ton beau regard avec ma belle lettre.
J’pense que tu commences à mieux comprendre, il est temps que j’passe au sale boulot…et oui, j’ai pas encore d’homme de main pour se salir les mains à ma place, mais bon, ça viendra.
Essaye d’pas faire trop d’bruit pendant que je jouerai à l’apprenti barbier chirurgien, s’te plait. Ah, et désolé, j’ai pas d’alcool pour t’faire oublier à quel point t’vas morfler.


Léger rire, c’est qu’il s’amuse tout seul le p’tit avec ses blagues drôles que pour lui. Ses bras se décrispent et la main part à la recherche de la dague rangée dans son fourreau à l’endroit habituel. L’meilleur moyen d’avoir ce qu’il voulait, c’était d’y aller d’un coup sec, c’était du moins c’qu’il pensait. Dague en main, il s’approcha donc de la jeune femme et lui fit un joli sourire avant de se servir de son autre main pour lui bloquer les paupières de l’œil gauche.

Essaie d’pas trop bouger…j’risquerai d’glisser, et ce serait dommage quand même.
Tu vois, je sais que tu es une des figures les plus en vues à Rome en ce moment…et même un seul de tes yeux ça vaut de l’or…Alors autant pas gâcher la marchandise.


C’est là que le travail délicat commence, pour le corps il est bien attaché pas de soucis, mais il lui fallait maintenir la tête au risque que celle-ci ne se dérobe sous sa dague, ce qui aurait été très fâcheux. Une pression de la main assez forte donc, et le bout de la lame s’approche de l’œil. Il n’a jamais fait ça mais ça doit pas être plus dur que ça, un peu comme lorsqu’on veut ouvrir un bocal qui résiste…on passe dans l’ouverture la lame, on fait effet levier pour faire entrer un peu d’air, et hop ! Le bocal s’ouvre. Ben là c’était pareil.
Le bout de la lame pénètre alors la chair, occasionnant les premiers saignements. Peu importe le bruit environnant, il doit se concentrer sur son œuvre et n’y prête pas attention, ne toute façon l’endroit est bien loin de toute personne pouvant entendre des cris. Lentement, l’acier entaille la chair et s’enfonce plus profondément, à la limite de son œil. Il était maintenant à la bonne hauteur, du moins il l’espérait…suffisait de forcer un peu maintenant. Normalement, enfin, si ça avait été là un bocal, le bruit caractéristique était plutôt quelque chose relevant du « Poc ! », mais là, avec le sang et tout, quand il sectionna les attaches retenant l’œil au corps, ça ne fit presque pas de bruit. Oui, il n’était attentif qu’à ce bruit là, curieux de savoir comment ça ferait.


Bon, ça pissait quand même pas mal le sang là. Allez hop, du tissu pour éponger tout ça, elle le pose sur l’orifice qu’il y a maintenant là où se trouvait peu de temps avant le joli petit œil, et son petit trésor qui valait très très cher, bien au chaud dans sa mimine. Et comme c’était un prévoyant le Théo, pendant que le tissu épongeait, et sans se préoccuper une seule seconde de comment se portait sa proie, il déposa le p’tit n’œil dans la petite boite qu’il avait emmené spécialement à cet effet. C’est qu’il était prévoyant…Il avait même une deuxième boite, pour le deuxième œil, mais ça on verrait plus tard, pour l’instant un seul lui suffisait.
Changer l’tissu, hop, on en remettait un autre par-dessus, en attendant que ça s’calme et pendant ce temps, s’attabler à la table en observant d’un air tranquille son invité. Tranquille l’air oui, il avait fait ce qu’il avait à faire maintenant, une nouvelle étape de son plan avait été accomplie en un temps records et maintenant, il restait la moins marrante, écrire. Mais ça on verra au prochain épisode…

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Sainte Wilgeforte



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MessagePosté le: Mar Mar 16, 2010 8:24 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Ô Dieu !
Toi en Qui je crois,
Toi qui guides mes pas,
Donne-moi la force de professer la grandeur de Ton Nom
Ainsi que l'amour et l'adoration que j'y porte.
Envoie-moi Ton saint, Martin, pour qu'il chemine à mes côtés,
Que je ne sois plus seule face à l'ennemi de ma foi et de ma conviction.
Que mes actes obéissent à mon cœur et que même ma main gauche suive les commandements de ma droite.
Que mon cœur te craigne.
Et que j'annonce Ton saint nom.
Dieu, daigne lever ta main, que Martin descende et me vienne en aide.
Ainsi soit-il !

L’effet que la prière eut sur Wilgeforte dépassa les attentes de celle-ci. Habituellement, elle utilisait la prière quand, se sentant excessivement bouillir de l’intérieur, elle craignait de donner l’image d’un léger agacement. La prière lui procurait alors une paix intérieure inégalable. Cette astuce lui avait été enseignée par un de ses maîtres siciliens, lesquels lui énoncèrent mille méthodes d’être irréprochable — c’est-à-dire : froide et aréactive. Après sa prière à saint Martin, elle avait trouvé sa si chère paix intérieure, mais pas seulement : de nouvelles forces parcouraient son corps entravé. Certes, elle ne pouvait mouvoir aucun de ses quatre membres, mais, ragaillardie par la puissance que semblait lui rendre la prière, elle se sentait à nouveau forte.
Elle décida alors de manifester encore plus clairement son dédain envers Théobald. Il s’attendait certainement à un regard terrifié et implorant de sa proie. Elle allait prendre un malin plaisir à contrarier cette seconde attente — la première étant la réponse qu’elle ne fournit pas en décidant de se taire. Avec un talent incroyable, elle entreprit de se façonner le plus méprisant regard qui se put concevoir et le jeta à Théoblad, fixement. Voilà qui ne manquerait pas de l’élever et de lui faire prendre conscience de son erreur.

Erreur. Théobald avait commis une erreur en l’enlevant, mais elle venait d’en commettre une autre. Sa stratégie ne paya pas — que du contraire.
Théobald parla. Plusieurs choses ressortaient de son petit laïus.
La première crevait les yeux. Quelle maîtrise et quelle froideur ! Calme, posé, exposant soigneusement les faits, avec une aisance égale à celle d’un serveur énonçant les composants du menu du jour, asseyant parfaitement sa position et entièrement honnête — selon les apparences à tout le moins. Cela surprit Wilgeforte : à l’écoute des premières paroles de Théobald, elle lui avait rapidement collé sur le front une étiquette fort peu glorieuse. Mais il devait être écrit qu’elle ne commettrait pas qu’une seule erreur ce jour-là : elle l’avait mal jugé. Mais cette maîtrise et cette froideur avait un autre effet : il inquiéta Wilgeforte. La Sicilienne aurait été incapable de préciser la provenance de cette crainte, mais c’est bien cela que générait une telle attitude.
La seconde, paradoxalement, était moins évidente. Paradoxalement car, contrairement à la première conclusion, celle-ci était explicite : Wilgeforte s’était trompée. Cette perfectionniste maniaque et psychorigide avait l’échec en horreur. Et elle avait tout lieu de croire qu’elle avait commis une bourde.
Pour la première fois depuis longtemps, Wilgeforte craignait. Elle redoutait la suite des événements. Malgré sa prière et la force que celle-ci lui apporta, son instinct lui enjoignait de rester sur ses gardes : cela ne faisait que commencer.

Théobald, parla, parla, parla encore. Pourquoi avait-il un si grand besoin de monologuer ? Wilgeforte aurait adoré se pencher sur cette question, mais elle en était bien incapable : au fur et à mesure que le discours de Théobald avançait, Wilgeforte comprenait. Elle eut une incoercible envie de fermer les yeux, mais elle sut que cela serait un aveu de faiblesse. Et Théobald parla, parla, parlait toujours. De toute évidence, il prenait un malin et pervers plaisir à annoncer à Wilgeforte la calvaire qui allait être le sien. Mais il l’annonçait à mots couverts, afin que son imagination lui laisse définir les détails. Cet homme était un professionnel : Wilgeforte le comprit en percevant l’état de détresse dans lequel il avait réussi à la mettre. Une fois de plus, elle remercia ses maîtres siciliens de lui avoir enseigné tant de choses.
Tout autre que Wilgeforte aurait hurlé, supplié, se serait levé, se serait battu pour ne pas subir cela. Mais pas Wilgeforte. Et pourtant l’exercice était périlleux : elle ne pouvait même pas abattre sa paupière sur son œil afin d’acquérir une intimité d’autruche. L’effort déployé fut considérable, mais il était à la mesure du résultat qu’elle obtint : pas un frémissement. Quitte à tout perdre, autant rester logique avec soi-même : ce fut donc le même regard de dédain qu’elle jeta sur Théobald lui expliquant ses noirs desseins.

Le brigand prépara son matériel.
Wilgeforte entama une deuxième prière. Deuxième, et non seconde, car elle sentait confusément qu’elle allait avoir besoin de tous les saints aristotéliciens pour rester digne en de telles circonstances. En ce moment, sa demande au Très-Haut était simple : elle Le suppliait de lui donner, comme Il l’avait donné à saint Jean, la force nécessaire pour subir son supplice en restant irréprochable. Irréprochable, pour Wilgeforte, signifiait muette. Elle n’avait absolument aucune idée de la douleur qu’une énucléation provoquait, mais, armée de sa foi en la sagesse divine, elle était persuadée qu’elle parviendrait à ne pas ciller — sans mauvais calembour.
Théobald maintint sa tête droite et immobile, craignant sans doute un mouvement de fuite — il allait être surpris. Il approcha sa lame. Wilgeforte puisa au plus profond d’elle-même pour ne pas trembler. Il approcha sa lame. Wilgeforte réitéra sa prière. Il approcha sa lame. Wilgeforte ne voulait pas crier. Il approcha sa lame. Wilgeforte savait qu’elle n’allait pas crier. Il approcha sa lame.

Wilgeforte cria.
Il n’y a pas de mots pour décrire un tel cri. Ce cri était un triple cri : le cri de la douleur, le cri de la peur trop longtemps contenue et, surtout, le cri de la défaite.
Théobald poursuivit son œuvre, et Wilgeforte cria à nouveau. Petit à petit, le cri de la peur contenue ne fut plus : à présent, elle était sortie. Ensuite, le cri de la douleur disparut : le plus douloureux fut le commencement. Seul subsistait l’amer cri de la défaite.

Défaite car Wilgeforte ne voulait pas crier. Elle avait puisé dans ses ressources intérieures, elle avait ignoré une douzaine de sentiments mêlés les uns aux autres, elle avait adressé des prières à trois saints, elle avait tout fait. Mais elle avait crié. Dieu, Ta sagesse est infinie, mais pourquoi as-Tu décidé de créer les humains d’une aussi faible chair ?
Épongeant tant bien que mal le sang qui coulait à gros flots de son orbite gauche, Wilgeforte n’avait de cesse de questionner le Très-Haut. Pourquoi l’avait-Il confrontée à ce maraud ? Pourquoi devait-elle souffrir physiquement ? Pourquoi restait-Il sourd à ses prières ? Personne ne répondit à ses questions.

Seigneur, pourquoi m’as-Tu abandonnée ?

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Theobald



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MessagePosté le: Sam Mar 20, 2010 4:18 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Qu’il était doux de sentir qu’on était le vainqueur, au-delà de la satisfaction d’avoir réussi son plan, de sentir qu’on avait brisé celle qu’on avait en face de soi. D’autant que Wilgeforte semblait avoir une forte personnalité, de celle qui n’accepte pas la défaite, un point de plus pour le mercenaire. Il avait joué et avait gagné, avait agi comme un professionnel pour venir à bout de cette grande figure de l’Eglise. Il était temps à présent de voir plus grand, de viser plus haut. Nul doute que Wilgeforte intéressait au plus haut point Rome, de par sa présence, son charisme, son utilité au sein de l’Eglise Aristotélicienne. Elle ne pourrait se passer de Wilgeforte, et c’est pour cela qu’il allait gagner. Un regard amusé se lève sur sa proie qui avait fini par hurler. Ce n’était pas étonnant, avec lui, ses victimes finissaient toutes par hurler, quelle que soit le niveau de résistance qu’elles opposaient. C’est pour cela que c’était lui, le vainqueur : parce que là où elle avait décidé de ne rien dire, lui avait parié qu’il entendrait le son de sa voix.

Sortant vélin et plume, il se mit à table et commença à réfléchir à ce qu’il allait écrire tout en observant Wilgeforte en face d’elle. Son œil, enfin, son orbite plutôt, continuait à saigner, et le tissu qu’il y avait mis plus tôt avait déjà adopté la couleur du sang qui s’écoulait. Avant de commencer à écrire, il lui fallait dans un premier temps s’occuper de tout ce sang, sinon tout ce qu’il y gagnerait serait d’avoir des tâches partout et le pompon qu’elle tombe dans les vapes. C’était pas son but, au contraire, il souhaitait qu’elle reste consciente de ce qu’il se passait.
Du coup, il se leva à nouveau et changea le tissu, jetant le souillé dans un coin pour le remplacer par un propre. Et comme s’il manquait quelque chose, il se pencha légèrement à l’oreille de sa proie sous une pulsion légèrement sadique et lui murmura :


Pour l’instant je te laisse le deuxième…mais ne t’y attache pas trop, je doute que cela dure. Enfin, tu pourras remercier ton Dieu et ses serviteurs pour tout ce qu’il t’arrive.

Ah, il se sentait mieux à présent qu’il avait fait sa bonne action. Il suffisait d’une petite phrase pour se sentir libéré, c’était tellement facile d’assouvir un tel besoin alors que sa proie ne pouvait en aucun cas s’empêcher de l’entendre, ni boucher ses oreilles.
Maintenant, la deuxième bonne action de la journée, prévenir Rome. Il revient donc à la table et observe son vélin, se préparant à écrire sa petite lettre. Prenant la plume en main, il envoie un sourire et un clin d’œil à sa captive puis se met à écrire. Tout était dans le commencement, c’était le début le plus dur et après cela tout irait tout seul.


Citation:
A tous ceux qui se feront lire ou liront, en particulier aux cardinaux,

Inutile que je me présente, mon identité n’a aucune importance, cela dit, soyez bien attentifs à ce qui suit.
Je détiens Wilgeforte, ou devrai-je dire Monseigneur Wilgeforte. Je ne vous ferai pas un dessin, ma certitude que vous la connaissez est entière. Croyez moi ou non, je vous fournis avec cette lettre une preuve de ce que j’avance car je ne me permettrai pas de dire de telles choses si elles n’étaient pas vrai, je ne suis pas un amateur, loin de là. Vous auriez tort de penser le contraire.

J’exige que vous me fassiez parvenir 25 000 écus pour la vie de votre chère Wilgeforte, et j’exige cette somme d’ici 2 jours, sous peine que la femme que je détiens perde définitivement la vue. Ce serait bien dommage n’est-ce pas qu’une femme qui apporte tant de lumière aux autres, la perde définitivement elle-même. Pour ce qui est de remettre l’argent, j’attends un homme, et un seul, au abords du fort San Angelo lorsque la lune sera au plus haut dans le ciel. Et n’oubliez pas, vous avez plus à perdre que moi.
Je suis sûr qu’Aristote guidera votre choix et vous empêchera de laisser une telle personne souffrir pour votre manque d’action et votre incompétence.

T.M., Mercenaire solitaire.


Et voilà qui était fait. Il lui restait à présent à rendre le petit colis visible par tous, et pour ça, il avait sa petite idée. Prenant sa besace contenant son matériel sur son épaule, il sortit sans un seul mot d’explication pour sa captive, direction la place d’Aristote. Il faisait encore nuit, autrement dit tout se passerait bien.
Il avait trouvé l’endroit qui serait parfait, une statue d’il ne savait quel saint en plein milieu de la place. Fixer la lettre sur la dite statue et sortir l’œil de la boite afin de le fixer à son tour. Voilà qui ne manquerait pas d’attirer l’attention de tous ceux qui passeraient dans le coin. Une bonne chose de faite, et il se dirigea à nouveau tranquillement vers son repère, afin de retrouver sa borgne de victime. Quelques minutes à peine et le voilà de retour, bloquant la porte derrière lui.

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Sainte Wilgeforte



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MessagePosté le: Dim Mar 21, 2010 2:22 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Elle avait joué, elle avait perdu.
Wilgeforte jouait souvent et ne perdait que rarement. Depuis son arrivée à Rome, sa dernière défaite avait été constituée de la torture d’un innocent. Suite à cela, la Sicilienne était entrée dans un profond désarroi, et elle ne dut son salut qu’à une solide confession. Le pardon de Dieu. C’est Dieu qui l’avait sauvée.
Ici, c’est Dieu qui l’avait perdue. Délibérément : il était resté sourd à toutes ses prières. Pourquoi ? On avait bien raison de dire que Ses voies étaient impénétrables.
Théobald n’avait pas le triomphe modeste. Wilgeforte ne l’aurait pas eu à sa place. Elle ne l’avait d’ailleurs jamais eu.
C’est alors que Wilgeforte comprit.
Elle comprit pourquoi elle avait été terrifiée par la totale maîtrise de Théobald, par son calme et son abnégation. Elle en avait eu peur car elle agissait toujours de la sorte. Et voilà que le maraud continuait à se comporter comme Wilgeforte l’aurait fait.
Ce constat hanta Wilgeforte : elle était semblable à son ravisseur. Elle ne savait pas encore en faveur de qui cela pourrait jouer.
Théobald partit. La fureur de Wilgeforte se réveilla. Elle ne voulait pas rester là, aux mains de cet homme qui, plus que n’importe quel hérétique, la terrifiait.

Mon Dieu, donnez-moi la force !

Wilgeforte se démena comme une forcenée : elle tenta de s’arracher aux liens qui la maintenaient sur cette chaise sur laquelle elle avait déjà trop souffert. Elle essaya de se lever, tituba, manqua de chuter, comprit qu’il valait mieux laisser les quatre pieds de la chaise sur le sol, força de plus belle sur ses liens, fit saigner ses poignets, hurla, pria, sentit la douleur lui parcourir l’échine.
Rien n’y fit. Elle restait collée à cette chaise.
D’abord l’enlèvement, puis l’énucléation, et maintenant ce nouvel échec cuisant ! A chaque fois, elle avait prié, imploré. L’avait-Il abandonné ? Wilgeforte n’avait jamais été aussi perdue. Être à ce point perdue, lorsque l’on est habituée à tout maîtriser, c’est traumatisant.
Les larmes perlèrent sur les joues de Wilgeforte, chaudes et salées.

Petit à petit, le chagrin fit place à la colère.
Wilgeforte était en colère contre Dieu. Elle comprit que cette colère était absurde et, fidèle à sa méthode de rationalisme dans la foi, tâcha de le démontrer mentalement.
Rien n’échappait au contrôle de Dieu. Il n’avait certes pas programmé l’existence des humains du début à la fin, mais il avait déterminé un certain nombre d’embranchements et de routes, et avait laissé à Sa création le libre-arbitre de choisir quels embranchements prendre et quelles routes suivre. Il avait donc créé une route d’enlèvement et d’énucléation. C’est donc elle qui avait choisi cette voie, et, si elle devait être en colère contre quelqu’un, ce n’était que contre elle-même.
C’est en établissant cette conclusion que Wilgeforte comprit le sens d’un verset d’une prière qu’elle avait lue il y a très longtemps : « Seigneur, donne-moi l’humilité d’accepter ce que je ne peux changer. »
Wilgeforte avait été capturée, un de ses yeux avait été arraché. Inconsciemment, elle l’avait choisi. Elle ne pouvait remonter le temps. Elle ne pouvait donc pas changer cet état de faits. Ne pas accepter cette situation serait un manque d’humilité.
Grâce à cette dispute théologique intérieure, cette femme de vingt-quatre ans à qui l’on venait d’arracher un œil parvint à retrouver une totale paix intérieure.

Cette paix décupla sa capacité de réflexion. Le géant était en marche.
Elle avait voulu se taire. Elle avait crié. La bataille du mutisme était donc perdue. Elle avait perdu une bataille, mais pas la guerre. Il fallait donc passer à autre chose.
Elle ne savait pas grand chose de Théobald. Cette ignorance la troublait. Il lui ressemblait sur divers points, mais jusqu’à quel degré étaient-ils semblables ? Si elle voulait le savoir, elle n’avait guère mille solutions.
Le maraud revint de sa petite escapade place d’Aristote. Wilgeforte, ménageant avec grand soin le petit choc qu’allait certainement provoquer la révélation du son de sa voix, dosa avec parcimonie le ton sur lequel elle allait parler. Elle opta pour son ton distant et glacial habituel : lorsqu’elle le prenait, bien malin était celui qui parvenait à déterminer la véritable intention de la Sicilienne.
C’est donc de cette voix blanche et digne qu’elle lui demanda, en toute simplicité :


Croyez-vous en Dieu ?
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Theobald



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MessagePosté le: Mer Mar 24, 2010 2:35 pm    Sujet du message: Répondre en citant

A peine rentré dans la pièce délabrée que déjà les choses recommençaient, plus précises cette fois. Là où, auparavant, sa captive s’était enfermée dans une sorte de mutisme, elle avait décidé à présent de faire entendre sa voix. Et quelle voix. Impressionné le brun par la neutralité de Wilgeforte après ce qu’elle venait de subir. N’importe qui d’autre aurait continué de pleurnicher pendant des heures, maudissant son propre sort. Mais pas Wilgeforte. Elle possédait une sorte de puissance qui était au-delà de la souffrance, et cela intéressait fortement Theo. Il était curieux et l’origine de cette force l’intriguait.
Aussi la question qu’elle lui posa ne l’étonna pas du tout, pour une femme d’Eglise il était compréhensible qu’elle se demande si son ravisseur l’avait enlevé par simple haine de religion où s’il s’agissait d’une simple action sur un coup de tête, pour simplement récupérer la rançon, sans soucis de l’appartenance à un quelconque ordre religieux, politique ou autre. Il voyait clair dans son jeu, en partie parce qu’à sa place il aurait sans doute réagi de la même façon. Ils se ressemblaient. Dans leur façon de faire et leur comportement vis-à-vis d’autrui. Et derrière ce regard ,dont il ne restait à présent plus qu’un œil, se cachait une manipulatrice au cœur aussi froid que le sien. Dans d’autres circonstances, peut-être se seraient-ils bien entendus. Mais les circonstances ne s’y prêtaient pas.

Cependant, si lui n’aurait surement pas posé cette question, il acceptait d’y répondre. Après tout, ils étaient partis pour rester deux jours ici, autant qu’ils fassent connaissance un minimum. En plus de ça, ça amusait le brun de voir le raisonnement que menait sa captive pour comprendre sa démarche. Sûrement ne comprenait elle pas tout, il fallait dire que sa façon de faire était assez particulière.
Et la question qu’elle venait de lui poser, au-delà de l’étonner, le faisait sourire pour plusieurs raisons. D’une part, la question était bien mal appropriée et d’autre part, il avait déjà réfléchi à la question. Forcément, il se mit à l’aise en s’asseyant en face d’elle. Quitte à discuter, autant discuter dans une bonne position. Le regard azur se pose sur elle, franc, il ne passerait pas par quatre chemins, c’était inutile de toute façon, son histoire n’avait rien de secret.


J’y ai cru. Y a quatre ans j’y croyais encore. J’étais idiot et naïf…Quand on est jeune et qu’on a rien vécu, on croit un peu n’importe quoi. J’pensais bêtement qu’Il veillait sur ma famille.
Je vivais avec mes parents et ma petite sœur, j’suis pas comme toi moi, j’ai jamais connu les palais, j’vivais dans une simple ferme. Mais j’étais heureux comme ça, j’demandais rien de plus. Mais ta société est faite d’injustices, et ces injustices se répercutent sur les paysans, mais vous vous en foutez.
Vous avez vos propres lois…votre propre liberté. Nous, on travaillait tranquillement sur les terres d’un Seigneur.
On priait en famille, j’y croyais dur comme fer. J’aidais mon père, ma sœur aidait ma mère.
Et puis un jour, ma sœur est allée chercher du bois en forêt, et elle est tombée sur le Seigneur en question. Evidemment il l’a trouvé à son goût. Il a voulu l’avoir pour lui. A ordonné à mes parents de la lui confier. Ils ont refusé.
Vous aimez pas qu’on vous dise non, vous n’supportez pas de ne pas obtenir ce que vous désirez et vous l’faites payer.
Et vous, les nobles…vous l’avez fait payer cher à ma famille. J’ai fait fuir ma sœur en les entendant arriver. Des soldats, armés jusqu’aux dents, qui venaient tuer tout le monde pour venger le pauvre petit seigneur. J’ai prié, hurlé pour qu’Il nous sauve, pour qu’Il les empêche de tous nous tuer, pour qu’Il protège mes parents et ma sœur. Il ne m’a pas écouté, Il nous a abandonné.

Ils les ont tué, sous mes yeux. Mon père est mort en me sauvant, c’est grâce à lui que j’ai seulement une cicatrice sur le visage. Et moi, au lieu d’le venger, j’me suis caché. Lâchement. J’me suis caché en maudissant le Très-Haut, c’foutu Dieu qu’était sensé nous protéger et qu’a rien foutu. Rien !
Pendant trois ans j’ai erré, laissant ma haine envers ces petits seigneurs qui se croient tout permis grandir, et devenir plus noire. Vengeance. C’est ainsi que l’on pourrait me nommer, ma vie n’est faite que de ça. J’ai retrouvé ma sœur. Ma jeune sœur, et là encore, j’me suis rendu compte que c’putain de Dieu n’était rien. Pourquoi croire en lui alors qu’il a laissé une pourriture violer impunément ma sœur ?
Non, je serai mon propre Dieu, et je punirai de ma dague ceux qui l’méritent, toutes les ordures de ce monde.
J’espère que j’ai répondu à ta question…et tu vois, toi qui fais le bien tout le temps, qui a voué ta vie à l’accomplissement de Sa parole. Même toi, il ne t’a pas protégé. La preuve qu’il s’en tape. S’il aimait vraiment les hommes, il m’aurait empêché d’faire ça.

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Sainte Wilgeforte



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MessagePosté le: Mer Mar 24, 2010 5:33 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Le cœur de Wilgeforte n’était pas froid. Voilà ce qui la différenciait de Théobald : elle n’était pas ce qu’elle semblait, elle jouait pour cacher sa véritable nature. Théobald, lui, était ce qu’il paraissait. Mais ça, Wilgeforte était bien loin de le savoir — et Théobald aussi.
Car, si la Sicilienne ne connaissait rien du coupe-jarrets, celui-ci n’était pas plus avancé par rapport à Wilgeforte. Et celle-ci avait encore cet indéniable avantage de savoir qu’elle ne savait rien, tandis que Théobald était persuadé de voir clair dans le jeu de la Sicilienne. « Je sais que je ne sais rien », disait Socrate.
Et ceci découlait une nouvelle fois de leur différence fondamentale. Wilgeforte paraissait assurée en toutes circonstances parce qu’elle cherchait à masquer que, au fond d’elle-même, elle doutait constamment. Théobald paraissait assuré en toute circonstance car il l’était. La Sicilienne était autant pleine d’incertitudes que le maraud l’était de certitudes.

La réponse de Théobald était d’une richesse que Wilgeforte n’aurait jamais pu prévoir. Rien n’aurait été pire qu’un laconisme : « oui » ou « non » auraient tous deux coupé court à toute discussion. Or, Wilgeforte avait besoin de parler avec Théobald. Pour le connaître, d’une part, évidemment. Mais il y avait, d’autre part, une autre raison. Wilgeforte ne la connaissait pas encore, mais elle était péremptoire.
Elle nota l’emploient inattendu du tutoiement. Théobald avait, jusqu’ici, oscillé entre le vouvoiement et le tutoiement, mais il n’avait formé que de courtes phrases : la Sicilienne s’attendait à ce que, dans le cadre d’une plus longue conversation, il opte pour le voussoiement. Qu’à cela ne tienne : Wilgeforte ne fléchirait pas et continuerait à le voussoyer.
Le fond même de la tirade de Théobald était captivant. Wilgeforte avait déjà entendu beaucoup d’argument en faveur de l’athéisme, et parfois ces arguments étaient semblables à ceux avancés par le maraud, mais jamais ils n’étaient bâtis avec une telle logique, une telle rigueur. Cette qualité de raisonnement traduisait de grandes appétences intellectuelles.


Vous critiquez les nobles, prétendant, pour paraphraser, qu’ils restent trop souvent enfermés dans leur tour d’ivoire, et que certains d’entre eux se comportent en tyrans. Vous avez raison d’émettre ce constat, mais vous avez tort de procéder par induction : certains nobles ne correspondent pas à cette règle que vous énoncez, péremptoire.
Mes pères auraient pu, s’ils le voulaient, saigner leurs féaux et les faire courber le dos sous le poids des taille,s mais ils n’en on rien fait. Moi-même, fille d’une excellente famille sicilienne, j’aurais pu me marier à un richissime seigneur portugais, mais je refusai, ce qui provoqua la colère de mon père. Pourquoi ai-je refusé ? Car je ne voulais pas du pouvoir.
Pensez-vous que les grands seigneurs sont foncièrement mauvais ? Ne vous a-t-on donc jamais dit qu’il n’existe aucun être humain capable de faire le mal délibérément ? Ils ne sont pas mauvais de nature : c’est le pouvoir qui les rend mauvais, car il est la source de la lie des sentiments humains.
Je suis persuadée que les serfs, s’ils accédaient au pouvoir, seraient au moins aussi tyranniques que ceux qui furent leurs seigneurs. Ils le seront au minimum autant car le pouvoir aura sur eux le même effet qu’il eut sur leurs prédécesseurs. Et ils le seront sans doute encore plus car ils auront des envies de revanche presque incoercibles.

Vous dites ne pas croire en Dieu puis vous me dites avoir été en colère contre Lui. Prenez bien note de ceci : on ne peut à la fois ne pas croire en Dieu et être en colère contre Lui. C’est impossible. Même pour vous.
Vous dites ne pas croire en Dieu parce que vous avez été le témoin de trop d’atrocités. Votre histoire est dure, mais il y a encore bien pire : il y a des guerres, des massacres, des famines, des catastrophes. Et malgré tout cela, ma foi en Dieu est inébranlable. Pourquoi, à votre avis ? Parce Dieu n’a pas pour vocation d’empêcher toutes les catastrophes de se produire : c’est même Lui qui les crée.
Il existe un lieu où Il interdit tout malheur, et un autre lieu où tous les malheurs sont réunis : le Soleil et la Lune, respectivement. Ce monde n’est que l’antichambre d’un autre, où vous serez alloués soit au Soleil soit à la Lune. Et ce choix se fera précisément sur base de votre réaction face aux quelques malheurs auxquels vous avez été confronté. Dieu éprouve votre foi par amour. Pourquoi se détourner de Son amour ? Pourquoi lutter contre votre propre nature ?

Pourquoi Wilgeforte faisait-elle cela ? Elle n’en savait rien. Mais son désir de parler de Dieu à Théobald était plus fort que tout.
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Theobald



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MessagePosté le: Jeu Avr 01, 2010 3:29 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Et blablabla…ça parlait, ça parlait et ça parlait encore. Pourquoi un tel besoin ? Pourquoi ce dialogue et cette envie de sa captive à lui parler de Dieu ? Question plus intrigante encore, pourquoi tenait elle tant à vouloir lui montrer qu’il avait tort, que c’était elle qui était sur la juste voie ? De toute façon chacun pensait être sur la bonne voie, par égoïsme pur, par nature humaine.
Elle lui exposait sa propre vision de Dieu, mais il lui avait exposé sa vision à lui. Pourtant, elle persistait à lui parler. Elle devrait savoir qu’on ne fait pas changer d’avis quelqu’un, c’était pourtant pas dur de se mettre à la place de la personne. Si on tentait de la convaincre que Dieu n’était qu’un canular, nul doute qu’elle ne se laisserait pas faire. Lui d’ailleurs n’avait pas tenté de lui faire croire que Dieu n’existe pas, il ne le pouvait pas car quelque part il y croyait lui aussi, mais refusait de lui attribuer un quelconque amour, y préférant la haine, une sorte de récipient sur qui déverser toutes les atrocités commises par les hommes. Une solution plutôt bonne si on y pensait, en haïssant Dieu, ça évitait d’haïr encore plus d’autres personnes. Cela dit, ça ne l’empêchait pas d’avoir envie de tuer, d’étriper, de faire souffrir, tous ceux qui avaient fait du mal d’une manière ou d’une autre à sa famille. Lui le grand frère protecteur, assoiffé de vengeance…et il saurait avoir ce qu’il voulait, peu importe les moyens. Vengeance…d’un nom et d’une famille. Un nom dont ne subsistait que l’inscription finement gravée sur sa dague et un souvenir. Il ne mourrait pas, pas tant qu’il y aurait quelqu’un pour rappeler à tous ceux qui avait du mal à la dite famille que quelqu’un était encore là pour régler les comptes.

Le regard posé sur la femme en face de lui, il l’écoutait. Il l’écoutait énoncer des vérités que lui-même connaissait déjà, elle ne faisait que répéter des choses qu’elle avait apprise dans les livres, mais auxquelles elle croyait, pourquoi ? Donner un sens à sa vie, peut-être. Theo, lui, avait trouvé un tout autre sens à donner à son existence sur terre : venger les siens. Peu importent les sacrifices, le prix a payer.
Et ce qu’elle disait était faux, sur toute la ligne. Elle croyait le connaître, voir clair dans son jeu, sans savoir qu’il y avait deux Theo. L’un profondément bon, l’autre ne souhaitant que voir le sang des pourris qui se croyaient tout permis sur ses mains pour s’en délecter. Le Soleil et la Lune, le combat entre les deux se jouaient en lui à chaque instant mais cela, personne ne le savait, pas même sa sœur. Deux visages pour un seul homme, un des visages perdant peu à peu de sa force au fur et à mesure du combat. Et quelle force…celle d’un homme prêt à donner sa vie pour une cause qui lui semble juste. Sans doute était-ce le cas de la femme en face de lui : prête à donner sa vie par amour du Très-Haut.
Elle avait faux. Faux car elle pensait qu’il mettait tous les nobles sur la même ligne, faux car elle pensait que les hommes n’étaient pas foncièrement mauvais. Elle croyait fermement à trop de choses, sa réaction face à tout ça ? Un soupir. Un soupir suivi d’une réponse, parce qu’il était d’humeur bavarde l’petit.


Je n’procède pas par induction, comme tu dis, au contraire. Je sais faire la part des choses, tu voies, c’bien pour ça que j’ai dit que j’punirai ceux qui l’méritent, les ordures qui se croient tout permis. Aussi, je sais qu’ils n’sont pas tous malfaisants. Regarde toi par exemple, tu fais l’bien toute la journée. C’est d’ailleurs pour ça que je t’ai choisi toi et pas quelqu’un, seule une personne au grand cœur et non corrompue comme toi pouvait faire l’affaire. Ainsi, à l’heure qu’il est, l’Eglise toute entière pleure de voir la pauvre petite Wilgeforte dans cette situation de détresse. Crois-tu que j’ai pris un cible au hasard ? Non, j’me suis renseigné. J’ai même eu vent d’ta démission du conseil ducal du Lyonnais Dauphiné, tu vois ? Seule une personne refusant le pouvoir peut démissionner d’un poste comme celui-ci sans regrets.
Si j’avais enlevé l’premier venu, et qu’il avait été une pourriture sans nom de l’Eglise, ça n’aurait eu aucun intérêt, aucun impact sur les esprits.

J’pense pas que ce soit uniquement l’pouvoir qui rende les gens comme ça. J’pense que l’homme garde au fond de lui une part d’violence naturelle, une part dont il nait avec, et qui se développe -ou non- par la suite, en fonction des situations qu’il rencontre. Essayer d’faire la différence entre l’mal et l’bien, c’est une connerie, les deux sont liés et indissociables. Les hommes s’battent par envie, par besoin irrépressible de se sentir le meilleur, c’est une compétition perpétuelle, pas pour accéder au pouvoir non, car sinon pourquoi les pauvres soldats se battraient ils ? Ils n’ont aucune chance d’accéder au pouvoir, eux, de la chair à armée, rien de plus. Non, eux, ils se battent par amour. C’est l’amour qui conduit aux massacres, aux guerres qui n’en finissent plus. Amour d’une patrie, d’une famille, d’une idée ou d’un Dieu : c’est pareil tout ça. C’est l’amour et le pouvoir, la cause de tout ça.
Tu me crois insensible ? En réalité je suis comme chaque homme : je me bat par amour. Amour d’une famille déchue et d’une sœur trop jeune pour avoir vécu tout cela. Je tue par amour, je vis par amour. M’en tape du pouvoir, de Dieu et de tout le reste. N’es-tu pas entrain de me parler par amour ? Par amour de ton Dieu ?

Le pouvoir n’est rien, sans l’amour, ne crois tu pas ? Les serfs s’ils accédaient au pouvoir seraient pareils parce qu’au fond, ils le sont déjà…qu’est-ce qu’ils ne feraient pas pour leurs terres, leurs récoltes?
Trop aimer mène à la perte, je l’ai vécu, avec mes parents qui ont trop aimé ma sœur. C’était une guerre à échelle réduite entre eux et le seigneur, une guerre non pour le pouvoir mais pour l’amour. Et le seigneur a perdu, parce que ma sœur était déjà loin lorsque tout ça s’est terminé. Une chaine de haine et d’amour…ainsi le combat est terminé mais pas la guerre. Et ce ne sera pas terminé tant que je serai en vie.
Les guerres, les massacres, les famines ou les maladies, même tout ça à la fois : ça ne me concerne pas. La seule chose qui m’intéresse c’est régler le compte de ces pourritures…Là encore, tu as faux, je n’ai pas dit que je ne croyais pas en son existence, j’ai dit que je ne croyais plus en Lui, c’est différent. Je ne crois plus qu’Il soit bienfaiteur, je ne crois plus qu’Il soit le bien et qu’Il aime les hommes. Au contraire, Il pousse les hommes à se battre entre eux. Je ne lui fait plus confiance. Alors ne puis-je pas ne pas croire en Lui, et le haïr ? Tu es toujours aussi sûre que c’est impossible, vu sous cet angle ? Ne crois tu pas que mon raisonnement se justifie, comme tout le tien doit être parfaitement justifié dans ton esprit ?

Ton Amour pour lui est une force, ma Haine envers lui en est une également. Qui se ressemblent finalement. L’un et l’autre, rien ne nous fera peur, justement à cause de cette force que l’on puise dans nos convictions.
Je me fous de savoir où je me retrouverais une fois mort, qu’Il m’envoie ou bon lui semble, je pourrai me vanter d’avoir vécu comme bon me semble. Ce qui m’intéresse, c’est le présent…le moment que nous sommes entrain de vivre, et qui restera à jamais gravé dans ta mémoire, car ce sera moi la dernière personne que tu verras de ton existence, mais aussi car tu sais qu’en faisant cela, tu accomplis ma volonté. Celle de rendre le monde moins pourri en me servant de toi. Dédouane toi, tu ne fais pas le mal, l’argent que j’aurai servira uniquement à tuer des personnes infâmes et sans scrupules, preuve est que je ne suis pas d’elles, je ne vais pas te tuer, et il ne me semble pas t’avoir violer, tu gardes ta dignité. Je prends la responsabilité auprès du Très Haut de ce qu’il t’arrive, tu vois j’assume…et puisse-t-il me refuser le Soleil que je n’en ai rien à foutre, mon Soleil à moi, c’est ma sœur…

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Sainte Wilgeforte



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MessagePosté le: Lun Avr 12, 2010 4:29 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Wilgeforte écouta, écouta, écouta encore. Grande confesseuse, elle avait une solide habitude de l’écoute, et répétait à qui voulait l’entendre que son temps était scindé entre la parole et l’écoute, sans qu’elle ait une préférence pour l’une ou l’autre activité : autant la parole lui permettait de rendre ses semblables plus vertueux, autant l’écoute la rendait elle-même plus vertueuse : elle apprenait énormément des erreurs des autres.
Cependant, ici, tout était différent. Dans un confessionnal, on est assis confortablement et l’on n’a pas les poings en sang. La plupart du temps, on a dormi un temps raisonnable. Là, Wilgeforte n’avait somnolé que quelques heures depuis son enlèvement, et son sommeil était tellement agité qu’il l’avait plus fatiguée que reposée. Et pourtant, c’est elle qui avait choisi de se lancer dans cet énorme dialogue. Pourquoi ? Ici non plus, elle n’en savait rien. Pourtant, elle sentait qu’elle ne s’était pas trompée, que c’était la chose à faire.
Alors, malgré la douleur, la fatigue, l’incertitude, Wilgeforte se concentra et répondit.


Sans vous en rendre compte, vous confirmez chacun des enseignements divins. Cette part de violence présente en chaque homme, elle porte un nom. Ou plutôt, elle existe sans porter de nom. Oui, je vois bien que vous m’avez compris : je parle de la créature sans nom. On ne vous l’a sans doute jamais dit, car ce message ne sert pas vraiment les intérêts de l’Église, mais le Sans-Nom est un ennemi intérieur. Rares sont les curés et les évêques à l’avouer, car cela les dépouille de leur pouvoir de protecteur des assauts de la bête, mais il suffit de lire les textes finement pour s’en apercevoir. La vertu est donc la capacité à résister à cet ennemi intérieur, et vous confirmez tout ceci sans vous en rendre compte… et, afin de ne pas vous écarter de votre logique de contradiction, sans souscrire aux règles que vous édictez vous-même.
Si vous reconnaissiez l’existence de Dieu en plus de reconnaître celle du Sans-Nom, vous ne diriez plus qu’Il pousse les gens à se battre : vous comprendriez qu’Il a créé une créature pour cela. Pourquoi Dieu fait-il cela ? La réponse, on vous l’a déjà donnée des centaines de fois, et je vous l’ai moi-même livrée il y a quelques instants : afin de voir lesquels sauront le mieux résister aux boniments de la bête à laquelle Il a donné naissance et, ainsi, déterminer lesquels sont les plus aptes à goûter aux délices éternelles. Car, comme on vous l’a déjà sermonné et comme je vous l’ai expliqué, votre destinée n’est pas écrite : c’est vous qui êtes maître de votre propre personne. Jusqu’à présent, l’usage que vous faites de ce libre-arbitre vous a-t-il vraiment servi ? Prenez un temps pour faire le point sur votre vie, et vous aurez votre réponse.
Vous m’avez enlevée en fonction de critères bien précis, avec un but très clairement défini et une logique absolument implacable. Vous dites vouloir punir de votre dague ceux qui le méritent. Vous dites tuer et vivre par amour ; or, nul n’est plus étranger à l’amour que vous. Vous avez cru en Dieu jusqu’à un certain point. Tous ces éléments, pris isolément, ne sont d’aucune utilité. Rassemblés, ils fournissent une clef : vous êtes en quête de sens. Vous m’avez enlevée parce que cet enlèvement avait un sens. Vous tuer parce que cela a un sens. Vous vivez par amour parce que vous avez compris que seul l’amour donne du sens à la vie. Et vous avez cru en Dieu lorsque Son existence avait un sens, et avez décidé de ne plus y croire lorsque Son existence n’avait plus de sens. Mais vous vous trompez. Comment peut-on croire en Dieu puis ne plus y croire ? C’est cela qui n’a pas de sens.

Vous dites que je vous parle par amour de Dieu. C’est faux. Si j’aimais tant Dieu, je le prierais et ne vous adresserais pas la parole, misérable maraud mécréant que vous êtes. Si je vous parle, c’est par amour, et par amour désintéressé. Selon vous, combien de prêtres, dans ma situation, décideraient de vous parler comme je vous parle ? La plupart comprendraient qu’ils n’ont rien à perdre, rien à gagner, et préféreraient en terminer le plus rapidement et le plus confortablement possible. Mais ils n’ont pas eu la chance d’étudier les textes comme je l’ai fait. S’ils l’avaient fait, ils connaîtraient cette vérité tellement difficile à découvrir et encore plus ardue à assimiler et accepter : personne ne fait le mal consciemment. Même le pire des hérétiques pense agir pour le bien. Même vous, qui m’avez enlevée, qui m’avez arraché un œil, qui me maintenez captive dans des conditions dégradantes, vous ne pensez pas faire le mal. Vous avez simplement une mauvaise définition du bien. Je le savais depuis le début, car vous êtes humain et obéissez donc aux mêmes règles que les autres humains, mais vous m’en avez donné la confirmation : vous m’avez enlevée pour avoir de l’argent, et cet argent servira à faire ce que vous considérez comme étant le bien. Comme seul l’argent importe, vous avez décider que vous ne me tuerez ni me violerez. Vous voulez faire le bien, mais vous le faites mal.
La seule chose qui permet au mal de triompher est l’inaction des hommes de bien. Voilà pourquoi je vous parle : parce que je refuse de rester les bras croisés alors que je suis en face d’une âme en perdition. Pour la quasi totalité des humains, vous êtes un homme de mal. Pour moi, il n’y a pas d’hommes de mal : il n’y a que des hommes de bien potentiels. C’est pour cela que je vous parle : pour que ce potentiel soit exploité. Ne pensez pas que je le fais pour éviter que d’autres périssent par votre lame : s’ils sont vertueux, ils auront une bien meilleure vie que celle qu’ils menaient jusqu’alors. Ne pensez pas non plus que je fais cela parce que je lutte pour ma propre survie : vous n’imaginez pas à quel point ma propre personne m’importe peu. Si je fais ce que je fais, c’est pour vous. Parce que mon amour est inconditionnel et sans limite. Et cet amour n’est pas dirigé, comme vous l’avez dit, vers Dieu. Il ne m’est pas non plus, comme le prétendent la plupart des clercs, offert par Dieu. Il m’est prêté par Dieu. Et j’ai la lourde tâche de le redistribuer. Envers tous les humains, sans aucune distinction. C’est pour cela que je vous parle.

Depuis que vos parents sont morts, vous errez, en quête de sens et en quête d’amour. La preuve, c’est que vous prétendez posséder tout cela. Et vous savez comme moi que ce que l’humain possède le moins est ce qu’il prétend posséder. Votre volonté de venger votre sœur en est une seconde preuve : le sens et l’amour. Pourquoi étiez-vous heureux avant que votre cher père ne meurt ? Parce que vous aviez du sens et de l’amour. Pourquoi n’êtes-vous plus heureux ? Parce que vous n’avez plus ni sens ni amour. Pourquoi en aviez-vous en n’en avez-vous plus ? Parce que vous croyiez en Dieu, et que Dieu est sens et amour. Pourquoi…

Alors que Wilgeforte s’apprêtait à poursuivre sa déduction totalement improvisée, quelque chose l’en empêcha.
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Theobald



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MessagePosté le: Jeu Avr 15, 2010 6:19 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Voilà, il n’était plus d’humeur bavarde le Théo, c’est que c’était très variable ces choses là. Apparemment ça variait moins du côté de Wilgeforte qui continuait à causer sans discontinuer. Que voulait elle prouver ? Qu’il avait tord ? Peut être le savait il déjà. Ca ne l’empêchait pas de continuer son œuvre, parce que c’était ainsi et pas autrement. Parce qu’il aurait l’air d’un idiot en abandonnant si près du but. Oui, la vengeance le fatiguait, et lui aussi, comme tout un chacun, aimerait vivre une vie tranquille. Mais il n’en était rien, et c’est ce qui le rendait différent des autres brigands de bas étages.
Elle savait tout sur tout, et ça commençait à franchement le gaver…Que savait elle de lui ? Rien, après tout. Rien si ce n’était ce qu’il avait choisi de lui raconter.
Alors qu’elle fasse celle qui le connaissait depuis des années, ça avait le don de le mettre hors de lui, le brigand. Car c’est ce qu’il était, un brigand, et ce qu’il continuerait d’être même s’il accomplissait une partie de sa vengeance, ou si son envie de vengeance s’effaçait d’elle-même. Un homme de mal, prêt à tuer s’il le fallait, et il essayait de s’en convaincre, ce n’était certainement pas pour qu’une femme d’église, sa captive qui plus est, lui fasse douter de tout ce pourquoi il était fait, a fortiori ça.

Cette femme est une manipulatrice, et le brun s’en rend bien compte. Elle se servait des faiblesses qu’elle avait deviné au cours de ce dialogue pour le faire douter des fondements même de son comportement, lui d’ordinaire si sûr de lui. Il fallait que ça cesse, et rapidement…Oui l’inquisitrice, elle savait faire dire aux gens ce qu’ils ne voulaient pas avouer, ce qu’ils cachent tout au fond d’eux.
Mais elle n’aurait pas Théo, non, il serait plus malin qu’elle. Il voyait clair dans tout cela, le malfrat, très clair, alors qu’elle…elle voyait que d’un œil, et ça allait pas durer.
Elle se foutait de lui, c’était évident. Il détestait cela, et encore plus, il détestait la façon dont elle essayait de se foutre de lui avec sa subtilité à deux sous.
Et elle fit l’erreur de trop, l’erreur d’entamer son dernier paragraphe. Un paragraphe qu’il ne laisserait pas passer, qui l’avait fait pour ainsi dire exploser. Il savait très bien quel était le sens à sa vie, c’était celui que LUI décidait de lui donner, pas celui qu’une captive voulait lui imposer.
Pas finie la déduction, lui avait déjà fait deux pas pour se retrouver à sa hauteur et lui décrocher une gifle de toute la puissance de son amertume et de sa haine réunies.


Ta gueule ! Ferme là ! J’veux plus t’entendre !

Et tout aussi rapidement, il attrapa un bâillon, un bout du vêtement de Wilgeforte en fait, qu’il a déchiré à la va-vite en s’aidant de sa dague, et l’empêche de parler en lui barrant la bouche avec, ou plutôt le déversoir qui lui servait de bouche, Seigneur c’que c’était bavard une femme, a fortiori une femme d’église apparemment.
Du haut de sa haine, il toisa sa captive, elle qui avait osé tenter de se foutre de lui et de le faire douter du bien-fondé de son action. Elle mettait sa patience à l’épreuve alors qu’il avait été si gentil avec elle. Après tout il aurait bien pu la torturer, faire goûter à sa chair la souffrance qu’une simple dague peut apporter, mais très très lentement. Mais non, il s’était contenté de faire son travail, sans aucun bonus si ce n’était celui de discuter pour passer le temps.
Qu’est-ce que ça l’énervait qu’on abuse de sa bonté ainsi ! Alors, pour ne pas faire de bêtises et suivre son plan, il décida de partir, purement et simplement. Ca laisserait le temps à Wilgeforte de réfléchir sur le pourquoi de sa présence ici, et sur l’amour de Dieu qui la laisse bien gentiment ici alors qu’au dehors des tas de crimes sont entrain de se passer sans que les vilains ne subissent une quelconque punition divine.


Médite bien.

Deux mots lâchés, il n’en dirait pas plus, ni ne lui indiquerait dans combien de temps il revenait. De toute façon, ça ne la regardait pas, elle n’était là que pour subir ce que lui décidait. C’était lui le maître.
La laissant seule dans la pénombre, il franchit la porte pour se diriger vers le Fort San Angelo, une seule idée en tête : que les deux jours soient écoulés.
Un coin sombre, et l’attente débuta. Deux jours, c’était long, et court à la fois…Ca représentait 48 heures, deux nuits et deux longues journées. Mais peu importait, car la patience était une vertu et peut-être bien la seule que le malfrat possédait. Et puis l’attente n’était pas un mal, ça lui permettrait de mieux observer les différentes personnes qui passaient par là.


Deux jours plus tard, peu après minuit.

Il bouillonnait Théo, rageait. Ainsi, les prélats avaient si peu de respect pour les leurs ?
Soit, ils verraient ce qu’il en coûte. Personne n’était venue lui donner la rançon, et personne n’avait même pris la peine de se déplacer. Fulminant, il se dirigea vers sa cache, la dague déjà sortie. Peu lui importait à vrai dire l’état dans lequel il trouvera la Monseigneur, il voulait simplement maintenant faire exécuter la sentence que l’Eglise avait elle-même demandé en ignorant la lettre du brun.
Entrée fracassante de l’homme dans la prison de sa captive, oubliant totalement les odeurs qui régnaient, il s’approcha de la femme et lui retira son bâillon, avant de la regarder froidement, sans aucune émotion sinon la colère.


Grave bien cette image dans ta tête, c’est la dernière que tu verras.

Puis, sans autre avertissement, planta la dague dans l’œil restant de la Sicilienne, expiant par ce geste la rancune qu’il ressentait envers l’Eglise et Rome pour ce manque d’action. Il arracha l’œil, le posa sur la table sans plus s’en préoccuper que cela pour le moment, il tourna même le dos à la victime qui venait de perdre la lumière.
Que faire à présent ? Il fallait montrer aux croyants l’incompétence et le manque d’humanité des gens qui étaient censés les « guider ». Il s’attabla, pris un nouveau vélin, et rédigea une nouvelle lettre.



Citation:
Aux incompétents de l’Eglise Aristotélicienne.

Deuxième lettre, deuxième sentence.
Votre chère - pas si chère que ça - super-préfète Monseigneur Wilgeforte a donc perdu la vue, suite à l’inaction de ceux qui se disent hommes de bien.
Néanmoins, dans ma grande bonté, je vous laisse une dernière chance de la voir en vie : Toujours le même principe, une personne, une seule, au fort San Angelo, dans deux jours et avec mes 25 000 écus. Je suis gentil, je n’augmente pas la somme et pourtant je le devrai vu votre incompétence…

A dans deux jours, donc.
T.M., Mercenaire solitaire.


Comme la fois précédente, il s’absenta de l’abri accompagné de son message et du deuxième œil de Wilgeforte, se rendant Place d’Aristote afin d’afficher tout ça. La place, comme la première fois, était totalement déserte, et il put afficher les choses aisément sans avoir de gêneurs dans ses pattes. Même chose que la dernière fois, la lettre affichée à la vue de tous et l’œil juste à côté pour prouver qu’il disait vrai, après tout ces yeux là étaient uniques, ceux qui connaissaient Wilgeforte savaient que c’était là la triste vérité.
Son travail fait, ce qui pris plus ou moins une vingtaine de minutes parce qu’il aimait prendre son temps, il fit demi-tour et revint à nouveau à sa cachette. Il y entre, referme la porte sans mot dire, et va s’assoir en face de Wilgeforte, songeur, faisant à peine attention à elle.

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