L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church

[clovis.alistaire]

Clovis s'était longuement intéressé à l'ordre des jésuites. Sa fascination pour les enseignements du prophète Christos l'avait fait se penché sur cette ordre dont ses préceptes composait la base. Surprise d'ailleurs quand il avait appris que cet ordre était dirigé par l'éminente pourpre Kalixtus. Il faut dire qu'il avait eu un peu l'occasion de le côtoyer lorsqu'il s'était inscrit pour sa licence au sein de l'université pontifical. Naturellement, il s'était découvert et reconnu dans la vie religieuse que prônait l'ordre de la sainte étoile de Christos. Et s'il était désormais sûr du chemin qu'il voudrait emprunter, comme un papier défini depuis ce songe qui l'a marqué, il n'en connaissait pas non plus tous les aboutissants, il savait seulement réellement ce que sa foi lui poussait, vers où son amour pieux le guidait. Il n'en manquerait pas d'en discuter avec son Éminence, pour peu qu'il puisse se montrer. Après tout, en tant que recteur de l'ordre, il avait sûrement fort à faire. Sans attendre, et avec la célérité de Dieu, il s'annonça.

« - Pouvez-vous informer son Éminence que mes pas m'ont guidé jusqu'ici ? J'aimerais rejoindre l'ordre sacré de l'Étoile de Christos, marcher moi aussi à la suite de Saint Titus et partager les idéaux des frères jésuites. »

[Kalixtus]

Kalixtus lui-même s'avança pour une promenade et regarda le jeune homme qu'il salua avec un sourire.

Bonjour, Clovis. Tu veux venir chez moi ? Si oui, allons faire un tour ensemble. J'adore me promener le soir en été. Toi aussi ?

_________________

[clovis.alistaire]

Comme s'il l'avait appelé, le Cardinal se présenta à lui, ne manquant pas de lui porter toute la déférence qui lui était du. A croire que celui-ci l'attendait. A son invite, il actionna.

« - Adieu, votre Eminence. Si vous me le permettez, je vous accompagnerais. »

Et en entamant sa marche, il ne manque pas de répondre à sa seconde question.

« - Il est vrai que depuis mon arrivée à Rome, je n'ai guère eu de temps pour apprécier les joies d'une balade estivale romaine. Voyez vous, il existe différents soirs d'été en toute place du monde. Si ceux des Pyrénées sont plutôt frais mais d'une noirceur et d'un calme insondable, ceux de Rome sont beaucoup plus vivants. Rome est une ville qui ne dort jamais. Venant de mon Béarn natal, pareil spectacle ne m'est guère familier, je pourrais cependant risquer d'y prendre goût. Et vous votre Eminence, à quels soirs d'été va votre préférence ? »

[Kalixtus]

Kalixtus sourit et ses sentiers s'engagèrent sur un chemin qui traversait les douces collines qui entouraient Rome.

Je suis originaire d'Occitanie, même si la plupart des gens me considèrent comme un cardinal allemand, car j'ai passé une grande partie de ma vie dans la zone allemande et j'ai étudié et influencé cette culture de différentes manières.

Au fil du temps, je suis devenu romain avant tout. Les Romains ne considèrent pas nécessairement l'Europe comme un ensemble de cultures différentes, mais comme une civilisation unique. Le plus souvent sous la bannière de l'aristotélisme. Mais cette bannière s'est abîmée au fil des décennies. Il y a de plus en plus de mouvements laïques qui veulent pousser la foi hors de la formation de la volonté politique et dans la formation de la volonté sociale.

Kalixtus a un peu ri. Mais je suis sûr que cela t'ennuie. Tu n'es certainement pas venu me voir pour discuter des problèmes du monde. Ou bien si ?

Les jésuites reposent ici, en haut de la colline, avec vue sur Rome, nous sommes l'un des grands carrefours de pèlerins avant la ville sainte elle-même. C'est pourquoi nous surveillons le chemin. C'est quelque chose que nous ne faisons pas d'habitude, mais comme c'est la maison mère, nous faisons une exception et nous nous consacrons aussi à cette tâche. C'est pour cela que nous t'avons vu venir. En général, peu de choses échappent aux jésuites. Nous sommes des clercs vigilants et surtout très intelligents.

Le cardinal ne put s'empêcher de sourire à nouveau et le sentier les conduisit à la lisière des oliveraies et à travers l'orangeraie chère à Kalixtus, qu'il avait lui-même créée pour cultiver ce fruit magnifique dont la floraison évoque une douce promesse.

Je ne suis pas un amateur du coucher de soleil, car il me rappelle qu'une journée s'est écoulée et qu'une fois de plus, on n'en a pas fait assez. Qu'une fois de plus, nous n'avons pas eu assez de temps pour faire toutes les choses qui s'accumulent. Politiquement, socialement, théologiquement, académiquement et bien sûr aussi familialement et personnellement.

Plus je vieillis, moins j'ai de temps — je ne peux pas nier cette impression.

Pour moi, le lever du soleil est le plus beau. Dans mon fief de Senigallia, par exemple, le soleil se lève sur la mer. Souvent, je me retrouve pieds nus dans la mer et mes orteils fouillent le sable frais, tandis que les premiers rayons du soleil touchent mon visage et je sais qu'une journée toute neuve et vierge commence, pleine de possibilités, d'aventures, de joie, mais aussi de travail. Le lever du soleil nous permet d'avoir la grâce de corriger les erreurs de la journée précédente, d'effectuer des travaux et de façonner et de transformer cette terre, la terre de Dieu, par notre travail.

_________________

[clovis.alistaire]

Il n'aurait presque jamais cru le Cardinal venir d'Occitanie. D'aucun avait l'habitude de l'associé au territoire germain et il ne l'avait d'ailleurs jamais connu autrement, alors qu'en il parla du sud qu'il connait bien, son attention s'en trouva plus intéressé.

Je vois Rome comme un refuge de la foi. Comme le berger, elle inspire et guide, accueille et chérie. Si bien qu'il est presque aisé de se sentir familier en son sein et de l'embrasser au fil du temps. Je ne doute pas de devenir aussi romain que mon oncle, ou du moins le plus pyrénéen des romains. Je n'ai guère non plus la volonté d'oublier d'où je viens. A l'heure où nos préceptes sont remis en questions par le temporel, Rome s'impose comme la solution. Si elle peut inspirer d'autres cités à en faire de même, Dieu m'intime de garder l'espoir qu'un jour ces mouvements laïques nous rejoindront sour la bannière de nos prophètes.

Un rictus se dessina à la mention du Cardinal. Vous ne m'ennuyez pas au contraire, il est toujours agréable par une nuit chaude de discuter des affaires du monde. Mais je viens surtout vous parler de ma foi, votre Eminence, celle qui s'inscrit dans les valeurs et les enseignements des jésuites.

Il écoute d'ailleurs attentivement l'entreprise de l'ordre que dirigeait la pourpre.

Une position idéale, elle vous permet de prendre le pouls de la ville, de tout voir, de tout savoir. Le connaissance est la clé, le savoir est essentiel, c'est ce qui permet d'inspirer au changement, de briser les status quo. Il faut savoir écouter, voir, apercevoir, c'est aussi là toute la volonté de ma démarche, m'élever parmi des frères, mes soeurs avec cette force et cette qualité.

Il distingua la qualité des oliveraies et la prudence de l'orangerie, tout avait été cultivé à la mode septentrionale, nul doute que les frères jésuites devaient s'en accomoder pour leur propre utilisation. Il trouvait ce cadre particulièrement apaisant et plein de contemplation. S'il avait été un peintre italien, il en aurait sûrement posé une toile. Mais, peu créatif pour deux sous, il se contenterait de l'imaginer.

Ne craignez pas le coucher du soleil votre Eminence. Car j'y vois le symbole de l'inspiration. Si nous estimons ne pas en avoir fait assez aujourd'hui, il nous indique aussi que nous pourrons en faire plus demain. Et que quoi qu'il advienne, il continuera de se lever pour nous permettre d'aller plus loin. Sans un coucher de soleil, pas de contemplation, pas de manière d'avoir une réflexion sur ce qui a été bon ou pas. Comme en tout chose, c'est un cycle qu'il nous faut observer pour mieux nous comprendre, mieux nous élever.

[Kalixtus]

Kalixtus sourit sincèrement et son regard se perdit dans les traits de Clovis.

Si j'étais encore aussi jeune que toi, mon cher ami, je célébrerais chaque coucher de soleil, et peut-être passerais-je toute la nuit au coin du feu avec des amis et des camarades, comme je le faisais quand j'étais jeune. Cela remonte à tant de décennies. Parfois, je me tourne vers le passé et je m'observe, ce qui m'amuse de voir comment le jeune guerrier idéaliste et héros de nombreuses romances avec des hommes et des femmes est devenu un homme tout à fait différent de ce que tout le monde avait prévu.

Un homme qui se tient comme un rocher dans la tempête, offrant une protection contre l'océan puissant, dans les vagues duquel chaque navire peut se briser et chaque homme et chaque femme peut périr noyé.

Aujourd'hui, je suis un rocher de la foi. Un mystique capable de lire la nature et de discerner l'écriture de Dieu dans les choses. Un théologien qui est descendu dans les profondeurs de la métaphysique à la recherche de Dieu et de sa sagesse. Mais aussi un puissant prince de l'Église, qui non seulement protège son troupeau, mais aussi le guide et le dirige, et qui, si nécessaire, corrige et punit.

Nous, les jésuites, cherchons le savoir, car nous savons que le Créateur se révèle dans les sciences, dans les subtilités de la physique élémentaire et aussi dans le comportement des hommes.

Les forces des ténèbres sont les adversaires. Les puissances qui revendiquent notre terre sont consacrées à la lumière et à l'ombre, et nous, les clercs, veillons sur les intérêts de la lumière pour nous défendre contre les forces de la créature et de ses sbires.

Il existe des secrets, Clovis, que peu connaissent. Les trésors de Rome ne sont pas seulement les cathédrales, les gens et ce que l'on peut voir en surface. Les bibliothèques du Vatican contiennent des parties anciennes. Profondément sous les catacombes de Rome repose un monde à part, fondé par Cicéron, et rempli de connaissances qui dépassent mes capacités.

Des expéditions dans des lieux où le mal régnait. Des rencontres avec des êtres célestes et bien sûr des témoignages d'une précision époustouflante, qu'il faudra probablement jusqu'à la fin du siècle pour tout cataloguer et rendre accessible la sagesse qui en découle.

Tout savoir que nous cherchons, Clovis, n'est pas destiné aux yeux du monde. Beaucoup de choses effrayantes pourraient durablement endommager notre civilisation.

Ainsi, Rome veille non seulement sur la foi et les hommes, mais elle est aussi bien plus que cela : Rome est aussi le gardien du monde et un rempart contre la créature.

Le temps est une ressource si précieuse. Il file si vite. Ici, au cours de mes promenades, je me rapproche de Dieu et il me révèle de temps en temps pourquoi nous menons ces combats. Pourquoi il est important de rassembler les savoirs anciens et de s'orienter. Plus encore, il nous montre combien il est crucial d'appliquer ce savoir et de protéger le monde.

Les rencontres avec toi révèlent la volonté de Dieu de reconnaître qu'il s'agit des hommes, qui peuvent incarner toute la beauté et la bonté pour lesquelles notre religion existe, pour lesquelles l'héritage d'Oannès existe, qui a fait de l'amour de Dieu le centre de nos vies à tous. Mais aussi l'amour de la création, de l'humanité et de nous-mêmes. Car tout cela doit être en harmonie pour que nous puissions survivre aux tempêtes à venir.

Le monde séculier est empoisonné par les ténèbres. Nous avons échoué à bien des égards, et Rome n'est pas non plus épargnée par les ombres qui se concentrent principalement sur la soif de pouvoir et de domination.

Les jésuites regardent ce monde avec inquiétude, mais nous avons toujours été préoccupés.

Kalixtus rit. Les hommes âgés trouvent toujours leur époque particulièrement préoccupante. Pardonne-moi cette remarque. Que sont nos temps en comparaison de ceux des apôtres, torturés et tués par les Romains ! L'époque des martyrs, comme mon vénéré Saint Jean. Nos temps sont dorés en comparaison.

_________________

[clovis.alistaire]

Clovis demeura longuement silencieux après que le cardinal eut parlé. Il avait écouté chaque mot avec une attention profonde, presque religieuse, comme si le souffle même du vieil homme contenait des vérités qu’il lui faudrait des années à comprendre entièrement. Lentement, presque solennellement, il se redressa, le regard perdu un instant vers l’immensité du ciel, là où les dernières lueurs du crépuscule disputaient encore l’horizon à la nuit.

Votre Éminence .. commença-t-il d’une voix basse mais assurée, empreinte d’un respect sincère, .. ce que vous venez de partager dépasse les mots ordinaires. Il y a, dans la profondeur de votre témoignage, quelque chose qui me parle au cœur et à l’âme, quelque chose qui me rappelle la grandeur véritable de notre vocation.

Il inspira longuement, comme pour mieux choisir ses mots, refusant la facilité, embrassant pleinement la gravité de l’instant.

Vous êtes devenu, par la grâce de Dieu et la force des épreuves, ce rocher dont vous parlez. Un bastion contre les flots tumultueux, une sentinelle dressée sur la frange entre le monde des hommes et ce royaume invisible que tant redoutent sans même en connaître le nom. En vous écoutant, je mesure toute l'étendue de la charge que vous portez et que, peut-être, je serai un jour appelé à porter à mon tour. Ce n'est pas une simple fonction, ni même un devoir : c'est un sacrifice. Le sacrifice de soi pour le salut d'autrui, pour la préservation d'un monde qui, souvent, ne sait même pas qu'il est sauvé dans l'ombre.

Son regard se fit plus intense, comme habité par une conviction naissante.

La Rome que je découvre à travers vos paroles est bien au-delà de celle que les foules admirent. Ce n'est pas la cité de pierre et de marbre, mais celle, invisible, faite de mémoire, de foi, de secrets incommensurables. Cette Rome cachée, où s'assemblent les savoirs anciens, où se tissent les fils invisibles de la sauvegarde du monde, est une Rome mystique, une Rome sacrificielle. Elle est à l’image de Christos lui-même : vue de tous, mais réellement comprise de peu.

Il marqua une pause, laissant son regard revenir à Kalixtus, empli d’une ferveur nouvelle.

Vous parlez de forces obscures, Éminence, et je n'ignore pas que nous ne combattons pas uniquement contre des idées fausses ou des passions humaines, mais bien contre des réalités plus profondes, plus anciennes, contre des abîmes d'où émergent, parfois, des souffles capables de renverser des empires et d’éteindre des peuples. Vous évoquez des savoirs si puissants que leur seule révélation pourrait abîmer irrémédiablement l'humanité. Cette pensée me glace autant qu’elle m’exalte. Elle me rappelle que la quête de la connaissance est indissociable de la prudence, que tout savoir véritable exige une âme trempée par la sagesse, lestée par l'humilité.

Clovis croisa doucement les mains devant lui, ses doigts effleurant machinalement le chapelet à sa ceinture, comme un réflexe protecteur.

Si cela est votre combat, alors, si Dieu le veut, ce sera aussi le mien. Non par orgueil, mais par amour. Car si la foi est un feu sacré, elle doit aussi être un rempart ; si la vérité éclaire, elle doit aussi préserver. Je veux, avec le temps, forger en moi cette capacité de veiller sans haine, de combattre sans perdre l'espérance, de comprendre sans me corrompre.

Il esquissa alors un sourire, plus doux, plus humain.

Vous évoquiez la jeunesse, Éminence, et je ne peux m’empêcher de songer que la vôtre, malgré les décennies écoulées, n’est pas morte. Elle est là, transfigurée, sublimée par l'expérience et la foi. Car n’est-ce pas là l’essence de la jeunesse véritable ? Non pas celle de la chair, éphémère et fragile, mais celle de l’âme, capable, encore et toujours, de croire, d’aimer, de combattre pour ce qui est juste.

Un silence lourd de sens s’installa entre eux, empreint de cette rare communion d’esprit que seuls peuvent connaître ceux que Dieu appelle sur des chemins périlleux. Puis Clovis ajouta, d’une voix plus basse, presque comme une prière :

Que Dieu me permette, à mon tour, de devenir un jour ce rocher que les flots ne brisent pas. Que je sois digne d’arpenter les sentiers où veillent les anges et où grondent les ténèbres. Sous votre regard, sous l’œil de Rome, et sous l’infini regard de Dieu lui-même.

[Kalixtus]

Le Cardinal Kalixtus laissa les paroles de Clovis résonner dans le silence, telles des gouttes d'une huile sacrée s'écoulant lentement sur l'autel de l’éternité. Longtemps, il demeura muet, tel un jardinier contemplant le jeune bourgeon jailli de la terre obscure. Puis, d'une voix basse, mais empreinte de cette gravité tranquille qui émane des profondeurs du cœur, il répondit :

« Mon fils,
vos paroles sont comme un soleil levant, qui ne se contente pas d’illuminer la terre, mais pénètre jusque dans les eaux profondes, là où sommeillent les plus antiques coraux de la sagesse. Vous avez compris – non seulement avec l’esprit, mais avec l’âme. Vous n’avez pas seulement entendu, mais reçu ; pas seulement admiré, mais répondu. Et cela est rare, dans un monde qui parle sans cesse et n’écoute plus.

Sachez-le :
Le roc dont je vous ai parlé n’est pas fait de granit ni de marbre. Il est façonné de chair meurtrie, de sang versé, d’un cœur qui a appris à mourir dans le silence pour que d’autres puissent respirer dans le tumulte de la vie. Celui qui aspire à devenir un tel roc doit accepter de traverser des déserts où même Dieu semble se taire.

Vous avez vu juste :
Rome, la vraie Rome, n’est pas édifiée dans la pierre. Elle vit dans les larmes, dans les prières, dans les victoires muettes et les nuits sans consolation. Elle brûle dans ce feu invisible qui façonne le monde alors même qu’il l’ignore. C’est une Rome qui meurt et renaît sans cesse – dans chaque sacrifice accompli dans le secret.

Les puissances dont je vous ai parlé sont plus anciennes que nos langues, plus anciennes que le premier hymne chanté par les anges dans la lumière. Elles ne s’insinuent pas dans les couronnes des rois, mais dans les rêves des mortels et les frayeurs des nations. Elles ne relèvent pas du conte ; elles sont le souffle glacé de ceux qui haïssent la naissance de la lumière.
Ainsi, mon fils, celui qui se dévoue véritablement entre dans un champ de bataille où ni l’épée ni le fer ne peuvent vaincre. Là, seules la foi, la sagesse et un amour prêt à s’anéantir pour autrui peuvent triompher.

Votre jeunesse – telle que vous l’exprimez – est plus véritable que celle du sang. Car une jeunesse fondée uniquement sur la fraîcheur du corps est un verre fragile que le premier gel fait éclater. Mais la jeunesse née de la fidélité, du courage et de la quête incessante du sacré – celle-là ne périt point. Elle est couronnée non par le temps, mais par l’éternité.

Vous avez parlé comme parle un pèlerin qui ne craint plus ses premières blessures, mais les chérit comme autant d’insignes d’honneur. En vous, je discerne non seulement le désir, mais déjà l’éclat premier de ce chemin qui exige le don du sang – non pour soi, mais pour les autres. Et ce chemin, mon fils, est un chemin royal : caché, solitaire, mais bordé d’anges.

Que le Très-Haut, qui seul pèse l’ombre et la lumière, purifie, forge et accomplisse votre vœu.
Qu’Il vous conduise jusqu’au seuil où le monde s’achève et où commence le vrai combat – et que là, vous puissiez tenir ferme, même lorsque les montagnes chancelleront.

Telle est ma bénédiction pour vous :
Devenez non seulement un roc inébranlable,
mais devenez la montagne qui jamais ne disparaît. »

Le Cardinal ferma alors un instant les yeux, comme s’il récitait une prière silencieuse – une prière secrète, tissée entre le maître et le disciple, entre le père et le fils, entre Rome et ceux qui sont prêts à donner leur vie pour sa couronne invisible.

_________________

[clovis.alistaire]

Clovis demeura longtemps prosterné, comme écrasé sous le poids invisible mais brûlant des paroles du Cardinal. Il sentait en lui quelque chose se rompre, quelque chose d'ancien, une coquille d'illusions et de peurs, pour laisser jaillir une lumière neuve, terrible et douce à la fois. Là, dans le silence sacré qui suivit la bénédiction, il comprit qu'une part de son être venait de mourir — pour qu'une autre naisse, façonnée non plus par ses seuls désirs, mais par l'appel insondable du Très-Haut.Il releva lentement la tête, et ses yeux, emplis d'une gravité nouvelle. Sa voix, lorsqu'il parla, était basse, mais vibrante d'une intensité qui transcendait les mots.

Éminence.. souffla-t-il à nouveau, comme s’il avait peur de briser la majesté du moment ... vous m'avez montré que devenir un roc ne consiste pas à s'endurcir, mais à apprendre à se briser, à s'offrir, à disparaître pour que d'autres puissent subsister dans l'ombre de notre sacrifice. Ce chemin, que tant redoutent ou ignorent, je l'embrasse de toute mon âme. Non pas parce qu'il est glorieux aux yeux des hommes, mais parce qu'il est fécond dans l'obscurité, parce qu'il est béni dans l'abandon.

Il inspira lentement, pesant chacune de ses paroles comme l'on pose des pierres sur l'autel du Très-Haut.

Désormais, je ne m'appartiens plus. Mes pensées, mes forces, mes jours, mes nuits, mes joies et mes souffrances : tout cela est donné, livré sans retour, à Rome, à l’Église, pour la victoire de la lumière.

Son regard, pourtant jeune, portait désormais la marque de ceux qui ont vu au-delà du voile du monde.

Vous avez semé en moi un appel qui transcende le temps. Je ne désire plus être un simple serviteur parmi tant d’autres ; je désire devenir, selon la volonté du Très-Haut et sous votre conduite, un pilier caché de l’Église, un roc enseveli peut-être sous des siècles d'indifférence humaine, mais indestructible aux yeux de Dieu.

Il marqua une pause, puis poursuivit, d’une voix qui ne tremblait plus.

Que les déserts s'étendent, que les ténèbres s'amoncellent, que le silence tombe parfois plus lourd que la pierre : je n'aurai pas peur. Car je sais désormais que la route qui mène au sommet de la montagne est semée d’abandons, d’humiliations, de nuits sans étoiles. Et je sais aussi que, tout au bout, dans un éclat que nul homme ne peut prédire, brûle la lumière pour laquelle il vaut la peine de tout perdre.

Clovis inclina alors profondément la tête devant le Cardinal, dans un geste de totale offrande de soi.

Votre Éminence, je me tiens prêt à rejoindre les Jésuites. Prêt à écouter, à apprendre, à plier mon esprit aux rigueurs de la discipline, à soumettre ma volonté à l'exigence de la mission. Guidez-moi. Formez-moi. Envoyez-moi là où les fondations doivent être consolidées, là où les tempêtes menacent de ronger les falaises de la Foi. Que je sois une brique, une pierre cachée dans la grande citadelle de Rome, un bâtisseur dont personne ne gravera le nom, mais dont l'œuvre tiendra lorsque les vents de la désolation souffleront.

Ses yeux, brillants mais inébranlables, revinrent à ceux de Kalixtus.

Car ce n’est pas mon nom que je veux inscrire dans l’éternité, mais l’humble offrande de ma vie, consumée en silence pour que vive le Corps mystique de notre Église.

Un silence, profond, sacré, scella ses mots. Puis, d’une voix plus basse encore, comme une prière offerte dans la nuit :

Que Dieu me purifie, que Rome me forge, que la main du Seigneur me bénisse à chaque pas. Pour l’Éternité.

Et dans la nuit qui tombait, seule la lumière intérieure de cette promesse sembla encore brûler, pure, inaltérable.

[Kalixtus]

Le Cardinal ne répondit pas tout de suite.

Il demeura immobile, les yeux abaissés, comme s’il contemplait en silence une source que seul lui pouvait voir — une de ces eaux profondes qui dorment dans le cœur de certains hommes jusqu’à l’instant où Dieu daigne les effleurer.

Puis il releva lentement le visage, et dans le marbre de ses traits s’inscrivit une douceur qu’on ne lui connaissait que rarement. Ses yeux, d’un bleu d’hiver, rencontrèrent ceux de Clovis avec une gravité qu’aucun mot ne pouvait dissiper.

« Clovis… »

Ce nom fut prononcé sans hâte, comme un écho ancien, comme si l’Église elle-même se souvenait de quelque chose.

« …Ce que tu viens de livrer ici n’est pas une décision. C’est une naissance. Et celui qui naît à la lumière du Très-Haut ne revient plus jamais au sommeil d’avant. Il peut tomber, errer, douter — oui. Mais il ne pourra plus jamais ignorer. Car la Vérité, une fois révélée, n’accorde plus le luxe de l’oubli. »

Il se leva, non avec l’empressement d’un homme pressé, mais avec la majesté lente de ceux dont chaque geste est déjà prière. Il s’approcha de Clovis, l’observa comme on contemple un édifice en devenir — non pour en juger la pierre, mais pour en deviner la vocation.

« Tu as compris ce que beaucoup mettent toute une vie à redouter : que la grandeur d’un homme de Dieu ne se mesure pas à ce qu’il accomplit sous les regards, mais à ce qu’il accepte de perdre dans le silence. Tu veux devenir un roc enseveli ? Soit. Alors sache que ce silence te sera fidèle comme une épouse — exigeant, dévorant, mais porteur d’un feu que le monde ne pourra jamais éteindre. »

Il posa une main solennelle sur l’épaule de Clovis.

« Être Jésuite, ce n’est pas porter un nom — c’est porter un poids. Celui de l’intelligence soumise à la foi. Celui de la discipline façonnée par l’abnégation. Celui de l’obéissance, qui n’est pas soumission servile, mais choix souverain d’être entièrement donné. »

Un silence. Puis, plus bas, presque à voix close :

« Es-tu prêt à faire le vœu ? Ici. Maintenant. Devant Dieu, devant moi, devant Rome silencieuse ? »

Il attendit, comme seul sait attendre celui qui sait que la vraie réponse ne vient pas de l’ardeur, mais du creuset intérieur, là où l’âme choisit ce qu’elle deviendra.

« Car une telle offrande ne peut être différée sans en trahir la flamme. Elle doit être faite au moment exact où le cœur se brise pour renaître — ni avant, ni après. »

Un souffle de vent passa, comme si le monde lui-même retenait sa respiration.

_________________

[clovis.alistaire]

Clovis sentit son cœur battre au rythme de ce silence plus profond que toutes les paroles. Le poids de la main du Cardinal sur son épaule n'était pas lourd ; il était vaste, comme une mer qu'on accepte de traverser sans jamais en voir l'autre rive. Il ferma les yeux un bref instant. Non pour fuir, mais pour mieux écouter cette voix intérieure, celle que le tumulte du monde avait si souvent étouffée, mais qui, à cet instant précis, brûlait avec une clarté absolue. Quand il rouvrit les yeux, ils n'étaient plus ceux d'un homme hésitant : ils étaient devenus les fenêtres d'une âme prête à se livrer sans retour. Il inclina légèrement la tête, non par faiblesse, mais en signe d’offrande totale, et répondit d’une voix ferme, nue de toute fierté, mais habitée d'une foi tranquille :

« Oui, Votre Éminence. Je suis prêt. »

Ses genoux vinrent toucher le sol, son regard se leva vers le ciel invisible que seule la foi pouvait percevoir. Dans un souffle qui portait plus de vérité qu’aucun cri, il prononça :

« Moi, Clovis Ercole Barbarigo, en ce jour, en ce lieu béni, devant Dieu Tout-Puissant, devant l’Église éternelle et devant votre regard, je fais vœu de me donner entièrement, à Dieu, à Rome ainsi qu'aux jésuites. »

Il posa une main sur son cœur.

« Je fais vœu de servir sans ambition personnelle, sans attente de gloire, mais avec une foi sans faille, une obéissance librement choisie et une fidélité qui ne reculera pas, même dans l'obscurité, même dans l'abandon. »

Un souffle de vent effleura les pierres, comme un murmure d'approbation venue des hauteurs.

« Je consens à devenir un roc caché dans les fondations invisibles de Rome. Je consens à perdre mon nom s’il le faut, à effacer mon visage si telle est la volonté du Très-Haut. Que ma vie soit un chant silencieux pour Sa gloire et un rempart contre les ténèbres. »

Ses yeux, brillants, rencontrèrent ceux du Cardinal, non dans la faiblesse, mais dans l'offrande la plus pure : celle du choix. Il inclina la tête jusqu’à ce que son front touche brièvement le sol, signe ancien de l'abandon total à la volonté divine. Et dans ce geste, sans fanfare ni éclat, Clovis, à cet instant précis, devenait autre.

[Kalixtus]

Ok alors parlons de ton serment, parce que le vrai serment des jésuites est un peu différent.

Agenouille-toi et répète après moi :


Dieu tout-puissant, Père de l'humanité, moi, Clovis Ercole Barbarigo, bien que indigne d'être en ta présence, comptant sur ton amour infini pour tes enfants, avec le seul désir de te servir, déclare devant les prophètes et les saints les serments suivants :

Le serment d'obéissance envers Sa Sainteté, le Pape, et la hiérarchie de notre Ordre.
Le serment de connaissance, à la recherche de la vérité pour comprendre ta création et ta volonté.
Le serment de foi, pour le propager où que j'aille, et non seulement travailler pour notre perfection au sein de l'Ordre, mais pour le salut de chaque âme.
Le serment de miséricorde, pour ouvrir mon cœur aux nécessiteux et aux chercheurs, pour accomplir la grâce du Seigneur.
Le serment d'humilité et la promesse d'être modeste et rigoureux avec moi-même, en rejetant tout égoïsme et avidité.
Le serment de chasteté, car mon corps n'appartient qu'à Dieu et à l'Ordre.
Le serment de paix, car mon arme ne sera pas l'épée, mais la parole.

Que Dieu m'aide ainsi.

_________________

[clovis.alistaire]

Sans un mot, Clovis s'agenouille à nouveau et prend la grâce du moment. Pénitent comme à son habitude, il vient réciter après l'invite du Cardinal.

Dieu tout-puissant, Père de l'humanité, moi, Clovis Ercole Barbarigo, bien que indigne d'être en ta présence, comptant sur ton amour infini pour tes enfants, avec le seul désir de te servir, déclare devant les prophètes et les saints les serments suivants :

Le serment d'obéissance envers Sa Sainteté, le Pape, et la hiérarchie de notre Ordre.
Le serment de connaissance, à la recherche de la vérité pour comprendre ta création et ta volonté.
Le serment de foi, pour le propager où que j'aille, et non seulement travailler pour notre perfection au sein de l'Ordre, mais pour le salut de chaque âme.
Le serment de miséricorde, pour ouvrir mon cœur aux nécessiteux et aux chercheurs, pour accomplir la grâce du Seigneur.
Le serment d'humilité et la promesse d'être modeste et rigoureux avec moi-même, en rejetant tout égoïsme et avidité.
Le serment de chasteté, car mon corps n'appartient qu'à Dieu et à l'Ordre.
Le serment de paix, car mon arme ne sera pas l'épée, mais la parole.

Que Dieu m'aide ainsi.

Là, toute la force de son serment semblait transparaitre. La force d'une voie qui allait le mener jusqu'à une fraternité éternelle, dans le sens des enseignements de Christos et pour Sa gloire.

[Kalixtus]

Parfait pour le moment. Bienvenue chez les jésuites. Si ce n'est pas un nouveau jalon dans ta biographie.

Je t'inscris tout de suite.

_________________

[clovis.alistaire]

Il faisait parti désormais des jésuites, il en était conscient et il mesurait toute la portée de son serment.

Mon frère, montrez-moi ce qu'il y à faire, de quoi notre ordre a besoin ? Mon coeur et mon âme se dévoue entièrement.