L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church

[Aerwan]

Son père lui avait parlé d'un homme qui savait beaucoup de choses. Plus que lui. Le blond se demandait justement qui cela pouvait être. Il avait vécu pendant un moment au monastère. La vie avait été simple en quelque sorte. Il avait appris ces leçons, prié, travaillé avec les moines. Le père abbé du monastère avait été exigeant avec le jeune homme. Il ne laissait rien passer. Aerwan était assez redevable au vieil homme de lui avoir enseigné la lecture, l'écriture ainsi que le calcul.

Lorsque Aerwan avait dit à l'abbé ce que souhaitait son père pour lui le vieil homme avait sourit en disant qu'il trouvait auprès du cardinal le meilleur enseignement possible. Il était bien rare de trouver des hommes aussi érudit dans le monde connu. Nombreux étaient les personnes parlant à tort et à travers sans avoir la connaissance.

Il lui conseilla également d'appliquer une chose. Lorsqu'il ne savait pas quelque chose, il devait se taire. Et ne pas répondre sans savoir. Il devait toujours garder à l'esprit d'être modéré et de travailler dure.

C'est ainsi qu'Aerwan rendit visite au palais du cardinal. Il n'était pas bien rassuré d'y aller seul. L'abbé lui avait confié un cheval ainsi qu'un peu d'écus, de nourriture pour y aller.

Le blond avait donc fait un peu de chemin en empruntant les anciennes routes romaines pour arriver à Rome. Ce n'était pas vraiment l'ambiance tranquille d'une petite ville de campagne. C'était bouillonnant. Les rues étaient bondées. Le jeune homme ne savait plus trop où donner de la tête. Voyant un milicien, il demanda où se trouvait le palais du cardinal. Celui-ci lui répondit assez vite. Prenant le chemin indiqué, il arriva à bon port sans encombre. Ce qui en soit était une chance pour lui. Combien de jeune gens avaient eu des problèmes en route.

Le jeune homme se présenta à l'entrée. Il ne savait pas trop comment il serait accueilli. Peut-être que le Cardinal avait énormément de travail et qu'il ne pourrait pas le recevoir lui un jeune homme venant de Bretagne.

[Kalixtus]

Rome Caput Mundi
Augustus 1472

Le cardinal était assis sur un fauteuil haut, d’un blanc immaculé, orné de sculptures gracieuses et exubérantes. Au milieu de son parc, sous le dais d’une coupole formée de lianes de fer entrelacées avec art. Les colonnes corinthiennes en marbre blanc correspondaient à la dalle du sol, qui, suivant un motif complexe, formait une mosaïque d’or et de blanc représentant les rayons du soleil, convergeant vers le centre ou émanant de celui-ci. Au centre de ce pavillon se trouvait une table en marbre assortie et deux autres fauteuils.

En arrière-plan du cardinal se trouvait l’étendue aquatique de son domaine extérieur, où son parc se fondait dans la piscine, dont le bord extrême était orné du temple antique d’Apollon. Ce temple, faisant partie intégrante de sa propriété, était adjacent à ses galeries dans l’ancienne partie, le vieux Palazzo, qu’il avait transformé en musée d’art antique. Une collection d’art destinée principalement aux regards privés. Beauté gravée dans la pierre, entourée de beauté immortalisée sur toile. Le cardinal avait rassemblé ses pièces maîtresses ici à Rome, bien que son école d’art soit basée à Florence. Dans sa villa là-bas, il soutenait des artistes renommés en tant que mécène et favorisait leur talent.

Tandis que l’eau murmurait doucement en arrière-plan, le cardinal regardait la façade arrière de son Palazzo, d’où il était venu pour se retirer dans cette partie intime, isolée et privée de sa propriété.

L’arrivée d’un pupille lui avait été annoncée par courrier.

Sur l’herbe devant le pavillon était allongé son lion blanc. Un cadeau de l’impératrice Adaliena. Le collier en or incrusté de saphirs étincelants avait dû être agrandi par le cardinal, car le petit lionceau était maintenant devenu adulte.

Le parfum des roses lourdes et d’autres plantes odorantes imprégnait le parc. Ses orangers et citronniers sur les murs entourant toute la propriété devraient bientôt être transférés dans l’orangerie. Les hivers étaient doux, mais trop frais pour ses petits trésors.

Le lourd portail extérieur se refermerait derrière Aerwan, et ils traverseraient la grande cour avec sa fontaine centrale et ses parterres soigneusement arrangés, jusqu’à ce que le gravier les conduise à la porte principale du Palazzo.

Ici, le majordome les accueillerait lui-même et les mènerait inévitablement à lui, le cardinal, dans le parc. Pour cela, ils traverseraient l’entrée du Palazzo avec ses hauts plafonds de marbre blanc et d’or. Décorée de fresques richement ornées représentant des scènes du Livre des Vertus. Passant devant des statues de dignitaires ecclésiastiques et de personnalités historiques, devant le grand salon avec ses meubles et installations de bon goût, à travers les grands portails menant inévitablement à la vaste terrasse et au parc. Des parterres, des jardins à la méditerranéenne, des retraites entourées de haies discrètes et de rosiers étaient à découvrir partout : Une grande pelouse menant de la terrasse à l’étendue aquatique, offrant inévitablement beaucoup d’espace, le majestueux temple en arrière-plan et les nombreuses tours et coupoles des églises environnantes, dont une était la basilique du domaine, et là – le pavillon.

Un cardinal vêtu de blanc, essayant de rivaliser avec la neige de ses cheveux blancs et incarnant une apparence presque sacrée. Ses yeux bleus glacials regardaient dignement son domaine, enivré par la beauté, l’harmonie, le chant des oiseaux et le parfum d’un jardin accompli et d’un coûteux parfum d’oud, de santal et d’encens. Le contraste des parfums lourds avec l’élévation sacrée de l’homme, paré uniquement d’une bague en rubis et d’une pectorale dorée et finement travaillée, s’imposait inévitablement au spectateur.

_________________

[Aerwan]

Un majordome vint accueillir sans trop tarder le jeune homme. Ainsi, le cardinal avait dû recevoir le courrier du père abbé de Saint-Gildas-de-Rhuys. Le jeune homme n'aurait jamais imaginé être accueilli ainsi. Lui un simple jeune homme venu de Bretagne ayant étudié dans une abbaye. Certes, sa famille était une illustre famille Aristotélicienne qui avait compté en ces rangs quelques personnages ayant façonné l'histoire de l'Empire. Aerwan n'en parlait pas trop à vrai dire préférant en quelque sorte la discrétion.

Le Majordome lui demanda de le suivre. Le jeune homme s'exécuta suivant l'homme silencieusement. Ses yeux ne pouvaient s'empêcher de regarder la beauté du lieu. Tant de beauté dans un endroit. Le blond n'avait jamais vu de telles choses. Pas même dans le palais de son père. Décidément, Kalixtus devait être un grand homme.

Les deux protagonistes de l'histoire traversaient le Palazzo construction en marbre blanc. La marque de fabrique des palais de Rome centre du pouvoir. Les nombreuses décorations sûrement réalisées par d'illustres artistes donnaient l'envie de rester des heures à contempler ces fresques. Tout le livre des vertus y étaient racontés. Les bons moments comme les mauvais moments permettant aux fidèles de pouvoir comprendre le livre saint sans savoir ni lire et écrire. C'était ainsi que Rome diffusait la foi au plus grand nombre à travers l'art et la représentation symbolique du livre.

Le pupille passa devant quelques statuts d'hommes illustres, dont celles de quelque cardinaux désormais disparu.

Le cheminement continuait en passant par d'autres espaces toujours plus magnifiques comme le salon ou encore par le parc. Tout avait été réalisé avec goût et volonté de montrer qu'il s'agissait d'un lieu accueillant pour les visiteurs qui venaient voir le Cardinal.

Aerwan arriva finalement en vue du pavillon où se tenait le cardinal. Celui était vêtu de blanc afin de sûrement de mettre en avant sa chevelure blanche. La blancheur des cheveux était souvent le trait de la sagesse. Il était clair pour le jeune homme que c'était bien ce qui caractérisait l'homme.

Un lion se trouvait également assis devant lui sur l'herbe. Aerwan ne s'attendait pas à cela et ne savait pas vraiment comment réagir. La sagesse de l'abbé résonna en lui. Il se rappela que dans les moments de doutes, il devait rester calme et prier le Seigneur pour qu'il lui donne la force de passer ce moment de doute. Intérieurement, Aerwan fit cela.

Poliment, il se présenta au cardinal.

Votre Éminence... Je suis Aerwan de Mortelane.

Le jeune homme n'ajoutant rien se demandant ce que le sage-homme allait lui répondre. Tout le monde disait du bien de lui, mais Aerwan ne l'avait jamais rencontré avant.

Le lion ne semblait pas bouger pour autant sûrement habitué à rester ici sagement lorsque son maître recevait du monde. Peut-être qu'un lion évitait également que des individus mal intentionné puissent s'en prendre au cardinal. Le lion devait faire de l'effet sur les plus belliqueux.

[Kalixtus]

Kalixtus suivit le regard du jeune homme, fixé sur Anasari, et un sourire traversa le visage de l'homme qui, malgré son âge, possédait un visage presque sans rides, laissant l'impression d'une personne intemporelle.

Ses yeux bleus glacés regardaient avec vigilance et curiosité jusqu'au fond de l'âme du jeune homme, explorant ses recoins sombres et lumineux.

« Voici Anasari, mon lion blanc. Il m'a été offert par l'impératrice Adaliena. Lorsqu'elle me l'a donné, c'était un petit bébé. Maintenant, il est déjà adulte. Le temps passe si vite. »

Il indiqua d'un geste invitant l'une des places confortables et lui versa un peu d'eau de source – quelques tranches de citron et d'orange aromatiseraient et rafraîchiraient agréablement l'eau.

Puis, il désigna les bols de fruits et de pâtisseries sucrées comme salées. « Sers-toi. »

Pour sa part, il préféra une gorgée du calice de cristal avant de porter une cerise à sa bouche et de sourire doucement, presque de manière sacrée.

« Ton nom appartient à une grande famille, liée à des souvenirs heureux et tristes. Comme ceux de ton grand-père Amenediel. Nous nous aimions beaucoup, sa mort est encore un deuil pour moi. Ton père aussi demeure dans un souvenir bienveillant, j'ai entendu parler de ses complications privées, notamment avec les femmes. Cyprien et moi avons partagé de nombreux moments et pensées intenses par le passé.

Je me demande si tu seras à la hauteur, Aerwan. Possèdes-tu l'esprit de ton grand-père et la force de ton père?

Quel potentiel sommeille en toi? Quels rêves et pensées? Quelles visions réaliseras-tu, toi, diamant brut?

On dit que tous les chemins mènent à Rome et que la plupart des chemins romains mènent à moi, et te voilà ici. Je ressens tes attentes, ton impatience, comme le crépitement d'un canard frit dans l'huile chaude.

Je reconnais un grand désir et une passion pour plonger dans les profondeurs du savoir et toucher ce que j'appelle la transcendance. L'élément divin de la connexion qui nous conduit à la véritable connaissance et nous dépouille de l'illusion à laquelle nous nous livrons trop souvent et trop volontiers.

La sagesse et la connaissance sont des épées puissantes qui nous déçoivent – car elles mettent fin à l'illusion dans laquelle nous vivions jusque-là. Es-tu prêt pour ce voyage universel qui te transformera jusqu'au plus profond de toi-même? »

_________________

[Aerwan]

Kalixtus l'observait comme s'il voulait le sonder. Le blond se demanda même un instant si Dieu n'avait pas donné au cardinal l'opportunité de lire dans l'âme des autres.

Il finit par prendre la parole donnant le nom de son lion blanc. Ainsi, une ancienne impératrice lui avait offert. Il devait être très sage pour être aussi proche d'une Impératrice. Aerwan acquiesça simplement alors que le cardinal donnait plus de précision concernant le lion.

L'immaculée comme on aurait pu l'appeler peut être lui désignait alors de quoi manger. Aerwan s'exécuta tout en le remerciant pour cela. Il n'ouvrait pas vraiment la bouche pour parler un petit peu intimidé par l'homme en face de lui.

Il prit la parole évoquant sa famille avec bienveillance ce qui rassura le jeune homme. Voilà que Kalixtus lui posait plusieurs questions. Aerwan voulait faire forte impression à l'homme devant lui. Rassemblant tout ce qu'il avait reçu comme éducation, il répondit.

Je sais que je suis qu'un jeune homme qui doit encore étudier des années avant de devenir quelqu'un d'aussi sage que vous. Si vous voulez dire que je suis capable de persévérance alors oui, je suis celui-ci. Je souhaite devenir un religieux sage et investi pour sa communauté. Je sais bien que le chemin ne sera pas aisé... Il y aura sûrement quelques passages compliqués dans mon futur chemin.

J'aspire si Dieu le souhaite, devenir évêque dans un futur plus lointain pour guider les fidèles sur le bon chemin. Pour le moment en Bretagne, il y a semble t'il un manque d'officiant pour certaines églises ce qui me fait penser que cela peut être un bon début de répondre à une demande d'officiant lorsque je serais formé.

J'espère être prêt pour que vous soyez mon professeur. Enfin, pour le moment, je n'ai pas fait ma confirmation de baptême. La professeur Garsande a indiqué qu'il fallait être confirmé comme baptisé pour pouvoir étudier.

Le blond ne savait pas vraiment ce qu'allait répondre l'immaculée à vrai dire. Comment savoir s'il avait bien répondu ? Nous le saurons très prochainement. Kalixtus n'était certainement pas un homme comme les autres. Il savait voir ce que peu de monde voyait dans un homme.

[Kalixtus]

Kalixtus a souri. C'est vrai, il est important d'ouvrir notre esprit à la sagesse que Dieu nous révèle de multiples façons. Pas seulement dans la théologie, mais dans toutes les choses de la vie et de la science.

Ce que l'université peut enseigner le plus efficacement, et ce que je peux aussi enseigner le plus efficacement, c'est la capacité à être vigilant et curieux.

Si on l'est, on ne cessera jamais d'apprendre et on en saura donc toujours plus, et on fera des découvertes qui dépasseront de loin les dispositions des autres. On apprendra une sagesse qui nous fera dériver vers de nouvelles sphères, comme la métaphysique, et on verra soi-même, Dieu, le monde et soi-même sous un nouveau jour, différent, meilleur et probablement plus efficace.

Il s'agit d'un voyage sans retour. Celui qui a goûté une fois au fruit de la sagesse ne retombera plus jamais dans un état d'ignorance, d'inexpérience et d'inculture.

D'une certaine manière, on perd son innocence.

_________________

[Aerwan]

Oui, je pense être encore ce qu'on appelle une pierre qui n'a pas encore été sculptée par le savoir. Je suis vierge du savoir liturgique pouvant être appris à Rome.

Je suivrais vos enseignements afin de pouvoir acquérir la connaissance par la patience et le travail.

Je voudrais savoir si vous seriez d'accord pour être celui qui organise ma confirmation baptême éventuellement à Rome ? J'imagine que ce serait le meilleur endroit pour être au plus proche de cette atmosphère divine qui s'échappe de cette ville.

Peut-être pourrais-je vous aider en quelque chose en attendant d'être formé par vous. Si vous avez des travaux à faire, je peux vous aider.

Le jeune homme espérait vraiment qu'il accepterait. Certes il avait déjà été baptisé mais il n'avait pas encore vraiment eu de confirmation de celui-ci.

Aerwan appréciait le Cardinal. Malgré toutes les occupations qu'il pouvait avoir, celui-ci avait pris soin de se libérer pour converser avec lui. Humble jeune homme ayant fait ces études chez les moines. Il n'était rien pour le moment, mais il avait soif de savoir. Son avenir était celui de l'étude, de la mesure et du pardon.

Le blond espérait pouvoir apporter son aide autour de lui.