L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church

[Onael d'Appérault]

Un cavalier arriva dans les plaines de Ferrare avant laudes, un froid matin d'hiver. Il passa les portes de la Cour de la forteresse au galop pour mettre pied à terre et se présenter au personnel, un cartouche de cuir à la main.
Le cartouche fut porté au maitre des lieux, alors que le messager remontait sur son destrier pour repartir aussi vite qu'il était venu.

Quand le cartouche serait ouvert, un rouleau de parchemin serait sorti. Il était scellé par deux lions et une épée et renfermait le message suivant:

[UterPendragon]

Dans l'esprit d'un vieillard, souvent deux opposés coexistent : d'une part, on trouve accumulés les souvenirs d'un passé depuis lointain révolu, et d'autre part, pointent çà et là quelques caprices qui, en réalité, relèvent bien plus de l'innocence infantile que de la sagesse attendue. Par chance, les caprices de l'antique von Frayner étaient faciles à satisfaire : il aimait - en dépit des protestations vigoureuses de son médecin - à errer dans la campagne de Ferrare, tantôt seul, tantôt accompagné d'un ou deux novices avec lesquels il dissertait de théologie. Ou, tantôt, il lui prenait une folle envie de gelée de groseilles, qui lui rappelait son enfance lorraine. Rien, somme toute, que ne pût s'offrir un cardinal. Revenant d'une de ces fameuses errances solitaires, le vieillard vit passer non loin de lui un cavalier qui semblait pressé, et qu'il supposa apporter les récentes nouvelles de Rome.

Hâtant le pas autant qu'il le pouvait - Festina Lente, répétait à l'envi le regretté Hardouin - il regagna la ville et l'immense palais de Ferrare, qu'il trouvait au demeurant un brin démesuré. Toutes ces salles vides lui faisaient pressentir une dimension métaphysique à laquelle il se sentait modérément près à accéder, c'est pourquoi il avait fait disposer à quelques endroits stratégiques des bustes représentant ceux qui lui étaient chers, et qui désormais veillaient sans doute sur lui depuis les hauteurs solaires. Il lui arrivait ainsi parfois d'entrer en conversation avec Moile de Suzémont. Ce jour, il croisa le chemin, pour se rendre à son bureau, d'Elmoron, qu'il salua d'un :

Ah, mon cher Père. Quel froid, pour un mois de février, n'est-il pas ?

Il poursuivit sa route, un sourire aux lèvres, sans attendre vraiment de réponse du buste de marbre. Arrivé à son bureau, il remarqua, au milieu des nombreux plis qui lui étaient destinés, un dont le sceau lui était familier. Il le décacheta, de ses doigts à la peau de parchemin, et le lut avec curiosité. Une lueur brilla dans son regard, qui pouvait être un peu d'espoir et un peu d'excitation, sans doute : aider une âme qui parfois se perdait un peu à revenir dans le chemin de la Vertu était la raison même de son magistère. Il prit la plume, et gratta le velin.