L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church

[Funeral]

Revenir à Rome n'était guère un plaisir.
Si lourde et majestueuse que soit la marche en avant de l'Église, si prudent et avisé que puisse être son progrès, cela n'en traduisait pas moins une douloureuse nécessité, un fardeau pesant. La ville éternelle était comme l'œil du cyclone d'un monde corruptible en perpétuel mouvement, figée par elle-même, mais secouée ad nauseam par les oscillations capricieuses des siècles éphémères.
Toute cette agitation s'était révélée bien trop pénible par le passé, trop déstabilisantes pour un esprit avide de vérités simples, de pensées absolues et de paroles éternelles.

Autant que faire se pouvait, Funeral évitait le contact avec ses semblables. Pas au point de vivre en ermite, ça non, mais toujours de manière à ne pas se disperser en de trop futiles réflexions. Un certain temps s'était écoulé depuis la dernière fois qu'il était venu ici, pourtant notre homme encore jeune n'en éprouvait nulle émotion particulière. Se garder des défauts de perspective est la propédeutique nécessaire à toute élévation de l'esprit, et ce qui paraît à l'homme comme étant éloigné dans le temps n'apparaît à Dieu que comme principe transversal, un et unique comme la ligne transcende l'effort laborieux de celui qui la trace.

Disons-le tout net : c'était par devoir qu'il avait entamé ce voyage, car rien ne l'enthousiasmait dans tout cela, notamment pas le fait de revoir le vieux grec, Odoacre, ancien abbé de Corinthe, auquel il devait d'avoir vécu il y a quelques temps le plus désagréable épisode de sa courte vie.
Mais Funeral n'était pas du genre à opposer ses atermoiements émotionnels au sentiment du devoir.

N'ayant aucun impératif, il avait voyagé lentement, et faisait route depuis le sud de la France depuis trois mois déjà.
Le jeune garçon ne prit au demeurant pas la peine de pénétrer vraiment dans Rome, et fraya simplement son chemin dans les faubourgs à la recherche d'une certaine habitation, qui se trouvait être une résidence officieuse d'Odoacre de Corinthe.

Funeral s'arrêta dans l'auberge la plus proche afin d'y déposer ses quelques affaires. Il était tard, et le jeune homme décida de remettre au lendemain sa visite. Il n'était pas pressé.
Il employa une part des quelques pièces qui lui restaient à embaucher le plus jeune fils de l'homme qui tenait l'établissement afin qu'il aille dès l'aube du lendemain porter un billet à l'actuel primat de France. Sur le parchemin sale était griffonné un petit mot, stipulant que lui, Funeral, ancien archidiacre de Rodez, attendrait Odoacre de Corinthe, archévêque de Rouen en sa résidence secondaire située dans les faubourgs de Rome, à la tombée de la nuit. Le gamin avait pour consigne de chercher au cœur de la ville elle-même, jusqu'en place d'Aristote s'il le fallait, où le vieux grec avait ses habitudes.

Le lendemain, au crépuscule, Funeral était au rendez-vous.

[Odoacre]

Avec étonnement le vieux Grec avait pris connaissance du billet. Une taloche gratuite au gamin en guise de paiement, il avait brûlé le billet, non pas que son contenu était secret mais le parchemin était sale et il avait déjà répondu à une requête de la connétable de France. Certes il eut pu utiliser le dos dudit billet pour répondre à quelqu'haut noble qui ne manquerait pas de lui réclamer une chapelle privilégiée mais généralement il se plaisait à attendre la troisième missive de relance avant que d'accord un intérêt à ces gens qu'il détestait.

Le Primat ne comptait pas arriver à l'heure. Un paysan avait livré un couple de perdrix et il était bien décidé à les rogner jusqu'à l'os avant que de se déplacer.

Au crépuscule, l'archevêque finissait le pichet de vin qui accompagnait la viande. Il s'essuya les mains pleines de graisse sur les pans de sa bure noire et entreprit de descendre les escaliers de sa tour.

Arrivé au rez de chaussée, il ouvrit un grand coffre de bois, sortit et arma une arbalète, glissant trois carreaux à la corde qui lui tenait lieu de ceinture.

Puis, décrochant une torche, il descendit les escaliers qui menaient au sous-sols. Le plus profond conduisait à une galerie qui elle-même, après plusieurs centaines de mètres, débouchait sur les caves d'une bicoque misérable sise dans les faux bourgs. Arrivé dans l'unique pièce grossièrement aménagée, il accrocha la torche, tint fermement son arbalète et ouvrit d'un coup de pied brutal la porte donnant sur l'extérieur avec un tonitruant

Quo vadis !!!
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Primat de France, Archevêque de Rouen et Inquisiteur de la Foi
Odoacre est sur Twitter !

[Funeral]

Funeral attendait patiemment depuis un temps qu'il avait d'emblée refusé de mesurer. La nécessité d'attendre imposée aux êtres humains lui semblait devoir être une forme de flagellation qu'il convenait de subir avec humilité. Nulle impatience ne se faisait donc sentir et, même si le jeune homme commençait à douter que le vieux grec se présente jamais, nul agacement ne venait troubler son état d'esprit.

Ce fut donc dans le mol oreiller d'un engourdissement spirituel librement consenti par l'épreuve de l'attente pénitente que vint s'amortir la sortie tonitruante de l'archevêque. Funeral n'esquissa pas le moindre mouvement de réaction, et observa son vis-à-vis sans plus de trouble qu'un simple air de surprise animant son regard.
Ayant identifié, résolument plus à l'aide de l'ouïe que de la vue, l'homme qui lui faisait face comme étant bien celui qu'il était venu rencontré, il se rasséréna, et ses yeux noirs se teintèrent à nouveau de la neutralité terne qui les animaient en temps normal.
La situation n'en restait pas moins étonnante, mais il convenait à présent de traiter le problème de manière rationnelle, et de le dissiper de manière méthodique, ce en vue de quoi Funeral prit la parole d'une voix calme et monotone.

Bonsoir.

Dois-je conclure de l'inquiétude palpable qui transparaît de votre attitude que j'aie pu omettre d'apposer mon nom au bas du message que je vous ai fait parvenir ?

Funeral sentit un frisson lui parcourir la moelle épinière à l'énoncé de cette idée, et refoula du tac au tac la pointe d'agacement que menaçait de faire jaillir en lui un tel manque.

[Odoacre]

Du tac-au-tac, comme l'on tançait un jeune écervelé qui ne savait pas tenir sa langue, ou la tourner suffisamment dans sa bouche avant de s'en servir

Ne dites pas n'importe quoi Funeral, vous voyez bien que je rentre de la chasse !

Et l'archevêque de s'effacer sans plus de cérémonie pour laisser entrer son ancien archidiacre.

Une fois la porte fermée, il désigna un tabouret, prit l'unique chaise et remplit deux bols en argile d'un vin épais d'une cruche de taille moyenne.

Eh bien mon fils, vous avez enfin décidé de quitter Thouzon pour venir respirer les miasmes du Latium ?
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Primat de France, Archevêque de Rouen et Inquisiteur de la Foi
Odoacre est sur Twitter !

[Funeral]

Le jeune homme réprima avec peine un profond soupir.
A l'évidence le statut de primat conféré au corinthien ne lui avait pas fait passer sa tendance à prendre les gens pour des imbéciles.
Fort peu satisfait de la réponse qui lui avait été faite, mais résolu à ne point s'engager en des discussions que l'ineptie rendait indigne du langage, il prit sur lui de ne rien laisser paraître, et se plia à l'injonction tacite du vieil homme en s'asseyant sur le tabouret qui lui était désigné.

Il accepta le bol de vin de mauvais gré et le porta à sa bouche pour s'humecter les lèvres, n'ayant guère l'intention de boire ce liquide dont la consommation, dangereuse, ne lui semblait pas nécessaire considérant qu'il pouvait à loisir consommer de plus fréquentables breuvages à l'auberge où il avait pris résidence.

Ayant épuisée ce minimum d'étiquette, il en vint directement à l'objet de sa visite.

Je suis venu ici pour vous voir, car je tenais à vous parler de vive voix.

J'ai longuement réfléchi à ma brève expérience en tant que prêtre, et au sens de ce que représente cet engagement.
Il m'apparaît à présent de manière claire que tout ceci est au dessus de mes forces, et, pour surprenante que puisse encore me paraître cette conclusion, que cela n'est pas ainsi que je souhaite mener mon existence.

Or, je vous reste redevable de m'avoir ouvert cette voie, et je ne souhaite pas considérer cet honneur à la légère.

Aussi suis-je venu vous demander de me permettre de me retirer des affaires spirituelles. Je ne souhaite pas être ministre du culte, je ne souhaite pas non plus être moine.
A vrai dire je n'aspire désormais plus qu'à m'évanouir dans le plus humble anonymat d'une vie d'étude et de méditation, à laquelle tout statut religieux confèrerait une dignité que je ne saurais revendiquer.

Comprenez-bien que ma demande ne se situe pas sur le plan administratif, ce n'est pas de statut que je parle. Je ne renie rien de l'Église.
Je souhaite plus simplement que vous me déchargiez des engagements que j'ai pris envers vous, et que vous effaciez cette dette dont il me sera à jamais impossible de m'acquitter.

[Odoacre]

Le vieux Grec regarda l'homme qui avait été son vicaire, l'écouta avec attention puis chercha un moyen de ne pas lui rendre sa liberté.

Souriant

En prenant ces engagements, vous les avez en effet pris devant Dieu, et l'obligé de Dieu ne peut jamais dire "je suis libre de Dieu", cela confinerait à la rébellion démoniaque de la Créature Sans Nom voyez-vous.

Mais vous pouvez servir Dieu très anonymement mais certainement pas en méditant... la méditation sans l'action.... je frémis à cette idée, une manie de moine !

Fronçant les sourcils

Mais je puis au moins effacer non la dette qu'avez envers Dieu comme toute créature mais celle que vous avez envers ma personne propre... mais pour cela... serez-vous prêt à effectuer.... une dernière tâche ?
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Primat de France, Archevêque de Rouen et Inquisiteur de la Foi
Odoacre est sur Twitter !

[Funeral]

Funeral avait écouté la réponse du vieux grec sans sourciller.

N'ayant pas envie de s'épuiser en de stériles discussions, il n'en retint que l'essentiel.

Laquelle ?