L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church

[Cetelle]

Le vertige la prit tout à coup. Le cardinal s'était lancé dans un long discours qu'elle tentait de suivre du mieux qu'elle le pouvait. Elle s'attacha surtout à retenir des informations nouvelles. Les considérations sur la "géographie" ecclésiastique ne lui étaient pas inconnues grâce à ses longue soirées consacrées à la lecture des documents trouvés dans le bureau de sa cure, ce n'est pas pour autant qu'elle y voyait totalement clair dans toutes ces sinueux découpages territoriaux. Elle fut donc ravie de savoir qu'elle pourrait s'inscrire à l'Université Pontificale pour suivre des enseignements qui lui seront particulièrement profitables.

Le cardinal finit sa présentation par une invitation dans sa bibliothèque, elle était comblée, tant elle aimait l'étude et la lecture.


Je vous remercie pour toutes ces informations. J'aurais dû prévoir avoir de quoi prendre des notes tant vos renseignements sont touffus. Mais je ne doute pas que je pourrai approfondir et parfaire tout ce que vous me dites à à l'Université Pontificale où j'ai hâte de pouvoir côtoyer novices et professeurs.

Cételle retrouvait son allant naturel et ajouta :

Votre Eminence, je comprends tout à fait votre mise en garde concernant le sacerdoce. J'ignore de quoi mon destin est fait, mais il y a une chose dont je suis certaine au moment où je vous parle : le seul amour qui occupe mes pensées est celui que je porte au Très Haut. Un passage du Livre des Vertus m'est très cher, il se trouve dans le Livre de la Création, au chapitre VII, lorsqu'Oane dit à Dieu, " sans Toi, nous n’existerions pas. Tu nous a créés alors que rien ne t’y obligeait et nous nous devons de t’aimer pour te remercier de ce geste." Cette phrase illustre ma détermination.

Et j'accepte avec joie votre invitation ; je suis ravie de découvrir les œuvres qui occupent les meubles de votre bibliothèque.

[Adelene]

Forcément, la pauvre enfant paraissait étourdie. Cela lui rappelait ses premiers jours au monastère d'Argentat, alors qu'il n'était qu'oblat. Il était lui aussi totalement perdu.

Il lui désigna le petit chemin conduisant vers l'intérieur de la Villa. D'un salon ils traversèrent un second salon, puis une salle de réception, plusieurs couloirs encore avant d'arriver dans la bibliothèque du Cardinal. De magnifiques étagères recouvraient tous les murs, ou presque. Mais seulement quelques uns étaient pourvues de livres. La pièce paraissait dans un état de chantier non fini.

Pardonnez cette vision d'horreur. Je n'ai acquis cette villa que récemment, et je n'ai pas encore achevé tous les travaux requis. En attendant je n'ai fait venir ici que quelques ouvrages essentiels. J'espère pouvoir apporter le reste prochainement. Mais déjà...

Il s'approcha d'une étagère, caressa d'un index, horizontalement, plusieurs ouvrages, avant d'en tirer plusieurs qu'il récupéra et présenta à Cetelle.

Déjà, vous pourrez avoir un peu de lecture pour préparer ce qui suivra.

Voici un petit traité de théologie, fort synthétique, mais assez intéressant pour débuter.

Voici un ouvrage sur le don de soi dont la lecture est plaisante. Le sujet vous parlera sans doute. Ce texte, à mon sens, définit l'essence de l'engagement sacerdotal que nous évoquions à l'instant.

Je crois sans peine que vous pourrez trouver facilement un exemplaire du Droit Canon. Mais permettez-moi de vous laisser ce précis sur le clergé paroissial. Vous y retrouverez en détail ce que je n'ai fait que survoler. En le conservant avec vous, vous pourrez vous y référer en cas de besoin.

Il se retenait. Biensûr, il aurait voulu lui offrir une collection des écrits du Cardinal de Nagan, et tant d'autres encore. Mais il laisserait le temps au temps. Toutefois, s'approchant d'un coffre, il en tira un petit ouvrage relié de cuir doré. Il tendit le petit livre à son invité.

Permettez-moi de vous offrir également ce Missel. Puisse t'il vous accompagner dans vos prières.

Comme l'après midi filait, le Cardinal agita une clochette qui se trouvait dans la bibliothèque. Un serviteur apparu presque à l'instant. Le Cardinal ne lui laissa pas le temps de souffler et lui réclama un verre d'orangeade avant de se tourner vers Cetelle.

Y a t'il quelque chose qui vous ferait plaisir ?

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Primat de France
Cardinal Diacre de Saint Nicomaque de l'Esquilin
Archevêque de Paris et de Malines
Préfet Général de la Chambre Apostolique

[Cetelle]

Que de dédales ! Jamais elle n'avait vu pareille demeure. Le plus vaste bâtiment qu'elle avait arpenté jusque là était la sénéchaussée, en Bourgogne, parce qu'elle abritait l'Université du duché et surtout une bibliothèque ... Mais le lieu lui paraissait bien petit à côté des couloirs et et salles qui semblaient ne jamais avoir de fin de cette bâtisse.

Quand il arrivèrent à l'entrée de la bibliothèque, elle fut émerveillée par la hauteur des étagères. Même si elles n'étaient pas toutes pourvues, elle s'imaginait sans peine la beauté du lieu uns fois les travaux et aménagements terminés. Une véritable caverne aux trésors.

Le Cardinal lui présenta plusieurs ouvrages qu'il lui conseillait pour l'étude. Mais il n'en resta pas là, il lui offrit un Missel ! à elle, la petite paysanne ... elle demeurait sans voix. Comment aurait-elle pu imaginer qu'un prince de l'Eglise fasse preuve d'autant de générosité avec elle. Elle voyait là l'exemple parfait de l'Amitié aristotélicienne.

Elle caressait la belle reliure,, tournait délicatement les feuillets quand elle fut tirée de sa rêverie par la demande du Cardinal.

Oh ! je ne sais si je peux oser ... les arbres qui se trouvent sur la terrasse où nous discutions sont magnifiques, alors, peut-être est-il possible d'avoir un jus de leur fruit, je suis curieuse d'en connaître le goût.

Puis serrant le missel contre sa poitrine.

Je ne sais comme vous remercier, Votre Eminence, je n'ai jamais reçu un cadeau si précieux et je vous promets d'en prendre soin. Ce me sera un compagnon sur le chemin que je m'apprête à prendre.

[Adelene]

Le Cardinal n'eut aucunement besoin de traduire, le serviteur s'inclinait déjà en signe d'obéissance, et il disparut pour faire le nécessaire.

Comprendre les rouages de l'institution que représente l'Église est capital si vous songez à évoluer dans cette structure, car l'on ne peut servir correctement les fidèles qu'en connaissant avec exactitude les outils à notre disposition. Mais véritablement la connaissance du Dogme est un prérequis indispensable.

On saura vous pardonner une méprise ou une méconnaissance du fonctionnement romain, mais il sera plus compliqué de vous pardonner une erreur dogmatique. Car celle-ci, comme une trainée de poudre, peut se répondre et causer des dommages important sur ceux qui entendraient.

Je n'ai aucun doute sur le fait que vous parviendrez à apprendre tout cela.

Le serviteur revint, portant deux verres sur un plateau d'argent qu'il présenta au Cardinal. Ce dernier se chargea de servir Cetelle.

Puisse ce trésor de la nature vous rafraichir, quoi qu'il eût presque été plus à propos de se réchauffer...

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Primat de France
Cardinal Diacre de Saint Nicomaque de l'Esquilin
Archevêque de Paris et de Malines
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[Cetelle]

Cételle prit le verre au liquide doré comme les fruits qu'elle avait vus plus tôt accrochés aux arbres de la terrasse.
Elle observa le breuvage nouveau pour elle, le sentit ; il exhalait des nuances florales et fruitées à la fois. Lorsqu'elle but une gorgée, elle fut surprise par le goût acidulé, légèrement sucré mais râpeux sur la langue et dans la gorge. Cette découverte lui laissa une sensation agréable de fraîcheur. Tout en avalant de nouvelles gorgées, elle regrettait intérieurement que de tels fruits ne poussent pas chez elle, en Bourgogne.

C'est un nectar délicieux et surprenant. Pardonnez mon ignorance, c'est la première fois que je voyage si loin au sud et je suis peu familière de la végétation dans les régions ensoleillées... Comment appelle-t-on ce fruit ?

Cételle, tout en appréciant la boisson, feuilletait les livres que le Cardinal lui présentait. En dehors du Livre des Vertus dont la lecture l'accompagnait au quotidien, elle était assez ignorante des autres, même si elle avait déjà parcouru le petit traité de théologie qu'elle avait trouvé à l'Eglise de Mâcon après sa prise de charge. Elle fixa plutôt son attention sur le petit précis expliquant les arcanes du clergé paroissial. Plus précisément ce qui concernait la paroisse communale. Elle était troublée par ce qu'elle lisait.

Votre Eminence, il y a quelque chose que je ne parviens pas à comprendre. Où est ma place ? Quel est exactement mon rôle en tant que curé de Mâcon ? Je trouve tout cela confus ... in gratibus ... res parendo ... Qu'est-ce que cela veut dire ?

[Adelene]

La jeune fille semblait apprécier le jus de fruits. C'était heureux. Lui-même, alors qu'il passait le plus clair de son temps entre Paris et les Flandres, n'avait que de très rares occasion d'en goûter d'aussi bons.

Il s'agit de Citrus limon. Ce sont des bijoux de la nature, qui ont mille utilité. Mais qu'on utilise aussi en mer lorsque nos bateaux partent pour de longues expéditions, afin d'éviter aux marins qu'ils ne souffrent de scorbut. Un jour, vous verrez, ce citron permettra à nos missionnaires d'aller découvrir des terres encore méconnues. Mais...

Le Cardinal s'arrêta net. Il aurait été fort mal venu qu'il exprime son doute sérieux quant à la platitude de la Terre. Ces choses-là, il est préférable de les garder pour soi, l'Église n'étant pas très favorable au concept de rotondité.

Et bien... votre place est celle d'un curé, autrement dit d'une administratrice paroissiale. Vous êtes donc autorisée à assurer la gestion courante de l'église et de préparer les deux messes hebdomadaires, entre autres services. Cette fonction ne vous permet pas en revanche d'assurer les missions sacerdotales qui sont réservées aux prêtres, ou aux diacres, comme l'organisation d'une messe ou d'un sacrement.

Une idée lui vient.

Mais que diriez-vous de m'accompagner quelques temps ? J'ai quelques voyages prévus prochainement, vous pourriez en profiter pour voir du monde, et apprendre par l'exemple.

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Primat de France
Cardinal Diacre de Saint Nicomaque de l'Esquilin
Archevêque de Paris et de Malines
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[Cetelle]

Là, les choses se compliquaient pour la jeune fille. Le monde qu'elle découvrait n'était pas celui que lui dépeignait son père lorsqu'ils vivaient tous les deux à la ferme. Jusqu'à la mort de ce dernier, elle n'avait jamais dépassé la frontière de la forêt dont les sentiers menaient à la grand route.
A l'énoncé des règles expliquées par le Primat, elle comprenait qu'elle s'était fourvoyée. Que faire ? Elle craignait les foudres de l'Eglise si on apprenait qu'elle avait outrepassé les droits de sa charge. Et elle ne voulait pas non plus briser le charme de l'instant ni décevoir cet homme d'église pour lequel elle nourrissait respect et admiration.

Il n'était pas encore temps de soulager sa conscience, mais elle savait qu'elle aurait à le faire... et le plus tôt serait le mieux.

Je vous remercie pour cet éclaircissement ... Je sais maintenant où se trouve ma place et ce que je dois faire.

Cételle retrouva son enthousiasme naturel en entendant l'invitation du Cardinal.

Ce serait un honneur de vous accompagner en voyage. Où allons-nous ? Et ... emporterez-vous dans vos bagages quelques citrus ... heu ... comment dites-vous déjà ... citrus ... melon ?

Ce voyage serait peut-être l'occasion de trouver le moment de confesser ses erreurs.

[Adelene]

L'enthousiasme de la jeune fille faisait plaisir au Cardinal. Elle semblait désireuse de tant de choses, et prête à l'aventure aussi. Il se réjouissait à l'idée de pouvoir présenter cette jeune recrue, si tant est qu'elle en fût une, à Soeur Melo.

Si vous n'avez pas peur des grandes eaux qui tombent du ciel, alors nous partons en Normandie. C'est fort loin d'ici, j'en conviens, mais voila que j'ai passé suffisamment de temps ici. Je me dois de retourner aux affaires.

Il aimait tant le calme de Catena, mais en secret il ne supportait pas d'y rester plus de trois jours. Il lui fallait du bruit rapidement, de l'agitation, des gens qui courent, des bêtes qui hurlent, lancées à plein galop sur les routes pavées... Il lui fallait les fumées des échoppes et les beuglements des vendeurs des marchés, les odeurs âcres de la sueurs des ouvriers manutentionnaires, et les odeurs pestilentielles des charretiers. Il lui fallait tout ça et plus encore, les commerces de bouche où secrètement il pouvait s'offrir quelques plaisirs coupables, les tavernes où dans des coins obscurs il pouvait passer presque anonymement des heures à observer le spectacle de la vie en se sentant, le temps d'une bière, un homme comme tous les autres... Voila tout ce qui lui manquait.

Nous dinerons vers six heures, pour aller à la prière à sept heures. Puis vous pourrez vous reposer et nous prendrons la route demain à destination de Paris. De là nous prendrons le temps de nous remettre en état avant de poursuivre vers la Normandie. Cela vous convient-il ?

Il observa le soleil par la fenêtre, avant de conclure.

Il est à peine quatre heures... Cela vous laisse deux bonnes heures pour vous promener et profiter du parc. Il regorge de quelques merveilles.

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Primat de France
Cardinal Diacre de Saint Nicomaque de l'Esquilin
Archevêque de Paris et de Malines
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[Cetelle]

Un voyage en Normandie… Décidément, cette visite au Primat réservait de belles surprises. Cételle qui n’avait jamais voyagé jusqu’à ses dix huit ans, venait en quelques semaines de parcourir des lieues : du Limousin à la Bourgogne, puis jusqu’en Italie, à Rome ; et maintenant, le duché normand … Elle se peinçait pour s’assurer qu’elle n’était pas en plein songe.

Le programme est parfait, Votre Eminence. Je me tiendrai prête aux aurores pour le départ. Cependant, si vous me le permettez, je ferai une halte pour régler une affaire personnelle. Je vous rejoindrai à Paris. Il vous suffira de me dire où vous retrouver. Vous pouvez compter sur ma ponctualité, je serai au départ en temps et en heure.

Cételle regarda le parc qui s’étendait sous les doux rayons du soleil. Cette douceur hivernal l’apaisait et elle se rangea à l’invitation du Cardinal de se promener dans ses allées.

Vous avez raison, je vais profiter de la douceur de l’après midi pour flâner un peu et profiter de ce lieu merveilleux. Je vous laisse et vous retrouverai pour le dîner.