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L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church Forum RP de l'Eglise Aristotelicienne du jeu en ligne RR Forum RP for the Aristotelic Church of the RK online game 
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Cyphus

Inscrit le: 15 Fév 2009 Messages: 451 Localisation: © « Saint Paul », Etienne Parrocel, XVIIe
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Posté le: Lun Avr 21, 2025 12:40 pm Sujet du message: |
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Il est bien difficile de pénétrer l'esprit de Cyphus qui semble s'égarer pendant la réflexion de Laodin. Comme une imperceptible sensation de flottement. Heureusement, le regard de l'Archidiacre s'aiguise à nouveau en entendant l'Evêque l'interroger.
—Je pourrais vous donner des noms, les mariés ne sont pas en cause et je leur souhaite beaucoup de bonheur. Ce sont des nobles poitevins que j'ai mariés dans notre Cathédrale de Poitiers. Mais une des témoins était notre Primat. En plus de l'intimidation d'officier en présence de la tête de l'Eglise de France, vous ne méconnaissez probablement pas quelques frictions entre Monseigneur Daidara et mon supérieur Monseigneur Neirïn, cela ne m'a pas mis à l'aise. C'était dans ce contexte-là que je fus tiraillé en plein office d'une part entre mon habitude de vouloir faire des célébrations brèves et impactantes et l'avertissement de mon évêque de vouloir faire une autre cérémonie après le mariage ; et d'autre part le retard du fiancé, de son témoin et l'encouragement du Primat à patienter.
« Ce n'est pas la première fois que je suis perturbé entre ma conviction qu'une messe doit marquer le temps et donc ne pas s'éterniser et la charitable patience que je dois accorder aux fidèles. _________________
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Laodin

Inscrit le: 26 Mai 2017 Messages: 1310 Localisation: Entre fantaisie et rigueur
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Posté le: Lun Avr 21, 2025 8:35 pm Sujet du message: |
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-----A quoi Laodin s'était-il attendu au moment de recevoir Cyphus en confession : des révélations surprenantes ? des secrets inavouables sur son passé ? Un peu de tout cela sans doute, car il avait plus l'habitude de recevoir des confessions lourdes que de simples doutes, entretenus sans avoir réellement commis de faute. Ce que lui disait Cyphus était donc à la fois beaucoup plus ordinaire, et remarquable ; remarquable, parce que sa vie était si bien ordonnée qu'il n'avait rien de plus pesant à avouer, ayant depuis le début appris à suivre la voie du Bien. Là où des maisons entières avaient brûlé, dévorées par les flammes du péché chez d'autres, Cyphus montrait du doigt un simple tas de bois, produisant une douce chaleur à l'arrière de sa cour. Laodin n'était pas du tout étonné, finalement, et ce ne serait pas aujourd'hui qu'il le verrait sous un autre angle.
-----Il eût été dommageable, cependant, de sous-estimer les besoins spirituels de Cyphus, et de le renvoyer après une courte séance sans plus creuser le sujet. Même la plus petite des erreurs pouvait grandir et prendre de l'ampleur si on ne la traitait pas comme telle, et l'archidiacre souffrait de véritables interrogations sur son devoir. En conséquence, Laodin lui accorderait tout autant d'attention qu'à un autre, et lui répondrait de son mieux pour le soulager :
------ Si je comprends bien mon Frère, vous vous reprochez ici d'avoir été impatient, et d'avoir voulu presser les choses en raison de votre mal-être. Ces conditions ne vous plaisaient pas, dans le sens où elles créaient en vous de l'angoisse. Sans doute craigniez-vous, à ce moment-là, que les mauvaises relations entre votre évêque et votre Primat vinssent à apparaître au grand public si l'office durait trop ; ce que le retard du fiancé et de son témoin avait l'air de favoriser, en accentuant ce sentiment. Par peur de voir cette belle atmosphère s'étioler, vous vouliez aller au plus vite, et n'étiez donc pas disposé à passer plus de temps que nécessaire dans ce mariage. D'un point de vue clérical vous serez resté professionnel jusqu'au bout, mais d'un point de vue humain vous étiez ailleurs, ou en tout cas pas suffisamment présent.
-----» Un mariage est un moment de grande joie, pour les mariés mais aussi pour tous les invités qui y assisteront. On y attend certes un déroulement sans accroc, mais avant tout du rêve, de la douceur de vie. Vouloir aller trop vite amoindrit ce dernier point, en réduisant le potentiel merveilleux du souvenir. Avez-vous le sentiment que les mariés aient regretté une action trop rapide, sans prendre le temps de poser les choses ? Pensez-vous que vous auriez pu faire plus pour eux ? Voilà les questions qui s'imposent, car parfois on aura tendance en tant que clerc à donner trop d'importance à ses erreurs. Si vous étiez tiraillé mais que cela n'eut aucune réelle répercussion sur la qualité et la réception du mariage, nous pourrons dire que vous n'avez rien à vous reprocher. Ce qui nous paraît visible comme le nez au milieu de la figure est pour certains invisible, car bien trop mineur par rapport au reste qui aura été parfaitement réussi ; c'est pour cela d'ailleurs que nous aimons les autres êtres humains, alors qu'ils sont frappés d'imperfection contrairement à Dieu. Personne n'était dans votre tête à ce moment-là, et ne pouvait donc comprendre ce que vous ressentiez, mais de même, cela vous protège du regard acéré des autres. L'atmosphère était à la plus pure allégresse, et si vous n'y contrastiez pas tellement que cela finit par se voir, il n'y aura eu que vous-même pour ressentir ce profond tiraillement, et cette profonde impatience. Tout est question de perception, de la même manière que vous ne saurez dire si un bol d'eau est chaud ou froid avant de l'avoir touché.
-----» Faire des célébrations brèves et impactantes est une bonne idée pour les messes, un peu moins pour les mariages. Il s'agit après tout d'une cérémonie unique, qui ne sera vécue par deux personnes comme acteurs une seule fois dans leur vie, du moins dans l'idéal aristotélicien qui nous anime tous deux. Même les retards font partie du charme associé au mariage, bien qu'ils nous mettent sur le moment dans une grande situation d'anxiété. Ainsi, Monseigneur Daidara avait raison d'encourager à la patience, qui était la seule chose raisonnable à faire. Que le marié ne se fût pas présenté, et tout le monde aurait su qu'il n'était pas prêt pour le mariage ; cela ne tenait qu'à lui, et l'officiant n'est que tributaire de la volonté des autres participants impliqués. De même, si un conflit avait dû éclater en plein cœur de l'église, il eût été de votre responsabilité d'inciter au calme, ou dans le pire des cas d'exclure les fauteurs de troubles. Je crois Monseigneur Daidara et Monseigneur Neïrin assez intelligents pour se contenir, sachant qu'ils pénaliseraient de bons et méritants fidèles. Vous n'aviez rien à craindre, car ils ne se livreraient jamais à de telles dérives à un moment aussi crucial. Ils étaient obligés de s'entendre, ou de s'ignorer faute de quoi, en participant eux aussi à la liesse collective. Monseigneur Daidara était témoin, et tenait donc personnellement au bonheur des deux promis, et quant à Monseigneur Neïrin, celui-ci ne tenait pas à donner mauvaise presse à son diocèse de Poitiers. De ce côté, vous pouviez être pleinement tranquille, rien ne serait arrivé.
-----» C'est dans ce type de cérémonie que l'on affronte le plus de risques, le plus d'imprévus, et c'est parce que vous avez la volonté de faire au mieux que vous vous êtes senti aussi mal à l'aise. Comme dans le noir, on imagine souvent que le pire se produira d'un moment à l'autre, ce qui constitue bien sûr une possibilité mais ne doit pas pour autant nous faire perdre nos moyens. Vous aviez peur d'un débordement de la part de Monseigneur Daidara et Monseigneur Neïrin, vous aviez peur que la cérémonie tombe à plat si elle n'avançait plus, vous aviez peur, en somme, que ce mariage fût raté à cause d'événements imprévus. Je n'ai aucun mal à me mettre à votre place, moi aussi je crains toujours que les choses m'échappent, et moi non plus je n'aime pas quand tout n'est pas parfait devant moi. Nous n'y pouvons hélas pas grand-chose, ce qui nous enjoint à composer avec. Nous sommes des êtres d'action, mais dans certaines circonstances des êtres seulement de réaction, et cela s'applique aux mariages, où nous dépendons presque exclusivement du sérieux des intervenants. Que vous décidiez d'aller vite ou non, cela reviendra finalement au même puisque vous n'êtes pas seul, donc il est préférable en toute circonstance de prendre le temps qu'il faut, en espérant que les autres n'en prendront pas trop.
-----» J'ai dit tout à l'heure que tout était question de perception, ce à quoi j'ajouterai que tout est question d'équilibre. Dans vos mots, il y a une opposition qui m'interpelle : celle que vous faites entre la patience que vous devez accorder aux fidèles et votre volonté à vous de ne pas vous éterniser, qui relève presque du paradoxe insoluble. Ne serait-il pas possible, cependant, d'accorder cette patience aux fidèles tout en faisant en sorte que rien ne s'éternise ? Le dicton dit qu'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, or de ce que j'ai compris, c'est bien de précipitation que vous vous accusez ici. Vous pourrez donc ralentir le rythme, sans pour autant tomber dans les travers qui vous préoccupent. Si vous adoptez la bonne vitesse dans vos cérémonies, tout vous paraîtra beaucoup plus acceptable autour de vous, à commencer par le temps de réaction des autres. Un mariage est de toute manière prévu pour faire durer le plaisir, pas le couper en plein élan. S'il y a du retard autour de vous, trouvez le moyen de le rendre plus supportable : plaisantez, meublez autant que vous le pourrez, en invitant tout le monde à faire preuve d'autant de patience. Ainsi, le temps paraîtra s'allonger beaucoup moins et vous en ressortirez détendu, ce qui vous sera bénéfique en toute occasion. Personne n'a le pouvoir d'influer sur le retard des autres, mais tout le monde a le pouvoir de le transformer en quelque chose de beaucoup plus positif.
-----» Ce qui est imparfait peut apparaître comme une tache intolérable, pourtant c'est ce qui donne toute sa beauté à la vie. En un sens, le retard d'un fiancé rend les retrouvailles avec la fiancée d'autant plus romantiques, car attendues... La patience est donc primordiale pour nous autres clercs, et combattre le temps ne revient pas à le supprimer. En conséquence, voici mes questions : avez-vous eu des mouvements d'impatience, qui se seront fait remarquer ? Êtes-vous satisfait du résultat final, et les principaux concernés aussi ? Vous sentez-vous en décalage avec la manière dont d'autres considèrent les cérémonies liturgiques ? Si ce mariage était à refaire, le referiez-vous, et en changeant quels aspects par rapport à la dernière fois ? _________________
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Cyphus

Inscrit le: 15 Fév 2009 Messages: 451 Localisation: © « Saint Paul », Etienne Parrocel, XVIIe
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Posté le: Mar Avr 22, 2025 7:43 am Sujet du message: |
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Cyphus écoute silencieusement, regardant les lèvres de l'évêque bouger dans l'ombre du confessional.
—Vous avez raison de vous préoccuper des conséquences. Je ne suis pas sûr que ce fut la seule raison mais Monseigneur Neirïn a finalement annoncé annuler la cérémonie qu'il avait prévue après la mienne. Quant aux mariés, et surtout la mariée, je pense qu'elle a été froissée lorsque j'ai envisagé de faire du mariage une simple messe pour repousser l'office à une fois suivante. En effet j'ai manqué de tact, je m'en rends compte. J'aimerais leur rendre visite après vous avoir consulté et leur présenter mes excuses selon vos conseils.
« Je dois reconnaître aussi que cet incident a affecté ma volonté. Je suis souvent prêt à de nombreux défis et je ne pense pas que je changerai durablement pour si peu ; je redeviendrai moi-même mais je me sens pour l'instant plus timoré. Peut-être que ce mariage entre deux Comtes poitevins dans une Cathédrale et face au Primat aurait dû être célébré par l'Evêque. Je ne me souviens pas lui avoir proposé de le faire, j'aurais probablement dû lui céder la place.
L'Archidiacre ajoute après une hésitation :
—Lorsque vous parliez de résoudre le paradoxe de l'attente qui ne s'éternise pas, j'ai voulu rebondir sur une stratégie que j'avais adoptée au début de la messe et que vous avez évoquée : « meubler » si je puis dire l'espace temporel laissé libre. J'ai ainsi invité ma fille cadette à chanter le Credo, sa voix de jeune soprane est fantastique. Je dois bien dire qu'à ce moment un regard agacé du Primat a précipité mes mauvaises décisions. Probablement que ce choix ne fut pas judicieux, j'aurais peut-être dû occuper différemment le temps que de laisser penser que je faisais avancer la messe trop vite ?
« Car au final oui mon impatience s'est faite remarquée et je suis convaincu que chacun des fidèles présents a trouvé la célébration plus ou moins bancale. Si ce mariage était à refaire, entre nous, je pense que j'en aurais confié l'office à Monseigneur Neirïn. _________________
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Laodin

Inscrit le: 26 Mai 2017 Messages: 1310 Localisation: Entre fantaisie et rigueur
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Posté le: Mer Avr 23, 2025 7:15 pm Sujet du message: |
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-----Si le mariage organisé par Cyphus s'était terminé d'une manière positive pour tout le monde, Laodin fut désolé d'apprendre la déception relative qu'avait été son début. Soumise à la peur d'être éconduite contre toute attente au jour de leur mariage, la comtesse poitevine avait dû être d'autant plus atteinte par l'empressement évident de Cyphus, qui avait menacé sans malice de passer à autre chose. Comme un couteau tranchant, il était essentiel de manipuler les mots avec précaution, ce dont l'archidiacre n'avait pas été capable en ayant si peur du temps long et des silences gênants. Sa gentillesse, qui s'était manifestement propagée au reste de sa famille, ne l'avait pas empêché de blesser celle à qui il avait promis le bonheur avec son mari. Cela n'avait été qu'un incident, un passage oubliable dans une cérémonie réussie, mais il était naturel de se demander ce qu'il en aurait été si ce retard avait dû durer encore plus longtemps. Jusqu'où l'erreur d'appréciation aurait-elle pu aller, et quelles conséquences cela aurait-il eu sur cette journée heureusement magique ? Des suppositions lui venaient tout de suite en tête, sans véritablement de valeur.
------ Vous vous êtes laissé submerger par la pression mon Frère, c'est tout. Il est certain que auriez pris les choses de manière plus sereine si vous aviez dû marier deux individus issus d'un milieu moins aisé, avec un public plus ordinaire si je puis dire. Peut-être qu'en effet, il eût été préférable que vous fissiez part de vos craintes auprès de Monseigneur Neïrin, qui vous aurait soit aidé soit remplacé. Si vous aviez été là en qualité d'officiant secondaire par exemple, vous auriez moins eu la sensation que tout reposait sur vos épaules, en plus d'accumuler de l'expérience pour la prochaine fois où il y aurait un mariage de cet ordre. Il est important de se faire violence pour combattre ses appréhensions et aller de l'avant, mais parfois, il est tout aussi important de reconnaître qu'on n'y arrivera pas tout seul. Deux comtes et la Primat de France pour témoin, cela faisait beaucoup pour vous, tout comme cela aurait aussi été le cas pour moi à une époque. Je pense que vous ne vous êtes pas assez écouté, en voulant honorer la confiance qui était placée en vous.
-----» Naturellement, je ne peux que vous encourager à présenter vos excuses aux mariés, si vous avez vraiment senti qu'ils étaient froissés. Cela les aidera à se réconcilier avec l'Église, en plus de vous faire du bien à tous. Ils pardonneront probablement votre hâte, si vous expliquez bien que cela est le fruit de votre anxiété et votre maladresse. A vouloir trop bien faire votre travail, vous avez fini par faire croire l'inverse, créant ainsi un malentendu entre vous et les autres. Ce mariage a été acté, vous en avez respecté les différentes étapes si je ne m'abuse, donc il sera difficile après ces excuses d'y voir de la mauvaise volonté. L'incompréhension éloigne les êtres humains entre eux, alors il faut en toute situation chercher à se faire comprendre. Nos différences personnelles ont été vues par Dieu comme un moyen de faire découvrir de nouvelles perspectives, comme dans l'apprentissage des langues qu'Il créa.
-----» Le problème qui s'imposa en invitant votre fille à réciter le Credo fut que ce temps d'attente ne fut pas meublé, mais éclipsé. Étant donné que le Credo fait partie des étapes du mariage, et nécessite par conséquent la présence du marié, le réciter maintenant ne faisait que donner l'impression d'exclure le second protagoniste des célébrations. Lui aussi avait le droit de clamer son appartenance à l'Église et à ses fondateurs, quelle que fût la durée de son retard. Bien sûr, le faire en son absence n'était pas grave en soi, car cela ne suffit aucunement à invalider un mariage, mais il était malgré tout incorrect de commencer sans lui. Vous n'étiez pas responsable de son retard, il fallait alors tenter de le rendre plus supportable à tous, et non pas prendre des dispositions pour avancer quand même. Avec la prière du pardon, le Credo est aussi un moment de communion, auquel tout le monde peut participer, or ce n'était pas encore le bon moment pour cela. D'autres solutions possibles, dans pareille situation, étaient de prendre un autre chant non prévu du missel, de raconter une histoire en lien avec la foi ou même quelque chose de beaucoup plus original, afin de détendre l'atmosphère. Tout était permis, hormis de faire avancer la cérémonie avant que les conditions nécessaires ne fussent réunies. Cela explique sans aucun doute l'agacement et le scepticisme de Monseigneur Daidara, qui y voyait là un non-respect des traditions établies.
-----» Souvent, la patience va de pair avec un esprit optimiste, et comme vous n'aviez pas l'une, vous ne pouviez avoir l'autre. Désespérant de voir le marié arriver, vous avez fini par penser qu'il ne viendrait pas du tout, et qu'il serait donc plus approprié de substituer le mariage à une simple messe. Pour la comtesse, cela ressemblait à un désaveu, ce qui la blessa. Certainement avait-elle besoin d'être rassurée à ce moment-là, d'obtenir des raisons d'espérer de votre part, mais c'est tout le contraire que vous fîtes, sans vous en rendre compte. Elle savait que son bien-aimé avait simplement rencontré un problème, et apparaîtrait bien à la cérémonie que tous deux avaient planifiée. Son amour pour lui était entier, de même que sa foi en lui ; aussi, dire à cet instant que le mariage allait se transformer en simple messe était comme une façon de lui dire qu'elle avait tort, et qu'elle devait se faire une raison. Évidemment, les probabilités qu'il ne vînt pas du tout n'étaient pas à écarter, mais il était vraisemblablement trop tôt pour s'y résoudre. Dans ce cas précis, qui est le cauchemar de tous les promis mais aussi de tous les officiants, je doute qu'elle eût eu envie de rester à l'intérieur de la cathédrale pour une messe. Elle aurait voulu partir pour se livrer au chagrin... Vous n'avez pas suffisamment fait attention à ses sentiments et ses émotions, qui étaient à leur paroxysme en ce jour. C'est encore une fois de la maladresse qui s'explique par votre anxiété, mais le devoir vous commandait de faire fonctionner votre cœur par l'amitié, pas votre raison. C'est plus tard que cette dernière aurait été de circonstance, lorsqu'il serait devenu inconcevable d'espérer une arrivée prodigue. Vous l'auriez su en lisant la résignation et la tristesse dans tous les regards, ce qui vous aurait normalement conduit à arrêter la cérémonie plutôt que de l'amener vers tout autre chose.
-----» En somme, votre plus grande erreur aura été de ne pas vouloir attendre, ce à quoi la suite vous donna tort. Vous avez voulu aller trop vite, tenté de dominer le temps en supprimant l'attente nécessaire, agir là où il n'y avait rien de significatif à faire. Bien sûr, il n'était pas non plus souhaitable de rester fixé comme un piquet, en faisant retomber l'enthousiasme de l'assistance par la montée de son ennui, mais concrètement parlant, il fallait attendre. Vous deviez faire du surplace tout en donnant l'illusion d'avancer, une tâche qui est loin d'être évidente, mais qui s'éclaire à la lueur de l'imagination... Votre fille a probablement une très belle voix, aussi auriez-vous pu recourir à ses services en lui faisant chanter autre chose que le Credo, par exemple la prière d'Oscermine à Dieu, qui loue aussi Sainte Raphaëlle. Le mariage est en effet un sacrement de conviction, tout comme la mariée avait besoin de garder espoir en son futur époux avec qui elle fonderait une famille. Là seulement, je pense que la Primat aurait validé votre prise d'initiative, qui aurait été bénéfique à tout le monde et n'aurait pénalisé personne. C'était donc, vous avez raison, un mauvais choix en l'occurrence, même si vous n'avez jamais pensé à mal.
-----» Heureusement pour vous, et je voudrais particulièrement insister là-dessus, vos quelques erreurs n'empêchèrent en rien ces deux personnes de se marier sous votre bénédiction et celle du Seigneur. Hormis pour ce début approximatif, et peut-être l'empressement qui vous fut reconnu sur l'ensemble du mariage, vous êtes parvenu à accomplir votre devoir en faisant triompher l'amour. Vous auriez pu faire mieux, mais en même temps largement pire. Je suis évidemment content de voir que vous avez pris conscience de vos manquements, et que vous avez pensé de vous-même à vous en excuser auprès des principaux concernés. La prochaine fois, vous ne commettrez pas les mêmes erreurs, et saurez faire preuve de patience autant qu'il le faudra. Nous sommes tous faillibles, ce qui en un sens est plutôt une bonne chose puisque cela nous permet toujours de nous améliorer. Vous vouliez que tout fût parfait, mais cela fit de votre mariage une cérémonie imparfaite ; voilà une leçon qui vous élèvera, en vous apprenant à composer judicieusement avec le temps. Vous vous en voulez et c'est normal, mais vous pouvez être optimiste pour la suite.
-----Laodin savait bien, en effet, combien ce temps faible dans la carrière de Cyphus avait affecté sa confiance en soi, et combien il perdrait en s'arrêtant uniquement au négatif. Une confession était certes l'occasion de revenir sur ses erreurs, mais aussi de les exorciser. Se rajustant sur son siège, l'évêque de Montélimar offrit une dernière possibilité d'en dire un peu plus :
------ Bien, bien, bien... Si vous n'avez rien d'autre à ajouter mon Frère, un autre élément qui vous chagrine sur cette cérémonie, je vous propose que nous passions à l'étape dite de l'absolution. Après celle-ci, il ne sera pas possible de revenir sur cette histoire à moins de retourner au confessionnal, aussi je vous demande de vérifier s'il reste un doute dans votre esprit. _________________
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Cyphus

Inscrit le: 15 Fév 2009 Messages: 451 Localisation: © « Saint Paul », Etienne Parrocel, XVIIe
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Posté le: Mer Avr 23, 2025 11:04 pm Sujet du message: |
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Cyphus écoute silencieusement les explications de Laodin, hochant la tête à plusieurs reprises. Il semble résolu à la parole de l'évêque ; mais à la fin du discours de Laodin l'Archidiacre ne répond pas tout de suite, pensif. Il semble effectivement sonder son propre esprit. Après avoir alterné entre les lèvres de son confesseur et un point devant lui trop lointain pour être dans la cathédrale, son regard est momentanément rivé sur un relief tout à fait dénué d'intérêt sur le bois du confessionnal. _________________
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Cyphus

Inscrit le: 15 Fév 2009 Messages: 451 Localisation: © « Saint Paul », Etienne Parrocel, XVIIe
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Posté le: Jeu Avr 24, 2025 9:07 am Sujet du message: |
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Cyphus hoche enfin la tête, comme une acceptation, comme une résignation.
—Tout est dit Monseigneur. Davantage dans votre bouche que dans la mienne d'ailleurs. Vous avez su résumer le flot de questions et de contradictions qui se sont bousculées dans mon esprit ce jour-là. Je suis soulagé de vous avoir confié mes scrupules. Je suis contri de voir en face mes errances et j'espère dans le futur pouvoir m'en préserver.
Il tourne à nouveau son visage vers Laodin. _________________
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Laodin

Inscrit le: 26 Mai 2017 Messages: 1310 Localisation: Entre fantaisie et rigueur
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Posté le: Jeu Avr 24, 2025 8:47 pm Sujet du message: |
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-----Parce que Cyphus n'avait jamais rien pris à la légère, plusieurs secondes de silence s'écoulèrent entre les deux hommes d'église, séparés par un simple panneau. Sa faute, bien que minime, méritait d'être prise en considération, de même pour l'ensemble du mariage. Le souvenir de celui-ci restait pour l'heure mitigé, mais le temps et l'introspection apprendraient à lui conférer une tout autre saveur, comme l'erreur qu'il fallait commettre pour avancer. D'autres cérémonies, d'autres mariages l'attendraient, et avec eux la possibilité de se racheter auprès des autres, comme Daidara. Sa volonté de bien faire n'était de toute manière pas passée inaperçue, avec ses nombreuses interventions à l'ancien Symposium, l'Assemblée du Clergé de France.
-----Cette pénombre avait l'avantage d'aider à la réflexion et à l'apaisement, loin de l'atmosphère oppressante que l'on se figurait parfois. Pour sûr, Laodin n'avait pas encore eu à confesser de claustrophobes dans sa vie, ce qui le conduirait à mener ses séances un jour ou l'autre dans un espace moins confiné, comme la sacristie de son église. On ne pensait pas assez à ce trouble encore méconnu à leur époque, parfois désigné comme symptôme de folie. Cependant, tout le monde avait le droit de se confesser, même en versant dans ce genre d'interprétation vaseuse ; tout le monde avait le droit de voir la lumière, comme Uriana qu'était allé chercher Christos, en l'exorcisant dans une grotte. Laodin, qui souffrait pour sa part d'une peur immodérée des objets coupants, ne se risquerait pas de toute manière à faire de différence.
-----Quand enfin Cyphus hocha la tête, "enfin" étant un mot bien puéril dans l'éternité apparente de ce confessionnal, Laodin l'imita d'un mouvement léger, puis le regarda de nouveau. Le temps de la réflexion était passé, ce qui l'enjoignait à dresser une rapide conclusion.
------ Parfait... Je suis ravi que cette séance vous ait fait du bien, en espérant vous avoir poussé dans la bonne direction. Votre intention était la bonne mais l'exécution de celle-ci souffrait de problèmes, problèmes qui froissèrent la mariée en ne respectant pas ses sentiments. Vous étiez tant et si bien focalisé sur la perfection de votre travail que vous en oubliâtes de faire preuve d'empathie, de faire parler votre cœur autant que votre raison. A mon sens et dans une très moindre mesure, vous vous êtes rendu coupable du péché de l'avarice ; l'avarice comme le fait de ne plus penser aux autres, de placer la réussite d'un projet au-dessus de considérations plus humaines. Nous sommes évidemment d'accord pour dire que vous n'avez pratiqué ce péché que de manière infime, et que des milliers d'autres confessés aimeraient pouvoir se reprocher uniquement ce que vous avez fait.
-----» Je vais donc passer sans plus tarder à l'absolution, qui n'aura aucun pouvoir direct sur votre jugement auprès de Dieu mais sera devant Lui la marque de votre conscience morale. Disons que la chose se présente comme vos diplômes, ils aideront à votre intégration mais il y aura toujours quelqu'un pour valider ou non la candidature qui ira avec. Je parle bien sûr familièrement... Ce que je vais vous réciter à présent sera autrement plus solennel, et sacré en un sens. Retenez votre souffle, mais pas au point de ne plus respirer, je vais avoir besoin de concentration pour ne pas penser à autre chose.
-----Surtout pas à mon repas du soir, pensa l'évêque pour lui-même alors que son estomac le travaillait. Il ne pensait jamais à s'alimenter avant de partir au travail, croyant que cela alourdirait son corps comme son esprit. Les recommandations de son médecin, qui aurait tout aussi bien pu être Cyphus, avaient encore un peu de mal à passer auprès de lui malgré ses efforts... Levant les yeux vers la noirceur la plus complète derrière laquelle s'élevait la plus tendre des blancheurs, il prononça comme il put les mots d'usage :
------ Dieu, le Père miséricordieux, est envoyé pour la rémission des péchés. Par le service de l'Église, Il vous donne le pardon et la paix. Je vous absous donc de vos péchés au nom du Père et des prophètes Christos et Aristote. Amen.
-----Il termina le rituel en traçant un signe de croix dans le vide, une bénédiction qui l'espérait-il mettrait du baume au cœur de l'archidiacre. Servir l'Église était comme pour beaucoup chose importante pour lui, et savoir que l'on avait fait la moindre petite erreur avait tendance à déprimer. Comme pour l'encourager à adopter un état d'esprit revanchard, mais aussi parce que la séance était selon toute vraisemblance terminée, Laodin s'anima un peu plus comme à son habitude :
------ Voilà ! Une bonne chose de faite mon Frère, lui dit-il, son sourire rendu des plus visibles à travers la grille. J'hésitais à vous donner quelque chose pour votre pénitence étant donné que votre faute demeure tout à fait mineure, mais j'ai pensé à un texte du Bienheureux Girtan, qui s'applique dans pareille situation. Je ne vous demanderai pas de le lire tous les matins et tous les soirs, une seule fois suffira, chez vous ou sur les routes puisque ce confessionnal est un peu sombre. C'est un texte qui fut écrit avant tout à destination des moines franciscains, mais ses principes concernent en vérité l'ensemble des êtres humains. Vous y apprendrez ainsi que la Raison, bien qu'étant une solution à la plupart des problèmes, n'est pas toujours adaptée partout où elle s'exprime. L'écoute est aussi la clef, l'observation sensible des personnes, et c'est par l'empathie, incarnée par l'amitié, que l'on peut véritablement aider les autres à atteindre le bonheur. Écoute, empathie, bonheur, tel est le chemin qui nous rapproche à n'en pas douter du Seigneur.
-----» Je vous souhaite la bonne journée mon Frère, et tous mes vœux de réussite pour la suite. Ce mariage était compliqué pour vous, mais les prochains ne le seront pas. Mieux vaut, dans mon esprit, se tromper une fois pour s'efforcer de mieux faire, plutôt que ne jamais se tromper et succomber au péché de l'orgueil... C'est bien comme cela que l'humilité devient une façon d'être évidente, en commettant des erreurs et en en prenant conscience. Je vous dis, mon Frère, à bientôt au séminaire ou à l'ACF, ou même dans n'importe quel endroit qui justifierait notre présence. N'oubliez pas de contacter les mariés pour vous faire pardonner ou simplement mettre les choses au clair, et que vos crépuscules subliment vos aubes.
-----Il glissa à travers l'ouverture chiche un vélin, qu'il avait rédigé à partir d'un document existant du Dogme. Beaucoup d'autres étaient en sa possession à l'intérieur de la cabine, qu'il avait rassemblés afin de se parer à toute éventualité de confession. Celle qu'il avait reçue de Cyphus, en ce jour, ne serait pas la plus marquante, mais elle lui avait confirmé l'homme de bien et de valeur que celui-ci était.
| Citation: | Axiomes de la métaphysique de Girtan
| Citation: | La liberté physique, morale et spirituelle ne peut s’exprimer que dans la paix.
La paix n’est pas aussi simple que le cœur ne l’imagine, mais elle est plus simple que la raison ne l’établit.
Devant cet enchevêtrement des problèmes existentiels, nous sommes tentés de nous dire : la paix dépend de mains plus expertes que les nôtres...
Certes la paix a besoin de politiciens et d’économistes, mais elle est aussi entre les mains de nous tous, elle passe par mille petits gestes de la vie quotidienne.
Chaque jour, par notre manière de vivre avec les autres, nous choisissons pour ou contre la paix...
Il ne faut point être trop raisonnable dans l'excès comme dans le zèle.
La Raison est capable de hiérarchiser les principes et exprimer des solutions.
Mais la Raison n'est pas le seul moyen dans la démarche collégiale du frère franciscain (note de Laodin : ou de n'importe quel individu), et n'est pas non plus le seul moyen d'arriver à exprimer des solutions ultimes, car la Raison, seule, étrangle la modernité. |
Aussi propose-t-il une méthodologie personnelle :
A. Il faut effectuer un travail sur nous-mêmes, sans précipitation. Écouter l’autre, en harmonie avec les lois naturelles qui régissent l’univers et les règles communes régissant l'Ordre (note de Laodin : ou de toute autre communauté respectant l'Église).
B. Il faut se former spirituellement. Nous ne sommes pas fin en soi, nous devons aller vers les autres, les aider à avancer. Nous sommes faits pour les autres, pour servir l'autre et partager ce que l'on a appris.
C. Il faut être à l'écoute de l'autre, en général, et avoir un rapport étroit plus affiné et personnel. C'est par le dialogue personnel que l'on s'aide mutuellement le mieux, que l'on apprend à se connaître, et que l'on s'avoue ses faiblesses, pour augmenter "l'Expérience".
- Écrits de Girtan : De la méthode, 2. La démarche |
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Cyphus

Inscrit le: 15 Fév 2009 Messages: 451 Localisation: © « Saint Paul », Etienne Parrocel, XVIIe
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Posté le: Ven Avr 25, 2025 7:32 am Sujet du message: |
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Cyphus est silencieux, attentif lors de l'absolution, un reflet dans ses yeux plongés dans la pénombre en témoigne.
Puis, la pénitence devrait venir et Cyphus reçoit un cadeau.
—J'aime beaucoup découvrir de nouveaux textes.
Il le prend délicatement.
—Je pense en effet que le plus important sera pour moi de me confronter à l'esprit probablement courroucé des époux. Je m'y rendrai de retour à Poitiers.
Et l'Archidiacre désobéit en essayant de lire les axiomes malgré le manque de lumière. Il se ravisse assez vite en comprenant la difficulté.
—En effet, vous m'avez apporté la lumière... mais pas littéralement si je peux faire un trait d'humour.
Cyphus laisse un silence encore, il respire profondément deux fois. Comme s'il avait aussi besoin de se reposer après une tâche exigeante. Cela ne dure pas longtemps, une vingtaine de seconde tout au plus. Puis Cyphus semble revenir au monde :
—Merci, Monseigneur Laodin. _________________
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Laodin

Inscrit le: 26 Mai 2017 Messages: 1310 Localisation: Entre fantaisie et rigueur
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Posté le: Ven Avr 25, 2025 12:57 pm Sujet du message: |
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------ Encore heureux qu'il ne faille pas monter pour se rendre au confessionnal... La chose m'aurait été difficile sinon, car je n'ai pas la lumière à tous les étages ! renchérit-il face au trait d'humour de Cyphus.
-----Le ton avait en effet bien changé entre les deux, bien que toujours empreint d'une certaine retenue. Nul péché de grande envergure n'avait ici été avoué, leur permettant de se détendre de manière plus prononcée. Néanmoins, Laodin ne put que remarquer le silence et les longues inspirations de l'archidiacre, qui témoignaient des efforts jusqu'ici réalisés :
------ Merci, Frère Cyphus, d'être toujours aussi humble et ouvert à la discussion. Cela n'est jamais évident, encore plus lorsqu'on a des responsabilités.
-----Il commença ensuite à ranger ses affaires, parmi lesquelles les autres écrits du Bienheureux Girtan, et se prépara à redécouvrir cette chapelle de toutes les merveilles, dont ils s'étaient momentanément coupés comme dans un songe utile. Si personne n'était jamais entièrement blanc ou noir, la vie possédait pour sa part de nombreuses couleurs, lesquelles flatteraient leurs yeux à travers les vitraux. _________________
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Iaudas

Inscrit le: 09 Juin 2018 Messages: 2851
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Posté le: Ven Mai 09, 2025 12:55 pm Sujet du message: |
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C'était un jour comme les autres, quelques jours après Pâques. Il faisait beau sur l'isle de la Cité, les rayons de soleil paraissent si magnifiques en ce mois de mai. Pourtant, le cœur du vieil homme était lourd de chagrin, une triste noirceur persistait malgré le jour des réjouissances de la fête du Renouveau passée. Il existait un concept nouveau à la Sainte-Chapelle, la confession entre clercs. Quoi de mieux qu'une bonne confession ? Quelqu'un saurait l'aider, tout du moins l'espérait-il. On l'aida à s'installer, assis à la place du pénitent. Il parla en langue latine avec l'espoir d'une réponse :
Benedic mihi pater, quia peccavi*.
*Bénissez-moi mon père, parce que j'ai péché. |
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Laodin

Inscrit le: 26 Mai 2017 Messages: 1310 Localisation: Entre fantaisie et rigueur
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Posté le: Dim Mai 11, 2025 2:40 pm Sujet du message: |
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-----Il n'était pas dans les habitudes de Laodin de patienter des heures à l'intérieur d'un confessionnal, sauf quand il avait besoin de calme et de repos tout en se tenant à disposition des autres. Celui de la Sainte-Chapelle, situé à proximité de l'un de ses principaux lieux de travail, constituait à cet effet un premier choix, lui permettant à la fois de rester à l'ombre et profiter de la lumière dès qu'il le souhaitait. Cela ne valait pas vraiment Montélimar, mais ici la méditation était des plus aisées. Si jamais une nouvelle idée lui venait en tête, il gardait aussi la possibilité de la mettre en œuvre tout de suite, sans attendre des jours avant de revenir à Paris. Cela n'était peut-être pas non plus la meilleure des choses étant donné qu'il risquait aussi de dire plus de bêtises.
-----Laodin ne s'attendait pas à recevoir de nouveau un clerc en confession, même s'il avait gardé cette éventualité dans un coin de la tête. Il serait juste là au bon moment ou au pire, selon le point de vue. Et, si un rendez-vous avait été pris, comme il l'avait fait avec Cyphus, il laisserait sans difficulté sa place au confesseur désiré pour continuer son introspection sur les bancs de la Sainte-Chapelle. Lumière ou pénombre, couleur ou absence de couleur, tout cela revenait au même, du moment que la foi était présente. Même le confort de prière restait quelque chose d'assez subjectif, et une maison de Dieu demeurait accueillante qu'importe où l'on décidait d'y concentrer ses pensées.
-----Ainsi, l'arrivée d'un nouvel interlocuteur, de l'autre côté de la grille, ainsi que la voix qui parvint à lui, le surprit sans pour autant le désarçonner. Tout le monde avait besoin de se confesser de temps à autre, même les clercs. Il ne connaissait encore que trop peu celui-ci pour le reconnaître dans cette pénombre, et ne pousserait pas la curiosité plus loin : moins il en saurait, moins son jugement en serait potentiellement biaisé. Il en vint même à penser qu'il devait ne pas le connaître du tout, puisqu'il s'exprimait dans un latin qu'il n'avait pas l'habitude d'entendre en France :
------ Dominus Vobiscum... Non, ce n'est pas la bonne réponse... Dominus sit in corde tuo et in labiis tuis, bonum ex malo non fit... Je veux dire, tempus fugit, hora volant... Non, toujours pas... Homo homini lupus est... Ah ! Tant pis. Je vous écoute mon Fils.
-----Oui, il était sacrément rouillé dans la langue de Cicéron, et on pouvait même dire qu'il en avait perdu son latin. Cela n'était guère étonnant de la part de quelqu'un qui avait si souvent la caput inter nubila, la tête dans les nuages. _________________
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Iaudas

Inscrit le: 09 Juin 2018 Messages: 2851
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Posté le: Lun Mai 12, 2025 9:23 pm Sujet du message: |
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Il ne lui fallut que peu de temps à attendre l'oreille d'un confesseur. Au temps où il eut l'opportunité d'occuper la Primatiale, cette idée novatrice n'avait pas vu le jour, et de toute évidence, elle méritait une place au sein ́du clergé. Toute personne pourvue d'une conscience avait besoin d'une aide, un appui, concourant à l'examen de soi. Même un clerc ! Si ce n'est le premier à en avoir besoin. Un berger s'occupe de ses moutons, mais en dehors du Très-Haut, qui pourrait veiller sur lui ?
Lui non plus, méconnaissait l'identité de la personne derrière les grilles. En tout cas, point tout à fait. Il est vrai, la lumière ne transperçait plus de sa lucidité les iris du vieil homme, toutefois Dieu accordait miraculeusement une sorte de visibilité sur les voix. Il fallait encore qu'elles soient très familières.
Amusant ! Un curé perdant son latîn. Bon, rien de bien grave. La bonne vieille langue vernaculaire suffisait à se faire comprendre du Serviteur de Dieu.
Duos habet et bene pendentes ? Essayez-vous de dire ? Ah non...
Euh...oups, hors sujet ! Revenons à nos moutons.
Mmh, pardonnez-moi, Mon Père. J'en venais à oublier que nous sommes bien loin de la Ville Éternelle...
Voilà depuis plusieurs jours, j'ai le cœur lourd au souvenir de mon péché. Mon passé tortueux et indigne. J'en souffre en silence, tant la honte m'a gagné. Aujourd'hui, je me sens si sale que même la souillure de la boue à côté de moi est probablement un réceptacle de pureté. Pourquoi, Hommes, sommes nous couverts de cette médiocrité ? Nous cherchons sans cesse à nous écraser entre nous, à tirer profit de la faiblesse des uns et des autres pour le confort de la domination. J'avais pourtant donné à Dieu, mon amour, je m'étais même fait le chantre de son amour en prenant le sacerdoce. J'ai cédé malgré tout à la séduction de la Bête Sans Nom : l'orgueil et la colère étaient devenus mes seules voies. Quelle âme autrefois consacrée au service de Dieu, tombée si bas dans sa chute, peut t-elle prétendre un jour au pardon salvateur ? |
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Laodin

Inscrit le: 26 Mai 2017 Messages: 1310 Localisation: Entre fantaisie et rigueur
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Posté le: Mar Mai 13, 2025 5:35 pm Sujet du message: |
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-----Il y avait les confessions mineures, comme celle de Cyphus, et les confessions majeures, comme celle de Iaudas. Dans les deux cas, Laodin devait être prêt ; prêt à se montrer aussi compatissant que lucide, à rassurer l'autre sans dédramatiser les fautes les plus graves. C'était un équilibre assez délicat qu'il lui fallait gérer en toute conscience, en travaillant pour l'Église et en embrassant l'humanité tout entière, symboliquement bien entendu. Il devait aussi garder à l'esprit qu'un clerc se tenait en face de lui, ce qui lui retirait dès lors l'excuse de l'ignorance.
-----Avant de commencer, Iaudas avait néanmoins tenté de l'aider sur ses doutes en latin, sans non plus de succès. L'évêque de Montélimar faillit lui répondre qu'il en avait effectivement deux bien pendantes, et qu'elles seraient tout entières offertes à lui, mais une intuition de dernière seconde lui dit qu'il ne s'agissait peut-être pas des oreilles. On évita donc de très peu une situation particulièrement gênante qui aurait pu mettre à mal la bonne tenue de la confession.
-----Ensuite vint l'écoute, qui fit immédiatement comprendre à Laodin l'enjeu de cette séance. Cette fois, l'homme qui se tenait en face de lui, plongé dans la pénombre, n'avait pas à regretter un comportement hâtif au cours d'une cérémonie, mais quelque chose de bien plus grave et bien plus lourd à porter. Pour juger la souillure de la boue plus propre que lui, ce qu'il avait à confesser devait forcément être des plus honteux - ou alors, il surestimait l'importance de ses fautes. Quoi qu'il en fût, cela ne changerait rien au travail de Laodin. Pour être lui-même hanté par son passé, bien que celui-ci fût antérieur à son baptême et issu de ses plus jeunes années, il n'aurait aucune difficulté à faire preuve d'empathie et de bienveillance. A vrai dire, sa principale crainte était de ne pas se montrer assez ferme devant ses semblables, qui lui avait joué des tours plus d'une fois. Il n'aimait pas condamner, car cela lui rendait sa propre culpabilité encore plus grande.
-----L'homme s'arrêta assez vite, désirant manifestement quelques réponses avant d'aller plus loin. Cette complainte renvoya tout de suite Laodin à la seconde méditation de Barnabé : une colline, que seule la volonté pouvait permettre de monter, et que seul le découragement pouvait empêcher de gravir. Seule la conviction de ne jamais y parvenir arrêterait Iaudas dans son ascension, et c'était quelque chose que Laodin devait lui faire comprendre avant tout nouveau développement. L'espoir était la chaleur de tout bois, qui ranimait les âmes parmi les plus engourdies.
------ Autrefois, quelqu'un me disait que la faiblesse appartenait à celui refusant de s'affirmer sur les autres, et qu'aux plus forts revenait le droit de s'affirmer dans leur bonheur. J'ai appris, sans surprise, que la faiblesse était d'un tout autre ordre que la plus évidente, et que les plus faibles d'entre nous, paradoxalement, pouvaient aussi être les plus forts. En ce sens, un prisonnier innocent sera toujours plus fort que son bourreau, dont la faiblesse absolue n'apparaîtra qu'en rétrospective de sa propre vie. J'ai aussi appris que nous étions tous naturellement faibles, et que la force était quelque chose qui se cultivait, doucement mais sûrement. Ainsi, celui qui se croira le plus fort gouvernera le monde, qui sera tout entier plongé sous sa coupe ; mais celui qui sera le plus fort, spirituellement parlant, sera seul en mesure de se gouverner soi-même vers le bonheur et la félicité. Nous n'avons pas besoin d'écraser les autres, ou encore de nous écraser devant eux, pour nous établir en tant qu'individus ; seul compte le combat intérieur et celui, extérieur, contre des forces qui devraient normalement nous mettre à terre. C'est cela que j'appelle la force dans la faiblesse : cette capacité que nous avons à nous affirmer sans avoir à dominer les autres, conscients de notre faillibilité. L'Archange Gabriel est à ce titre l'un des tout meilleurs exemples, pour avoir tant souffert face à Léviathan, refusé de l'imiter, et avoir ultimement bénéficié d'un bonheur auquel les Princes-démons n'eurent jamais accès. Léviathan le jugeait faible, mais ne le comprenant pas, finit lui-même par s'affirmer comme étant le plus faible. Il eut pourtant bien plus d'une occasion de se racheter, et il choisit de n'en saisir aucune, au contraire de vous.
-----» Imaginez la vie comme une colline. Les plus braves, tel Saint Gabriel, décideront de la gravir, au prix de nombreux efforts voire sacrifices ; les moins dignes, tel Léviathan, décideront plutôt de la contourner, choisissant la voie de la facilité ; enfin, ceux parvenus en haut devront se satisfaire de la vue offerte, au risque de redescendre vers l'ombre, vers la boue s'étant accumulée en contrebas. Que vous ayez basculé dans la deuxième ou la troisième possibilité, il apparaît que contre toute attente, vous serez revenu vers la première, reconnaissant ainsi votre erreur et tournant le dos aux créatures tapies dans l'obscurité, vous faisant de fausses promesses de bonheur. Cela est une marque de courage, et d'humilité. Tout le monde n'est pas capable, après un parcours aussi chaotique, de remettre en ordre ses pensées et de consentir à autant d'efforts pour regagner la lumière. Avouer que l'on s'est autant trompé n'est jamais simple, réparer ses erreurs encore moins. Sans doute pouvons-nous même dire que le chemin de la rédemption est le plus difficile, et donc le plus honorable de tous, car aucune montée n'est plus ardue lorsqu'on a les pieds dans la boue et que le Soleil paraît si haut et si loin. Le Sans-Nom aimera ainsi à nous répéter qu'il serait préférable d'abandonner, qu'il est de toute manière trop tard pour nous et que nous serons mieux dans le déni ou l'oubli. Ce n'est pas non plus une voie que vous avez choisie, quelles qu'aient été vos fautes dans le passé.
-----» La tentation nous guette, à chacun de nos pas. Même celui n'ayant jamais péché sera soumis à la tentation ; et ce sera à lui de décider de s'en écarter, comme le fit Christos dans le désert. Pour autant, sommes-nous condamnés si nous y cédons un jour, voire plusieurs ? Si l'humanité est médiocre, elle ne l'est qu'en ne se posant aucune question sur elle-même. Les Oanyloniens dans leur majorité étaient médiocres parce qu'ils n'écoutaient plus que leurs propres désirs ; les Aornossiens dans leur majorité étaient médiocres parce qu'ils n'écoutaient plus que les règles édictées par un dirigeant indigne. La voie du Bien se trouve dans la reconnaissance de sa propre médiocrité, dans le fait de se poser les bonnes questions et de chercher à y répondre. C'est quelque chose que nous devons faire tout le temps, même lorsque nous pensons avoir atteint le pic de notre vertu et de notre exemplarité, car le Mal ne périt jamais en nous et ne demande qu'à se réveiller. Tout le monde peut chuter de la colline, et je dirai même que plus haut on aura été, plus lourde sera la chute. On ne se défait jamais de son ombre, en quelque sorte. A nous de vivre avec cette ombre, de ne pas l'ignorer mais de reconnaître sa présence, pour encore mieux la faire jurer en pleine lumière. Les hommes et femmes d'Église ne sont pas immunisés contre leur ombre, pas plus que ne le serait un hétérodoxe. S'ils ne font pas attention à elle, s'ils se croient supérieurs et invincibles en tout point, ils feront apparaître sans même s'en rendre compte des nuages dans leur propre ciel, qui dissimuleront toutes les nuances et tous les contrastes de leur silhouette. Cela est pour le péché de l'orgueil, que vous avez évoqué et qui devient d'autant plus menaçant à mesure que l'on s'élève dans la société.
-----» Nous sommes faillibles... Promis à la lumière, il nous reste pourtant à triompher de l'ombre, ce qui ne signifie pas clamer notre toute-puissance face à celle-ci. Nous devons avoir la victoire modeste sur nous-mêmes, ou nous risquerons de ne plus remarquer le loup dans la bergerie. Faibles, nous ? Bien sûr que oui, mais c'est notre réponse qui fera de nous des êtres plus forts que tout. Errare humanum est - non, ce n'est toujours pas la bonne formule - et il nous faut chérir cela, car la vertu ne s'exprime que face à la réalité du péché. Reconnaissez les erreurs de votre passé, prenez-en l'exact contrepied, et vous en serez un homme parmi les plus forts, revenu des abysses pour s'élever vers le Ciel. Le pardon est accessible à tous, pourvu que l'on réagisse avant la fin.
-----Il n'avait pas inventé l'eau chaude avec ces mots, mais c'étaient bien ceux que Iaudas avait besoin d'entendre à ce moment précis. Face à la culpabilité, l'évidence avait tendance à s'effacer, que seule une oreille attentive avait le pouvoir de révéler à nouveau. Pensant l'avoir mis en confiance, même s'il ne pouvait en juger sur l'instant, il tenta de pousser la conversation vers quelque chose de plus concret :
------ Mon Fils, vous savez quel est mon rôle ici. Je dois vous demander quelle est la nature exacte des péchés dont vous vous accusez, de leur origine à votre réveil d'aujourd'hui. Il est important que vous me donniez le plus de détails possible sur ceux-ci afin que je puisse vous guider au mieux. Je comprends que cela sera difficile, mais c'est une autre étape qu'il vous reste à franchir pour vous hisser en haut de cette colline... Prenez votre temps, je ne vous presserai pas. _________________
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Blanche...

Inscrit le: 28 Aoû 2023 Messages: 19
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Posté le: Lun Mai 26, 2025 8:16 am Sujet du message: |
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Elle prit place plus loin, attendant de voir si le confessionnal se libèrerait. Elle prit ses billes en mains, un bracelet qu'elle avait fait pour prier encore et encore. La première bille était d'une différente couleur.
Ses yeux étaient tirés vers le bas par la fatigue. Alors qu'elle ne le démontrait à personne, elle trouvait qu'ici, elle pouvait se permettre de se reposer. Sa fille posée dans un panier au côté d'elle.
Après tout le stresse et le temps passé en armée et malgré le fait qu'elle venait d'avoir un enfant, elle avait maigri. Elle attendrait patiemment son tour, ou s'endormirait la tête sur les mains en priants. _________________
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Laodin

Inscrit le: 26 Mai 2017 Messages: 1310 Localisation: Entre fantaisie et rigueur
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Posté le: Sam Mai 31, 2025 3:49 pm Sujet du message: |
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| Citation: | | (Confession mise en pause avec l'autorisation de JD Iaudas ; elle sera reprise après celle de Blanche) |
-----Quelque temps plus tard...
-----Décidément, le confessionnal de la Sainte-Chapelle rencontrait beaucoup de succès ces derniers temps, au point qu'un deuxième clerc s'y présenterait la même journée. Toujours enfermé dans la pénombre, Laodin sentit ainsi une nouvelle présence se glisser de l'autre côté de la grille. Son regard lui semblait familier... Un regard féminin qui lui fit dire dans la foulée :
------ Je vous écoute ma Fille. _________________
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