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[RP] L'aristotélicienne comédie

 
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Lapinus27



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MessagePosté le: Jeu Juin 04, 2009 3:25 pm    Sujet du message: [RP] L'aristotélicienne comédie Répondre en citant



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L'aristotélicienne comédieLa mort de Lapinus
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Lapinus27



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MessagePosté le: Jeu Juin 04, 2009 3:26 pm    Sujet du message: Répondre en citant


    Préambule HRP


      Joueuse, joueur ;
      Bonjour, bonsoir.


      Ce qui suit est un RP qui n’aura absolument aucune incidence RP, pour la simple et bonne raison qu’il n’impliquera aucun personnage vivant. Il s’agit donc d’un RP écrit pour le seul plaisir des personnes qui aimeront le lire, et pour mon seul plaisir à moi, aussi.
      Aucun interprétation RP ne pourra donc être faite à partir de ceci : ce que je vais écrire n’a aucune raison de modifier l’attitude, la pensée ou la position de votre perso.

      Avant même d’écrire la première ligne, je sais qu’il ne plaira pas à tout le monde.
      Libre à certaines personnes de ne pas apprécier ce genre de prose, mais dans ce cas, je n’ai qu’une chose à vous dire : ne me lisez pas et passez votre chemin, cela contentera tout le monde — vous et moi les premiers.

      Pour ceux qui sont intéressés par la lecture de ce qui suit, j’aimerais apporter deux précisions importants :

      Ultime précision : ce RP a un caractère strictement privé. Autrement dit, je demanderai à un modérateur de supprimer toute réponse postée à la suite (RP ou HRP).


      Ludiquement,
      LJD Feu Lapinus

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Lapinus27



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MessagePosté le: Jeu Juin 04, 2009 3:26 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
PREMIÈRE PARTIE : Les prémices d'un long voyage




      I — Juste après la mort de Lapinus


_ Nom de Dieu !
_ Si j’étais toi, je ne dirais pas cela. Blasphémer sitôt quitté son enveloppe charnelle n’est jamais une bonne idée lorsque l’on va passer devant le Créateur…
_ Mon Dieu !…
_ C’est déjà mieux.
_ …Saint Lescure !

Et feu l’évêque de tomber à genoux.
_ Je n’ai plus mal aux articulations !
_ Eh oui. C’est un des nombreux avantages de ton nouvel état… Et appelle-moi Lescure ; je n’aime pas cette appellation de « saint ».


Lapinus avait quitté le monde terrestre en pleine crise de foi. Il avait même — comble de l’horreur ! — émis la supposition qu’il n’y avait rien en-dehors du monde dans lequel il avait vécu. Même si cela n’avait été qu’une supposition faite très brièvement et dans un moment — c’est le moins que l’on puisse dire — de stupeur intense, il n’en restait pas moins que Lapinus s’en voulait énormément. Car, de son vivant, il avait haï les athées plus que tous les autres hétérodoxes — plus encore que les spinozistes, les réformés ou les averroïstes. Cela venait sans doute du fait que Lapinus lui-même était un ancien athée — j’aurai l’occasion de revenir là-dessus plus tard. Cela explique certainement son juron — bien maladroit — lorsqu’il découvrit qu’il aurait mieux fait de rester jusqu’au bout fidèle à sa religion : il s’en voulait d’avoir douté.
Puis il entendit une voix derrière lui et se retourna. Ce qu’il vit une fois retourné lui fit oublier avec quelle souplesse et avec quel peu d’effort il avait accompli un mouvement qui, auparavant, aurait fait craquer quatre articulations différentes dans son corps cacochyme : Saint Lescure, himself ! Lapinus le reconnut immédiatement : son apparence physique était exactement comme sur les représentations qu’il existait de lui ; il n’avait pas changé. Lapinus fut surpris de voir son saint préféré devant lui, mais fut également frustré de montrer une si piètre image de lui devant le saint : lui parler de ses problèmes articulaires… Mais il se demandait également pourquoi il était là.

Se relevant :

_ Mais, dites-moi, que me vaut l’honneur de votre présence ici ?
_ Je te l’ai dit : tu vas être jugé par Dieu.
_ Oui, je m’en doute bien. Vous êtes Son délégué ? C’est vous qui allez m’annoncer quelle décision Il a prise pour moi et, sur Ses ordres, allez me mener sur la Lune ou sur le Soleil ?
_ En général, c’est comme cela qu’Il procède, oui ; mais étant donné ton cas particulier, Il a tenu à rendre Son verdict Lui-même.
_ Mon cas particulier ? Comment ça ?
_ Voyons, ne me dis pas que tu as oublié ?
_ …
_ Intéressant.
_ Mais enfin, dites-moi de quoi il s’agit !
_ Tu t’en rendras compte par toi-même bien assez tôt. Ou bien ce sera Lui qui te l’annoncera.
_ Soit. Mais cela ne me dit pas ce que vous faites là.
_ Quelle arrogance ! Le saint patron de ton ordre se présente devant toi, et tu lui reproches d’être présent lors des premières minutes de ta nouvelle vie !
_ Je ne vous ai rien reproché.
_ Le ton était lourd de reproche.
_ Pas le moins du monde !
_ La tournure de ta phrase, en tous cas.
_ Mais non voyons ! Je suis tout simplement très surpris, et, bien entendu, très honoré.
_ Mmmmh… Eh bien, sache que je suis ici pour te mener devant le Très-Haut.
_ Vraiment ?
_ Si je te le dis !
_ J’ai toujours cru que l’on était censé s’y rendre tout seul…
_ C’est le cas.
_ Alors, pourquoi… ?
_ Disons que, dès que j’ai su que tu allais bientôt y passer, j’ai longuement fait pression auprès de Lui pour qu’Il m’autorise à venir t’accueillir et te mener à Lui et, devant ma ténacité, Il a cédé.
_ Comment ? Vous conversez avec le Très-Haut, et arrivez même à le faire céder sur certains points ?
_ Que de questions ! Si tu continues à me soumettre cet interrogatoire avant même que nous soyons partis, Il risque d’attendre. Veux-tu réellement faire attendre Celui qui va décider de ton sort ?
_ Non, voyons. Par où est-ce ?
_ Suis-moi.

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Lapinus27



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MessagePosté le: Lun Juin 08, 2009 5:45 pm    Sujet du message: Répondre en citant


      II — Premier trajet vers le Très-Haut, en compagnie de Saint Lescure


_ Tiens…
_ Oui ?
_ C’est étrange…
_ Quoi donc ?
_ J’ai comme…
_ Ouiii ?
_ Une impression de…
_ Je sens que ça vient !
_ Déjà vu…
_ Eh ben voilà !
_ Comment ça, « ben voilà » ?
_ Tu en as mis du temps.
_ Je ne comprends plus rien.
_ Ou, pour utiliser des mots que tu as une chance de comprendre : tu en as mis du temps à t’en rendre compte.
_ Mais de quoi, enfin ?!
_ De ça.
_ Vous veux dire que vous ? Que je ?
_ Oui.
_ Le livre des vertus…
_ … Le mythe aristotélicien…
_ … L’éclipse…
_ … La résurrection…
_ … Mais… Mais… Mais…

Contrefaisant le voix de Lapinus :
_ Et je vous ai déjà dit d’arrêter de bêler devant moi !
_ Ordure.
_ J’autorise les prêtres non-cardinaux à m’insulter ouvertement après un mois à compter de leur décès.


Comment, en effet, avait-il pu oublier cela ? La réponse était simple : car il était écrit dans le Livre que Dieu ferait en sorte que l’être humain ayant vécu ce que Lapinus avait vécu ne se souvienne de rien. Et, si Lapinus devait en juger du souvenir qu’il avait de cet épisode, Il avait tenu parole. Cependant, Il devait avoir décidé, dans Son immense débonnaireté, de faire en sorte que le souvenir réapparaisse une fois la personne décédée. Car, après un petit temps d’adaptation, Lapinus se souvenait à présent de tout.
C’était en été 1455. Lapinus était un homme accompli : juge, maire, procureur, chambellan ; tous les honneurs lui étaient attribués. Certains parlaient même d’ennoblissement au titre de baron, voire de reconnaissance en tant que Duc après les prochaines élections. Mais ce n’est pas cela le plus important. Le plus important est, qu’à l’époque, Lapinus était un athée convaincu. L’abbesse du village, Lexartey, était fort peinée de voir un homme tellement influent renier toute existence divine et contester chacun de ses prêches (d’autant plus que les prêches de Lexartey étaient des petits bijoux).
Or donc, le Lapinus de ces temps-là était puissant et influent ; un bel avenir semblait s’offrir à lui. Trop beau, peut-être ; car il semble que cela ait suscité quelques jalousies. En effet, un matin de juillet, alors qu’il prenait son petit déjeuner quotidien, Lapinus fut pris d’un mal fort violent. Aussitôt, une foule d’apothicaires et de médecins envahit le domicile de l’homme d’état — en vain. Le soir, la situation était tellement désespérée que Lexartey, très courageuse, tenta d’approcher Lapinus pour une confession in extremis — Lapinus n’arriva pas à la faire partir mais lui dit tout le bien qu’il pensait d’elle et de « sa » religion. Et au petit matin, après avoir lutté toute la nuit contre le poison, Lapinus s’éteignit, en ayant refusé l’extrême onction d’une voix vigoureuse.
C’est alors que l’indicible eut lieu. Lapinus sentit s’élever et, se retournant, se vit lui-même allongé sur son lit de mort. Puis il monta, monta toujours plus et, là, se produisit l’ineffable : Dieu parla à Lapinus. Il lui expliqua que le fait même qu’Il lui parle lui prouvait qu’il avait fait fausse route. Lapinus se voyait déjà en train de se les geler sur la Lune quand le Créateur, dans Son incommensurable bonté, lui expliqua que, conformément à ce qui était détaillé dans le Livre, il avait le choix de continuer à vivre ou d’y rester pour de bon. Sans hésiter un seul instant, Lapinus L’implora de le laisser retourner sur Terre afin d’expier de ses fautes, chose qui lui fut accordée.
Lapinus redescendit encore plus vite qu’il était monté et, réintégrant son enveloppe charnelle, se releva d’un bond et tint ces paroles, qui furent les premières qu’il prononça après être mort une première fois : « Je veux être baptisé ! ». Il entreprit un catéchisme dès le lendemain et fut baptisé le 28 juillet 1455, avec comme marraine une très ancienne amie et comme parrain un Pair de France. S’ensuivit la formidable carrière ecclésiastique qui fut la sienne.

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Lapinus27



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MessagePosté le: Mer Juin 10, 2009 6:05 pm    Sujet du message: Répondre en citant


      III — Fin du premier trajet


_ Dites-moi, Lescure, quand arrive-t-on ?
_ Dans deux heures environ. Pourquoi ?
_ Je ne savais pas que c’était si long. Je peux mettre ce temps à profit pour vous poser une question ?
_ Quelque chose me dit que je ne vais pas pouvoir y répondre par « oui » ou par « non »…
_ En effet.
_ Tant mieux, je n’aime pas la facilité ! Je t’écoute.
_ Vous m’avez dit avoir négocier avec le Très-Haut pour venir me chercher et me conduire jusqu’à Lui…
_ J’en étais sûr. Ça promet.
_ Je me Le représentais comme quelque chose d’abstrait.
_ Et pourtant, il n’y a rien de plus concret que Lui.
_ Que Ses actions, soit. Mais que Lui… Je peux le croire, mais j’ai du mal à le concevoir.
_ Je comprends. Je puis t’assurer, en vertu de ma longue expérience de prêtre sur Terre et de ma très courte expérience de défunt ici, qu’Il est bien moins mystique, bien plus accessible qu’on le pense avant de trépasser. Il ne faut néanmoins pas que tu te L’imagines comme un humanoïde ; c’est cela qui serait du délire. Simplement, une fois passé de l’autre côté, les voies de communication avec Lui sont bien plus simples, rapides et efficaces. Alors que, vivant, tu dois Le prier plusieurs fois par jour, Lui célébrer des messes, ou que sais-je encore ? pour qu’Il daigne t’entendre ; une fois trépassé, il y a des moyens bien plus efficaces. Je les connais tous, ou tout du moins tous ceux qu’Il a daigné mettre entre mes mains, et je sais les utiliser à la perfection, ou tout du moins je sais en faire une utilisation basique — je suis persuadé que tout ce que je sais n’est que la face émergée de l’iceberg.
_ Pourtant, vous en savez, des choses…
_ Depuis le temps que je suis ici, j’ai appris énormément de choses dans ce domaine où les humains ne savent rien.
_ Mais vous n’êtes pas ici depuis si longtemps que cela.
_ Pour les humains, en effet, je suis mort depuis peu de temps.
_ Vous voulez dire que le temps s’écoule plus lentement ici ?
_ Pas tout à fait… Disons que la notion de temps est différente ici. Le temps ne s’écoule pas de la même manière sur le Soleil ou sur la Lune, d’une part.. D’autre part, il y a l’état d’entre-deux, c’est-à-dire où nous somme sen ce moment, que j’appelle les limbes — limbes au sens mélioratif, et non pas au sens commun.
_ Donc Dieu a décidé que, selon les endroits où nous nous trouvons, le temps s’écoulerait plus ou moins rapidement ?
_ Voilà. Mais Dieu peut aussi ralentir ou accélérer le temps dans un endroit précis. Tu sais bien qu’Il est omnipotent et source de tout, aussi même le temps est contrôlé et provient de Lui.
_ Je doute qu’un humain ait un jour imaginé cela. Et si un tel génie a existé, il a sans doute été condamné pour sorcellerie.
_ Je crois que nous arrivons…
_ Comment ? Mais, vous m’aviez dit que nous en avions encore pour…


Lapinus fut brutalement interrompu dans sa phrase. Tout le décor devint flou, et les contrastes s’accentuaient : le sombre était plus sombre, le clair était plus clair. S’il avait été sur Terre, sans doute aurait-il perdu l’équilibre, tant il avait soudain l’impression d’être projeté vers l’avant par une force surpuissante — mais une telle situation était certainement impossible sur terre.
Il voulut demander à Lescure ce que cela signifiait, mais sa bouche s’ouvrait et se refermait sans qu’aucun son n’en sorte. En se tournant vers Lescure pour lui parler, il remarqua que celui-ci était totalement décontracté et ne paniquait pas pour le moins du monde. Lapinus en conclut que l’événement ne devait pas être exceptionnel ni dangereux, étant donné le calme du Saint.
Subrepticement, il y eu un grand éclair qui assourdit Lapinus. Instinctivement, il ferma les yeux et se boucha les oreilles.

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MessagePosté le: Sam Juin 13, 2009 5:31 pm    Sujet du message: Répondre en citant


      IV — Arrivée devant le Très-Haut


Quand il rouvrit les yeux, ils étaient dans une salle aux contours totalement indéfinis — tout était flou. Il n'était peut-être même pas question de salle, tant l'endroit où ils se trouvaient semblait infini : ils étaient dans un trou percé dans un immense nuage de brume. Lapinus, ne voyant personne autour de lui, en conclut qu'il était seul avec Lescure.
Une voix vint aussitôt mettre ce postulat en échec :

_ Alors, pas trop secoués ?
La voix était sépulcrale mais proche à la fois. Il était impossible de déterminer à quelle distance se trouvait celui qui parlait. Par moments, on avait l’impression que la voix avait parcouru des centaines de lieues pour parvenir jusqu’à nos oreilles, puis on manquait de sursauter en percevant la voix comme émanant d’une personne juste à côté de nous.
_ Boh, moi, j’ai l’habitude… Lapinus, je ne sais pas… Faudrait lui demander.
Lapinus n’en croyait ses oreilles. C’était le Très-Haut qui parlait, et Lescure discutait avec lui comme Lapinus aurait discuté avec un poteau de taverne.
_ Pardonne-moi d’avoir accéléré le mouvement, Lapinus. Mais J’avais deux bonnes raisons de le faire.
_ Trois.
_ Toi, tu parleras quand Je te l’aurai demandé.

Lapinus ne savait comment réagir ; d’autant plus qu’il entendit Lescure marmonner :
_ C’est toujours pareil quand on a des invités… ‘Faut qu’Il joue à c’ui qui commande…
D’accord, c’était à peine audible ; mais le Très-Haut étant omniscient, il avait parfaitement entendu. Or, Il ne réagit pas et continua à parler à Lapinus :
_ Tout d’abord, J’ai bien senti que Lescure allait commencer à s’énerver à répondre à toutes tes questions. Ceci n’est point un reproche : tout être humain serait curieux s’il vivait ce que tu es en train de vivre. Ensuite, bien que tu aies acquiescé aux paroles de Mon cher ami, j’ai bien vu que tu étais sceptique face à Ma faculté à modifier le cours du temps comme Je le souhaitais. Inutile de nier, tu sais très bien que l’on ne peut rien me cacher. Je t’ai très distinctement entendu penser « C’ui-là, avec ses grands airs, j’ai eu dès le début l’impression qu’il me prend pour une bonne poire. Conseille du Très-haut, c’était déjà gros. Mais alors qu’Il puisse décider d’où le temps s’écoulait plus ou moins rapidement, c’est dur à avaler… ».
Lapinus baissa les yeux. Tout était vrai, bien sûr.
_ Eh bien, maintenant tu vois que tu t’es trompé ! Et permets-Moi de te donner un conseil : sache que Lescure en sait plus que n’importe qui, fors Moi-même, sur le fonctionnement de l’au-delà, et qu’il n’a aucune raison de te mentir. Je t’engage donc à croire ce qu’il te dit, et ce pour ton bien.
Il y eut un blanc.
_ Je vois que tu ne dis rien alors que tu as sans doute une centaine de choses à Me dire. Je peux même savoir lesquelles — tu y penses tellement fort. Mais étant donné que notre amie Lescure n’a pas encore, comme Moi, le don de tout percevoir, il serait agréable pour lui que tu les formules à haute voix, afin qu’il en profite également.

Lapinus ne savait que penser. Tant de choses dont il avait été certain toute sa vie étant remises en doute, tant de choses qu’il ignorait lui étaient apprises ; le tout en très peu de temps. Tout d’abord, Lescure osait tenir tête à Dieu — oser n’est certainement pas le terme adéquat, tant Il semblait juger cela tout à fait normal et ne pas s’en formaliser. Ensuite, Dieu lui parlé, lui, Lapinus, évêque rejeté par ses pairs, homme autrefois athée, politicien maintes fois condamné. Que fallait-il penser de tout cela ?
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Lapinus27



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MessagePosté le: Jeu Juin 18, 2009 5:21 pm    Sujet du message: Répondre en citant


      V — Premiers échanges avec le Très-Haut


Lapinus résolut de penser plus tard et d’agir au plus pressant : Dieu lui parlait et lui avait même demandé quelque chose. Il fallait Le satisfaire le plus rapidement possible — il était inconcevable que l’on puisse Le faire attendre. Rassemblant ses esprits, Lapinus dit, ou plutôt balbutia :
_ Euh… Vous… Je ne sais par où commencer.
_ Allons, mon cher ami, toi qui as été un tel orateur toute ta vie…
_ C’est que j’avais l’habitude de parler à des gens bien réels, dont je pouvais voir les corps, visages et réactions. Je n’ai jamais débattu dans le vide, tant au propre qu’au figuré.
_ Soit.


Un pan de brume se dissipa, agrandissant ainsi le trou dans le nuage. À l’endroit jusqu’alors recouvert de flou artistique apparurent trois sièges. Les deux sièges des extrémités étaient identiques tant par leur forme que par leur vacance. Celui du milieu était plus haut et plus large que les autres. Tous trois étaient vides.
_ Cela va mieux, maintenant ?
Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, la voix ne venait pas du siège du milieu — sa provenance restait incertaine.
Ces évènements firent tant réfléchir Lapinus que celui-ci ne répondit pas à la question du Très-Haut. La réplique ne se fit pas attendre :

_ Au lieu d’analyser la sémantique et la symbolique des dorures des sièges, si tu répondais à Ma question ?
_ Euh… Oui, bien sûr…
_ Ce support matériel t’aide-t-il ?
_ Oh oui !
_ C’est vraiment très stupide de Me mentir, tu devrais le savoir.
_ En effet, il va falloir que je m’y fasse.
_ Tu comprends vite. Donc, tu n’arrives toujours pas à converser avec Moi alors qu’il y a mille questions que tu aimerais me poser. C’est incroyable, pour un homme qui explosait d’imprécation, qui éructait avec une telle verve chaque fois qu’un de ses ennemis… Tibère de Plantagenest, par exemple, ouvrait la bouche !
_ Tibère est une vraie femmelette !
_ Tu as tort.
_ Peut-être. Toujours est-il que, avec lui, c’était plus facile.
_ Soit.


Instantanément, le corps du Primat de France fut posé sur le trône. Celui-ci ouvrit la bouche :
_ On ne pourra pas dire que je n’aurai pas tout fait.
Bien que la bouche s’ouvre et se ferme sans que le doublage ressemble à celui d’une vieille série américaine, la voix ne provenait pas de là. Néanmoins, c’était déjà beaucoup mieux.
_ Vous m’obligez…
_ C’est le but. Allons, arrêtons de tergiverser. Parle-Moi comme si J’étais Tibère, oublie qui Je suis en réalité. Ne te soucie pas de Me manquer de respect à cause de cela.

Lapinus trouva l’exercice amusant.
_ Bien. Quelle est la troisième raison ?
Lescure, qui n’avait ni bougé ni parlé depuis que Dieu lui avait enjoint de se taire, eut un petit rictus. Comme la tête de l’hologramme se tournait vers lui, il dit :
_ Il est bon, hein ?
_ Une fois de plus, J’ai eu raison de t’écouter.

L’hologramme se retourna alors vers Lapinus :
_ Si J’avais su que cela suffirait, Je l’aurais fait plus tôt.
_ Je note que Vous n’êtes pas aussi omniscient que l’on me l’a répété. Mais n’éludez pas, je Vous prie.

Le silence qui suivit cette réplique mit Lapinus mal à l’aise : il pensa un instant avoir été trop loin.
_ Je… Vous m’aviez dit de faire comme si…
_ Oui, Je sais bien. Je t’ai dit de ne pas craindre de Me manquer de respect, donc ne te retiens pas par crainte d’aller trop loin. Je remarquais simplement que, avec toi, tout est une question de motivation.

Lapinus nota qu’il pouvait tenter de ridiculiser Dieu comme il avait tant de fois ridiculisé Tibère, et se dit qu’il avait bien de la chance. Il repartit de plus belle :
_ Avec l’humanité entière, tout est une question de motivation : il suffit de trouver la motivation de chacun, tout homme a son prix — vous éludez à nouveau.
_ J’avais parlé de deux raisons.
_ Et Lescure de trois.
_ Et tu le crois lui plutôt que Moi ?
_ À voir comment Vous avez réagi lorsqu’il a dit que Vous en aviez trois, j’ai toutes les raisons d’accorder du crédit à l’ami Lescure.
_ Je ne sais pas s’il est bon que je te l’avoue.
_ Il est trop tard pour reculer. Il aurait fallu écarter Lescure pour pouvoir y échapper. Ou bien m’écarter moi.
_ Ce qui n’est pas envisageable.
_ Pardon ?
_ La troisième raison est que je n’avais plus envie d’attendre.

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MessagePosté le: Sam Juin 20, 2009 6:57 pm    Sujet du message: Répondre en citant


      VI — Suite du dialogue avec le Très-Haut


Lapinus ne savait plus à quel Saint se vouer. Lescure discutait avec le Très-Haut comme à un vieil ami pilier de taverne, c’était déjà dur à avaler. Ensuite, que Lescure lui-même, homme universellement adulé, insiste pour venir accueillir Lapinus sitôt celui-ci trépassé, c’était intriguant. Après, Dieu avait énormément donné de Sa personne pour que Lapinus daignasse lui parler. Et maintenant, Il lui apprenait qu’il avait ardemment désiré converser avec lui.
Que fallait-il penser de tout cela ? Les hommes avaient-ils tellement eu tort ? Cela semblait peu probable : même des personnes que Lapinus respectait le détestaient — et ils devaient avoir de bonnes raisons. Que fallait-il alors penser ? Peut-être Dieu était-il, à l’inverse, désireux de dire son fait à Lapinus ? Oui, cela était plus plausible. Dieu voulait certainement réserver à Lui-même le privilège d’annoncer à cet homme qui avait été un si mauvais serviteur de Sa personne et un si mauvais représentant de Sa religion qu’il allait aller se les geler sur le Lune. Et Il avait bien dû rigoler en voyant Lapinus penser qu’Il était impatient de converser avec lui, alors qu’Il voulait tout simplement lui annoncer Son terrible verdict.
Il fut interrompu dans ses pensées par la Voix
(*) :
_ Lescure, je vais à nouveau avoir besoin de tes services. Tu vas faire le même trajet que pour aller chercher Lapinus.
_ En l’honneur de ?
_ L’ermite de Saint-Antoine de Galamus.
_ Ah, le baron de Saint-Félix ?
_ Il avait, de son vivant, abdiqué en faveur de son fils, le jeune Cristòl.

Lapinus émergea à ce moment-là :
_ Rekkared est mort ?
_ Non, mais cela ne va pas tarder. De toute évidence, il est préférable que Lescure n’attende pas que ce soit chose faite avant d’aller l’accueillir. Va, mon ami ; je saurai m’en sortir seul.

Lescure sortit par un endroit différent de celui par lequel lui et Lapinus étaient entrés.

Un long silence s’ensuivit. Lapinus priait pour que Dieu le rompe, puis se rendit compte que c’était plutôt stupide étant donné que l’objet de la prière et le destinataire ne faisaient qu’un. Il se résolut donc à prendre la parole :

_ Soit Vous Vous amusez à battre le record de contradictions en une heure — ou toute autre durée —, soit je suis totalement dépassé par les évènements.
_ Je ne m’abaisse pas à battre de records, Je les détiens tous par essence.
_ C’est bien ce qu’il me semblait. Auriez-Vous l’obligeance de m’éclairer ?
_ Pose-Moi toutes les questions que tu souhaites, J’y répondrai.
_ Mon traitement est-il celui que l’on réserve à tous les humains ?
_ Non.
_ C’est ce que j’ai cru jusqu’à ce que Vous enjoignez à Lescure d’aller accueillir Rekkared.
_ C’est différent.
_ En quoi ?
_ Ce « traitement », comme tu dis, est réservé à des personnes ayant été exceptionnellement pieuses durant leur vie, ou bien à des personnes avec qui J’aimerais M’entretenir personnellement.
_ Vous désiriez Vous entretenir avec moi, prélat rejeté par ses pairs, moi qui n’ai jamais cessé de manipuler tous les humains que je fréquentais ?
_ Oui.
_ Il doit bien y avoir une raison.
_ Crois-tu qu’il y a réellement une raison à tout ?
_ Je… Vous êtes certainement mieux placé que moi pour répondre à cette question.
_ Soit ; passons. En l’occurrence, il y avait une raison — très simple, d’ailleurs.
_ Je brûle de la connaître.
_ Le livre des Vertus, le mythe aristotélicien, l’éclipse, la résurrection.
_ Oh non, ça recommence.
_ On risque de ne jamais en sortir tant que tu ne connaîtras pas la vérité.
_ Mais je ne veux que cela, nom de Di… nom d’un chien ! Toute ma vie n’a été qu’une recherche éperdue de la Vérité, avec un V majuscule ; et même mort je ne fais que la vouloir ! C’est Vous qui me la refusez !



(*) Ce n’est pas celle de Secret Story, au cas où.
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Lapinus27



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MessagePosté le: Jeu Juin 25, 2009 7:21 pm    Sujet du message: Répondre en citant


      VII — Fin du dialogue avec le Très-Haut


Alors, Tibère disparut, bientôt suivi par les trois sièges. Un pan de brume vint recouvrir l’endroit qui avait été libéré pour accueillir le mobilier.

_ Nous n’avons plus besoin de cela.
_ En effet.
_ Ce qui t’est revenu à la mémoire lorsque tu marchait en compagnie de Lescure est vrai, mais incomplet : c’est une des pièces du puzzle. Tu as effectivement quitté ton enveloppe charnelle une première fois et tu M’as été présenté. Je t’ai alors laissé le choix entre deux options, et tu as choisis de redescendre sur Terre pour tenter de te racheter.
_ Je sais tout cela. Quelles sont les autres pièces ?
_ Le bilan de ce choix, pardi !
_ Je commence à comprendre.
_ J’en suis ravi.
_ Je serais donc ici pour entendre de Votre bouche le bilan de mon travail d’expiation ?
_ Voilà.
_ Et étant donné que ce n’est pas la première fois que je suis ici, je suis un client un peu spécial ; ce qui semble justifier l’accueil fait par Lescure.
_ Entre autres.
_ Ah ?
_ J’avais parlé de plusieurs pièces du puzzle.
_ Je brûle de connaître les autres.
_ Oh, ne compte pas sur Moi pour te les livrer toutes — ne dit-on pas que Mes voies sont impénétrables ? Je puis par contre te donner quelques autres éléments. Par exemple, J’étais réellement curieux de converser avec toi ; car tu es une personne réellement atypique. D’habitude, Ma tâche est plutôt aisée — à tel point que je délègue de plus en plus, dans ce domaine-ci de mes attributions — : un homme d’Église ayant correctement géré son diocèse ? Sur le Soleil ! Un homme ayant été par trois fois condamné par la justice temporelle, maltraitant ses subordonnés et s’adonnant au plaisir de la chair malgré qu’il ait prononcé des vœux ? Sur la Lune ! Mais que faire d’un évêque dont le diocèse fonctionne à merveille et qui a copulé avec son archidiaconesse ? Vois-tu, cette question que Je viens de formuler n’est même pas une question rhétorique : je n’en connais Moi-même la réponse.
_ Vous n’avez donc pas encore tranché ?
_ Non.
_ En ce cas, que fais-je ici ?
_ Ta présence ici peut être expliquée par plusieurs raisons que J’ai déjà citées, ou bien par celle-ci : J’avais tout d’abord envie de répondre à quelques unes de tes interrogations.
_ Ça tombe bien, il y en a justement une qui me revient à l’esprit.
_ Je t’écoute.
_ Lescure m’a dit qu’il était Votre conseiller, et qu’il lui arrivait même de contester certaines de Vos décisions. Cela va à l’encontre de l’image du Dieu omnipotent et omniscient.
_ C’est tout ? Ce n’est pas une question, ça.
_ Grumpf. Je reformule : dans quelle mesure cédez-Vous certaines parties de Votre pouvoir à Lescure ou à d’autres et pour quelles raisons ?
_ Voilà une question fort judicieuse. La réponse est excessivement simple. Il faut tout d’abord penser que ce n’est pas parce que l’on commande un peu moins que l’on règne moins pour autant — et régner est bien mieux que commander. Ce qui Me caractérise, ce n’est pas la puissance : c’est la gloire. C’est tellement beau la gloire — de la trompette jouée par les anges en Mon honneur, des milliers de prières M’implorant chaque jour, de somptueuses cathédrales élevées en Mon honneur… Tout ce que Lescure et d’autres n’auront jamais, même si Je leur déléguait la moitié de Mon pouvoir.
_ C’est tellement vrai.
_ Et tellement simple également, comme je te l’ai dit.
_ Il y a tout de même là-dessous une réflexion complexe…
_ Mais non. Moi, J’y ai réfléchi, mais toi tu as fait pareil sans penser à tout cela.
_ Moi ?
_ Parfaitement. N’as-tu pas créé un poste d’archiviste pour te débarrasser de certaines tâches ?
_ Je suis flatté de la comparaison.
_ Tu ne devrais pas. Tu n’es pas le seul à faire cela. Il y a même plus de prélats qui le font que de prélats qui ne le font pas — mais aucun n’a pensé à tout cela.
_ En effet.

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Lapinus27



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MessagePosté le: Dim Juin 28, 2009 7:41 pm    Sujet du message: Répondre en citant


      VIII — Le départ


_ Pour en revenir au point de départ — les raisons qui M’ont poussé à te réserver un tel accueil — : J’avais non seulement envie de te parler, mais Je désirais aussi te faire une proposition.
_ Mon Dieu.
_ Oui ?
_ Norf, il faudra que je trouve une autre exclamation. En l’occurrence, je voulais dire que Vous me faites beaucoup d’honneur.
_ Arrête de toujours tout ramener à toi ! Et tu t’étonneras que nombre de tes semblables aient eu du mal à te supporter ? C’est au-delà du nombrilisme, ça ! Nom de Moi !

Il y eut un silence. C’était le premier blâme divin que subissait Lapinus.
_ Je vais te faire cette proposition uniquement parce que ça M’arrange. Là. Parce que Moi, je peux me permettre d’être nombriliste. Même si je n’en ai pas.
_ Même si Vous n’en avez pas ?
_ De nombril, of course.

Lapinus sourit.
_ Cette proposition M’arrange parce qu’elle va M’aider dans mon choix à ton propos, et de deux manières. Primo, elle va Me donner du temps. Secundo, ton attitude lors de cette proposition va M’éclairer sur le vrai toi.
_ C’est donc une proposition qui s’étale sur le temps ?
_ Le temps, le temps…
_ Oui, je sais que tout est relatif ici ; mais de mon point de vue, cela va durer ?
_ Oui.


Lescure choisit ce moment-là pour réapparaître.
_ Mission accomplie, Chef.
_ En es-tu sûr ? Je t’avais demandé de me ramener Rekkared et Je ne le vois point.
_ Je l’ai fait patienter un peu en retrait, étant donné que Vous n’en aviez pas fini avec Lapinou.
_ Il faudra que Je songe à bâtir une salle d’attente, bientôt. Enfin, reprenons. Lescure, tu arrives à propos : J’allais annoncer ma proposition à notre ami.
_ Je m’en serais voulu de rater ça !
_ J’ai peur.
_ Tout d’abord, Je me dois de te poser la question rituelle. Désires-tu retourner sur Terre ?
_ Pour voir la face de postérieur de monseigneur Verty et entendre Tibère anoner ses discours à l’Assemblée ? Non merci !
_ J’en étais sûr. Maintenant, Je vais t’expliquer Mon idée. Mon cher ami, Je te propose tout simplement de visiter la Lune et le Soleil afin de te rendre compte de ce qui t’attendra des deux côtés.
_ Mon Dieu !
_ Oui ?
_ Raaah ! Je voulais dire… Bref. Comme Sypous ?
_ Parfaitement.
_ Mon Di… Je veux dire, Ciel ! Euh, non plus… Enfin, vous avez saisi l’idée… J’ai peur de me perdre ou de faire de mauvaises rencontres.
_ Juste. C’est pour cela que Lescure s’est proposé pour t’accompagner.
_ C’est vrai ?
_ Puisqu’Il te le dit !
_ Certains théologiens prétendent que toute âme a droit à ce voyage avant de connaître son jugement.
_ Ces théologiens sont des ânes ! Comme si J’autorisais n’importe qui à visiter Ma création !
_ C’est bien ce qu'il me semblait. J’accepte.
_ J’en étais sûr.
_ Moi aussi.
_ Je vous remercie de votre dévouement, Lescure.
_ Oh, je le fais pour moi aussi… La dernière fois que j’ai fait cela, c’était lors de la mort de Kreuz. Et je te garantis que l’on s’amuse beaucoup en faisant ce Voyage.
_ Je vous crois sur parole.
_ Puisque nous allons voyager ensemble pendant longtemps, autant se tutoyer.
_ Je pourrai ainsi me vanter de tutoyer un saint.
_ La classe, hein ?
_ Bon, quand partons-nous ?
_ Eh bien… Que diriez-vous de… Tout de suite ? Rekkared doit commencer à trouver le temps long.


Aussitôt, le rideau de brume et Lescure se dématérialisèrent ; puis Lapinus sentit que lui-même était emporté très loin par une force supérieure.
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MessagePosté le: Dim Juil 26, 2009 12:42 am    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
DEUXIÈME PARTIE : La Lune




      I — Lucifer, ou l'acédie


_ Mais on se les gèle, ici !
_ Tu aurais dû t’en douter…
_ Ne me dis pas qu’Il espère que l’on va tenir longtemps à cette température !
_ Quand je visite cet endroit, Il s’arrange habituellement pour que j’aie moins froid… Je ne sais pas ce qu’Il fait.

Une voix tonna :
_ Je fais ce que Je peux ! J’avais un fléau à balancer…
Un hâle rougeâtre entoura immédiatement Lescure et Lapinus.
_ Ah, ça va mieux.
_ Je n’en crois pas un mot.
_ Si, je t’assure que j’ai moins froid… Ça ne marche pas, chez toi ?
_ Si. Mais je parlais du fléau. Il est omnipotent et sait donc faire plusieurs choses en même temps — même certains humains y arrivent. Je Le soupçonne donc d’avoir voulu me faire peur en me montrant ce que je risquais de subir pour l’Éternité s’Il décidait de me placer ici.

Silence.
_ Il est bon, hein ?
_ Il commence à le devenir de trop. Allez, commencez votre visite !


Ils s’avancèrent donc. Jamais Lapinus ne fut plus heureux d’avoir pris une initiative que ce jour-là : il se bénissait d’avoir demandé à Lescure de l’accompagner. Seul, il aurait supplié Dieu d’annuler son voyage sitôt le premier pas effectué.
La désolation matérialisée. Voilà ce qu’était la Lune. On avait du mal à croire que des âmes puissent errer dans un univers aussi lamentable. Il serait inutile de décrire par le menu tout ce que Lapinus voyait : le poids des mots n’atteindra pas la choc des images. La seule chose intéressante à transcrire est la suivante : contrairement à la vision moderne et scientifique de la Lune « satellite naturel de la Terre », cette Lune-là avait une atmosphère. Il aurait été préférable qu’elle n’en eusse pas, tant celle dont Dieu l’avait dotée rendait non pas la vie mais l’existence même insupportable. Sans atmosphère, cela aurait été simplement atroce. Avec celle qu’Il avait créé, c’était inhumain. Cela paraissait néanmoins logique.
Lapinus était d’autant plus terrifié de ces premières impressions qu’elles découlaient exhaustivement de ce qu’il voyait depuis son arrivée c’est-à-dire la face émergée de l’iceberg. Il n’avait en effet encore rencontré personne : il s’était contenté de faire quelques pas, se laissant guider par Lescure, et de contempler — bien que le mot soit très mal choisi — le paysage — idem — qui s’offrait à lui. Il se surprit à frissonner en se demandant quel pouvait bien être le sort que l’on réservait aux âmes des damnés, tant le lieu où ils devaient errer était déjà atroce.

Sentant confusément que le fait de savoir ce qu’il allait voir diminuerait le choc lorsque le moment de la vision arrivera, il se risqua à interroger Lescure :

_ Dis-moi, Lescure… Qu’est-ce qu’on leur fait, aux condamnés ?
_ Pardon ?
_ Ben oui, il faut bien les punir, non ? C’est la finalité de leur présence ici, après tout. Donc vous leur faites subir des tortures ou des choses comme ça ?

Contrairement à toute attente, Lescure commença alors à rire.
_ Franchement, mon bon ami, tu ne trouves pas que la seule présence d’une âme ici est déjà une punition suffisante ?
_ Je l’ai pensé, en effet. Mais j’ai éliminé cette possibilité parce que cela voudrait dire que tout le monde est puni de la même manière, alors que personne ne pèche également.
_ Très juste. C’est pour cela que l’on agrémente leur présence de quelques petites choses. Des choses très loin de tortures ou de supplices. En fait, ce sont simplement des contraintes de vie — ou plutôt de mort. Nous les forçons à vivre — si je puis dire — sous certaines conditions, dépendant de la nature du péché qui les conduit ici.
_ C’est un concept difficile à saisir.
_ Un bon exemple t’aidera à comprendre.
_ Encore faut-il que nous en ayons un à nous mettre sous la dent. Jusqu’ici, nous n’avons croisé personne…
_ Il faut croire que Quelqu’un t’a entendu ; nous arrivons en vue d’un condamné. Un condamné plutôt récent, d’ailleurs.


Ils arrivèrent en vue d’une table remplie de parchemins divers. Un très vieil homme était assis sur un tabouret devant cette table, et semblait fort occupé à la rédaction de diverses choses.
Lapinus, plissant les yeux, essaya de distinguer les traits de son visage. Il crut tout d’abord que sa myopie lui jouait à nouveau des tours, tant ce qu’il voyait semblait improbable. Mais plus il s’avançait et plus il devait se rendre à l’évidence : l’homme assis sur un tabouret délabré, occupé à griffonner convulsivement sur des bouts de parchemin n’était autre que…

_ Frère Nico ?!
_ Eh oui, Frère Nico…
_ Pardon ?
_ Ah oui, avant toute chose : si tu veux lui parler, n’hésite pas à t’exprimer très clairement… Il est devenu un peu dur de la feuille.
_ Mais enfin, Lescure, c’est une plaisanterie ?
_ Non, non… Mais c’est très long à expliquer.
_ Mais enfin Lescure, qui est cet homme ? Que venez-vous faire ici ?
_ Ne vous occupez pas de nous ; continuez. Lapinus, vient par là.


Assis sur une espèce de roche vers laquelle Lescure avait entraîné Lapinus, ils se regardèrent un instant silencieusement. Ce fut Lescure qui se décida à rompre le silence :
_ C’est une idée à moi.
_ Le contraire m’eut étonné.
_ Oh, c’est bon hein… J’ai eu cette idée que je Lui ai soumise, et Il a accédé à ma requête.
_ Encore une fois ! Non mais vous êtes complètement cinglé, Lescure ! Et oui je vous vouvoie à nouveau, car j’ai soudainement bien moins envie de me rapprocher d’un être tel que vous ! Cet homme est un des pères fondateurs de l’Église moderne ! Ce n’est tout de même pas à vous que je dois apprendre cela ! Vous connaissez comme moi la longuissime liste des institutions temporelles aussi bien que spirituelles qu’il a créées, presque à chaque fois de toute pièce ! Et vous, vous tentez de pervertir Dieu en essayant de Le convaincre que cet homme a sa place sur la Lune ?! Et le pire, dans tout ça, c’est que vous y êtes arrivé !

Il y eut un long silence.
_ C’est plus complexe que cela.
_ Il me tarde d’entendre vos explications, réellement !
_ Il faut savoir que Nico est en fait un prototype.
_ De mieux en mieux !
_ Mais arrête de m’interrompre, à la fin ! C’est déjà assez complexe comme cela ! Laisse-moi aller jusqu’au bout ; tu auras un droit de réponse après.
_ Soit.
_ Il est donc un prototype. Prototype car il est le premier à être envoyé ici pour les motifs qui m’ont et L’ont poussé à agir ainsi. En réalité, il est le premier damné par procuration.
_ Nooon ?
_ Si. Tu n’ignores pas que Nico, parmi toutes les choses qu’il a accomplies, a fondé l’ordre franciscain. Et comme il y a en ce moment, sur Terre, un paquet de franciscains qui ont déjà leur place réservée ici mais qui tardent à venir l’occuper, j’ai pensé que ce serait une bonne chose de commencer dès à présent le processus expiatoire. En fait, c’est l’élection d’Ecaterina comme cardinal qui m’a motivé.
_ Elle n’est pas franciscaine, pourtant.
_ Non, mais c’est Clodeweck le franciscain qui a œuvré à son élection. Élection qui est une aberration. Et la promotion et les frasques de divers autres membres de l’ordre qui ont suivi me donnent tout lieu à me réjouir de cette sage décision : Tibère à Arles, Verty à Bourges… Tout cela rajouté à Angus en Bretagne et à l’inquisition, ça fait vraiment beaucoup.
_ Incroyable !
_ Alors, tu es toujours autant révolté ?
_ Non, plus du tout… Mais tu es vraiment méphistophélique, Lescure !
_ On me le dit souvent. Heureux d’être à nouveau tutoyé.
_ Mouais. Je ne devrais certainement pas. Et quelle est la contrainte de vie de Nico ?
_ Ah, ça, c’est une autre de mes idées.
_ Aïe. Pauvre Nicolaïde…
_ En fait, comme le péché principal de tous les franciscains est l’acédie (ce n’est plus un secret pour personne), j’ai décidé de forcer Frère Nico à travailler sans cesse. Aussi, il est obligé de passer le plus clair de son temps à recopier des livres de comptes dont les nombres sont vraiment, vraiment très petits sur des parchemins.
_ C’est horrible !
_ Et pourtant je ne t’ai pas encore dit le pire.
_ Mon Dieu !
_ Oui ?
_ Mais non !
_ Celui-là, Il est toujours là quand on n’a pas besoin de Lui et absent quand on Le réclame !
_ Lescure, ne me fais plus languir !
_ Sa tâche est danaïdesque : ce qu’il écrit sur les parchemins s’efface dix secondes après.

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MessagePosté le: Lun Aoû 03, 2009 8:20 pm    Sujet du message: Répondre en citant


      II — Léviathan, ou la colère


_ Lescure, vous me devez des explications !
_ Oh non…
_ Pardon ?!
_ Je disais : ah bon.
_ Oui, ah bon ! Non content de venir me tirer de ma paisible vie sur le Soleil pour m’emmener dans cet endroit sinistre où mes saintes burnes se les gèlent, non content de me faire travailler comme un forçat — oui, comme un forçat, farpaitement ! —, non content de me forcer à côtoyer des personnes de très mauvais genre ; voilà que vous venez à présent m’importuner avec vos amis !
_ Voyons, calmez-vous, Nico…
_ Non, je ne me calmerai pas ! J’en ai assez de gratter des parchemins — de mauvaise qualité, de surcroît — pour des prunes ! J’en ai assez d’être assimilé à toute cette masse difforme de parias, de condamnés ! J’en ai assez de devoir me mêler à cette… à cette pègre ! J’en ai assez de grelotter constamment !
_ Psst… Je rêve ou il se répète ?
_ Chut…
_ Mais même toutes ces abominations, j’étais arrivé à le supporter ; j’avais réussi à trouver un semblant d’équilibre. Mais si maintenant vous venez me narguer, je rends mon tablier ! Là !
_ D’accord, Nico, nous partons.
_ Et n’y revenez plus !
_ Promis.
_ Parce que je suis cardinal, moi ! Ancien archevêque d’Embrun ! Et j’ai toujours de très hautes relations dans l’Église ! Des relations qui pourraient très bien m’aider à faire condamner deux maures tels que vous !
_ Mais oui Nico, mais oui.


Il s’assirent sur une roche semblable à la première, hors de vue de Nico, cette fois.
_ Mais il délire et est sourd comme un pot ! Tu ne peux pas le laisser ici, Lescure ! Tu vois bien que ça le rend complètement sonné !
_ Du calme, du calme… S’il y a une chose que tu dois apprendre, c’est tirer les leçons de tes erreurs passées afin de ne plus commettre les mêmes.
_ Hein ?
_ Quand tu as appris que j’avais décidé de placer Nico sur la Lune, tu as commencé à tempêter avant de me laisser t’expliquer. Or, après explications, tu as regretter de t’être emporté. Mais voici que tu recommences à faire exactement la même chose.
_ Soit. Explique-toi donc.
_ Nico délirait et était devenu dur d’oreille bien avant d’être amené ici. À vrai dire, sa sénilité a même débuté avant sa mort.
_ Pardon ?
_ Mais oui. Tu n’as donc pas lu la grandiose Courte synthèse de l’exutoire rédigée par feu Franchesco Trufaldini (*) ?
_ Euh, ma foi…
_ Hummm, ils ont dû la détruire ou l’enfermer à double tour… D’un côté, on peut les comprendre… Eh bien, un chapitre de cette synthèse traite, je cite : « du vieillissement de frère Nico ».
_ Lescure, tu es resté un peu trop longtemps au soleil.
_ Tu ne me crois pas ?
_ Non. Je n’ai vraiment aucune raison de croire pareille énormité.
_ Et pourtant, tu devrais.
_ Ah non ! Il ne va tout de même pas surgir pour confirmer tes hypothèses les plus délirantes chaque fois que j’en doute ?
_ C’est ce que Lescure M’a pourtant demandé de faire. Mais, en l’occurrence, tu devrais l’écouter.
_ …
_ Et donc, dans ce chapitre, le cardinal y explique que, dès le début du concile extraordinaire, « l’homme ouvrait les salles en éructant à chaque fois une espèce de bouillie que je qualifierais de spumescente ». Il cite également quelques « "paroles" édifiantes » de Nico, parmi lesquelles citons pêle-mêle : « wdvdhbhsq », « Poueeeeeet ! » ou encore « Gasp ! ».
_ Pitié, dites-moi que c’est du délire.
_ J’aurais préféré que cela en soit, mais hélas…
_ Et si tu y réfléchis bien, cela paraît logique. Cet homme a tant créé, tant réformé, tant dirigé, bref, en un mot, tant travaillé, que son cerveau a dû se déconnecter très prématurément. Au regard de tout ce qu’il a réalisé durant sa vie, il est même extraordinaire qu’il ait survécu tant de temps.
_ Et maintenant ?
_ Il ne vieillit plus. Au moment de mourir, il était déjà comme cela. Par moments juste un peu sourdingue mais très lucide, et à d’autres moments complètement sénile et délirant. Le séjour sur le Soleil n’a pas fait reculé sa sénilité mais ce séjour sur la Lune ne la fait pas progresser.
_ Au fond, c’est très simple.
_ Eh oui. Tout ce que je fais résulte de raisonnements simplistes. Il faut certainement connaître tous les éléments.
_ Je sens que je ne vais pas regretter ce petit voyage avec toi !
_ À ce propos, si vous le continuiez ? Je ne vous ai pas envoyé ici pour boire un café !
_ Un quoi ?
_ Une boisson africaine importée en Europe par les vénitiens, aux alentours de 1600. Ça a remplacé la tisane.
_ Vous parlez au passé d’une boisson qui, de mon point de vue, n’existera que dans le futur ?
_ C’est ça quand on est Moi : on fait ce qu’on veut de la grammaire, de la concordance des temps et de tout le reste.


Ils se levèrent et recommencèrent à marcher, Lescure en tête.
_ Où va-t-on cette fois, Lescure ?
_ Visiter les disciples de Léviathan.
_ Des colériques, donc.
_ Si on veut…
_ Léviathan est pourtant le prince-démon de la colère.
_ Oui, mais il faut ici prendre le mot « colère » au sens théologique du terme… Cela ne concerne pas que ceux qui s’emportent facilement. J’espère ne rien t’apprendre en te disant que la colère est le vice de celui qui s’abandonne à sa haine de l’autre, ou qui de toutes ses forces tente de lutter contre sa condition.
_ Diantre, quelle encyclopédie ! Ce n’est pas l’Autre qui te l’a soufflé, au moins ?
_ L’Autre a autre chose à faire et aimerait qu’on lui témoigne un peu plus de respect !
_ Tu viens de perdre dix points.
_ Parce qu’il compte, en plus ?!
_ Mais nooooon, voyons.
_ Ouf.
_ Tu perds.
_ ...
_ Héhé.
_ Bon, arrêtons-là l’hémorragie aporétique. Lescure, pourrais-tu me citer quelques noms de condamnés pour colère, afin que je vois mieux quelles applications pratiques découlent de la belle théorie que tu m’as si obligeamment récitée ?
_ Je vais même faire encore mieux que de te citer platement des noms. Pourquoi crois-tu que nous sommes ici ?
_ Chouette, je vais voir quelques spécimens ! Je les connais un peu ?
_ Tu les connais plus qu’un peu. Tu as eu affaire à eux en Alençon, notamment. Et puis ils sont vraiment très connus, même en SRING.
_ Des noms ! Des noms !
_ Plus besoin de noms : nous arrivons. Regarde.
_ Pas possible ! C’est bien RicLayat !
_ Oui.
_ Et à côté de lui, c’est… nooon !
_ Eh si.
_ Xavier-Laurent de Krakov !
_ Et voilà.
_ Oh, il faut que j’aille leur parler !
_ Surtout pas ! Observons-les plutôt un instant, ce sera bien plus drôle. Comme tu les vois là, RicLayat profite d’un peu de temps libre pour rédiger ses mémoires.
_ Ça ne m’étonne pas vraiment.


RicLayat, en effet, était occupé à écrire avec une certaine hargne. Il ne s’interrompait que très peu. Non loin de lui, Xavier-Laurent lisait un livre intitulé « Comment prendre le pouvoir dans un duché en 10 leçons ».
Soudain, Ric relève la tête de ses écrits et lance à son comparse :

_ Dis-moi, Xavier-Laurent, je suis en train de décrire une scène à la campagne dans mes mémoires, et j’ai comme un trou.
_ Panne d’inspiration ?
_ Non non, j’hésite juste sur l’orthographe d’un mot. Peut-être pourrais-tu m’aider ?
_ Bien sûr Ric ! Quel est ton problème ?
_ Eh bien voilà : je ne sais plus si « un troupeau de bœufs » s’écrit avec un ou deux « p ».
_ Euh… Un ou deux « p » à « un troupeau de bœufs » ? Euh… Ça dépend du nombre de bœufs.
_ Oh là là ! Des centaines ! C’était un gros troupeau !
_ Alors, il faut deux « p » !
, dit XavierLaurent en se penchant sur la feuille de Ric.
_ Tu as sûrement raison. Moi euh… Sans mes lunettes, j’hésitais.
_ Hein ?! C’est comme ça que tu écris « un troupeau de bœufs » ? « T-r-o-u-p-ot » ?
_ Ben… Oui… Mais avec deux « p », naturellement.
_ Ha ha ! « Troupeau », ça ne s’écrit pas avec « o-t » mais bien avec « a-u » !
_ « A-u » ? Ça m’étonnerait, crétin ! Et je vais t’expliquer pourquoi ! Parce que si « troupeau » s’écrivait avec « a-u », eh bien, au singulier, ça se prononcerait « troupail » ! Ha ! Pauvre analphabète ! Dommage qu'il n'y ait pas d'école ici !

Xavier-Laurent, un peu sonné, retourna à sa lecture en articulant lentement :
_ Un troupail… ?
_ Un trouppau… Un trouppot… Il me fait hésiter cet idiot ! Je vais plutôt écrire « une ordre de bœufs » !
(**)

Lapinus pleurait littéralement de rire.
_ Mon Dieu, ces deux-là ne changeront donc jamais ! Ils sont restés tellement pareils que je n’ai pas envie d’aller leur parler : ils me serviront les mêmes stupidités qu’ils me servaient du temps où l’on était forcés de se fréquenter. Mais, dis-moi, Lescure, nous les avons vus ici pendant un peu de temps libre ; ce qui implique qu’il y a une partie de leur temps qui est occupée à quelque chose, sans doute cette fameuse « contrainte de vie ». Quelle est-elle ?
_ C’est très simple, vraiment. Toute leur vie, ils ont lutté contre la condition qu’Il avait décidé de leur donner, toujours au péril de leur équilibre et souvent au péril de l’équilibre des autres et de la communauté. Leurs décisions ne découlaient jamais d’une réflexion dûment mûrie : c’était chaque fois des coups de tête. Cela explique pourquoi cela c’est toujours très mal terminé pour eux. Ça, c’est le principe de la colère. Mais le problème, c’est que cela ne se terminait pas mal que pour eux : cela affectait également les autres et la communauté. RicLayat n’a pas pu prendre le pouvoir sur la maréchaussée alençonnaise, mais il cela a également entraîné la démission de la duchesse et la pitoyable régence royale qui s’ensuivit. Xavier-Laurent n’a jamais réussi à se faire reconnaître comme maire légitime d’Argentan, mais cela a également entraîné une révolte contre le conseil ducal.
_ J’ai compris le principe.
_ Donc, comme le péché fondamental était de vouloir par tous les moyens se hisser à une place supérieure aux autres ; et comme le péché secondaire était de se laisser aller à ses pulsions primaires et de ne pas songer aux conséquences de ses actes, j’ai décidé et Il accepté de faire de Xavier-Laurent et de RicLayat des larbins.
_ Superbe !
_ Mais attention : pas des larbins pour les personnes sur le Soleil. Non, ils sont inférieurs même à tous les condamnés d’ici. Ils n’ont pas le droit d’effectuer leurs punitions à leur place mais doivent accepter n’importe quelle autre tâche : laver les pieds de ceux qui le demandent, toutes choses comme ça.
_ Décidément, quelle imagination ! Mais, dis-moi, j’ai une dernière question.
_ Oui ?
_ C’est quoi, des lunettes ?




(*) Pour les intéressés, elle est disponible ici. Je ne sais pas trop si c’est un document RP ou HRP, mais la tentation était trop forte =p
(**) Scène du « troupeau » fortement inspirée de : Les aventures de Chick Bill par TIBET, album n°35 : Casanova Kid, Éditions du Lombard.

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