L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church

[Adelene]

[Adelene]

Nichée au cœur des Flandres, l’abbaye des frères grégoriens de Seclin s’éveillait lentement sous une brume rasante, habituelle en cette fin de mois de mai. Hélas. On sonnait les cloches, annonçant qu’un sacrement allait être célébré. Celui d’un enfant des Flandres. Plus précisément, il s’agissait de la confirmation d’un baptême, scellant l’onction reçue jadis à la source baptismale.

Dans la nef, des bancs avaient été retirés pour dégager l’espace autour du petit baptistère de pierre, taillé dans le calcaire blond de la région. Un tissu de lin blanc, bordé d’un liseré brodé à la main, recouvrait le rebord du bassin, et une carafe d’eau claire et bénite reposait à côté.

Le frère Escabèche, d’un pas claudiquant, vérifiait les derniers préparatifs, un vieux missel en main. Il s’attardait aux moindres détails, ajustant un candélabre ici, redressant un lutrin là. Il avait déposé une gerbe de fleurs sauvages, des anémones, quelques narcisses et de jeunes rameaux de saule près de l’autel.

Un encensoir avait été préparé et fumait depuis l’aurore, afin d’imprégner le mobilier, les murs et même les vitraux de ses volutes sacrées. Tout était prêt lorsque le cardinal de Kermabon arriva pour revêtir sa tenue liturgique.

On n’attendait plus que le baptisé, dont il s’agirait de confirmer l’appartenance à la communauté aristotélicienne, et sa marraine, que le cardinal était impatient de revoir.

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Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux

[Péris]

Un baptême avait toujours une touche émouvante, l'entrée dans la grande famille même s'il ne s'agissait que d'une confirmation. Péris arriva tranquillement et s'installa à une place disponible après avoir salué Adelene. Il était plus que logique que ce soit le Recteur - et surtout ancien Evêque de Malines - qui s'occupe de la cérémonie d'un Flamand.
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[Somas]

Les cloches résonnaient doucement dans l’air frais du matin, enveloppant la petite ville de Seclin d’un écho solennel.
La lumière perçait timidement à travers les vitraux colorés de l’église, peignant le sol de taches rouges et bleues.

Somas, vêtu d’une simple tunique de laine grise, Le vieux flamand avait délaissé son armure habituelle et sa fidèle épée. Il portait aux pieds de solides bottes de cuir, encore poussiéreuses du long voyage.
Parti plusieurs jours plus tôt, il avait traversé chemins de terre et sentiers forestiers, quittant le centre du pays pour rejoindre les Flandres.

Les cheveux tirés en arrière, le regard franc mais chargé de fatigue, Somas franchit les portes de la nef en silence, inclinant légèrement la tête devant le crucifix dominant l’entrée. Il n'était ici plus qu'un homme de foi.

Il venait recevoir sa confirmation de baptême. Un sacrement qu’il avait longtemps attendu, préparé par la prière et l’étude, souvent en secret, souvent dans le doute. La guerre et les troubles avaient repoussé ce moment à maintes reprises.
Mais aujourd’hui, il était là. Debout dans la maison de Dieu.
Aujourd'hui, il n'espérait qu'une chose, la venue de son amie et marraine.
Leur route s'était séparée soudainement, mais sa confiance en elle était inébranlable.


Somas approcha alors lentement, hocha la tête avec une bienveillance sobre au Cardinal et au père Péris.
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[Adelene]

À l’approche du baptisé, le Cardinal ouvrit les bras et le reçut tel qu’il était : humblement vêtu, en pénitent, s’offrant presque nu à la bienveillance du Très-Haut. Il lui accorda une accolade symbolique, marque de protection et de bénédiction.

Puis, prenant un pas de recul, il s’adressa à lui en pasteur :

Messire Somas de Franchimont, soyez le bienvenu en cette abbatiale Saint Origène, au cœur de l’abbaye grégorienne de Seclin. Ici, vous allez renouveler vos vœux et affirmer que vous êtes, avez souhaité être, et souhaitez demeurer un enfant du Seigneur tout-puissant, un maillon vivant de la communauté aristotélicienne. Ici, vous ne serez plus que Somas, un agneau parmi le troupeau.

Le Cardinal parcourut du regard l’assemblée, cherchant celle qui tenait un rôle essentiel dans cette cérémonie : la future marraine, amie de longue date, fidèle entre les fidèles. Ne l’apercevant pas, il se tourna de nouveau vers le futur baptisé :

Somas, me confirmez-vous l’arrivée imminente de votre marraine ? Et avez-vous également choisi un parrain ?

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Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux

[Somas]

Somas inclina légèrement la tête devant le Cardinal, touché par l’accueil empreint de chaleur et de gravité. Il laissa passer un bref instant de silence avant de répondre, sa voix posée mais sincèrement teintée d’une légère inquiétude.

Éminence, je vous remercie pour vos paroles et pour l'honneur que vous m’accordez en m’accueillant en ce lieu saint.
Je suis venu ici le cœur ouvert, désireux de renouveler mes vœux dans la lumière du Très-Haut et de marcher avec humilité au sein de notre communauté.

Il marqua une pause, son regard dérivant un instant vers les portes de l’abbatiale, toujours closes.

Ma marraine, Dame Piscalie, est une amie fidèle et précieuse à mes yeux. Son absence m’étonne…et je l’avoue, m’inquiète. Elle n’est jamais en retard sans raison valable. Je veux croire qu’elle fera son entrée d’un instant à l’autre.

Un soupir discret, presque imperceptible, trahit son trouble, mais il se reprit aussitôt, le regard à nouveau assuré.

Néanmoins, en prévision de toute éventualité et avec votre permission, Éminence, j’ai en effet, souhaité également proposer un parrain. Mon frère aîné, Sebastian, homme de foi et de droiture, serait pour moi un guide solide et loyal dans ce cheminement spirituel.

Puis avec une révérence respectueuse, il conclut:

Je me remets entre vos mains et celles du Très-Haut pour que cette cérémonie se déroule selon Sa volonté.
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[Piscalie]

Chose rare, la flamande avait du retard. Les derniers jours avaient été éprouvants, une accumulation de fatigue, de doutes et d’obstacles qui semblaient s’amasser sur elle. Ce départ précipité, incompris, symbole d’une confiance vacillante voire méfiante —la guerre révélait bien des choses—, les difficultés logistiques pour reprendre la route, des malles bien trop lourdes, et des difficultés professionnelles déclenchées, sans doute inconsciemment, par les frères. Et puis, les nuits interminables passées auprès de Lise, fiévreuse et fragile, avaient creusé ses traits, déposant sur son visage la fatigue discrète mais tenace de ceux qui veillent. Tout s’était enchaîné sans répit. Malgré tout, Piscalie tenait parole.

L’amitié. Ce mot, elle ne le prononçait pas à la légère. Elle lui donnait une importance qu’on ne lui rendait pas toujours. Elle était présente, fidèle, là où on l’attendait. Mais qui, au fond, prenait réellement conscience de sa présence ? Qui remarquait ses silences, son regard, son soutien qui ne réclamait rien ? Ces derniers temps, la flamande s’était sentie oubliée, reléguée à l’arrière-plan, comme si sa loyauté était une évidence, un acquis sur lequel on pouvait compter sans jamais le questionner. Et pourtant, elle continuait, parce qu’elle ne savait pas faire autrement. Parce qu’elle ne se dérobait jamais à ses engagements. Jusque quand ? Piscalie optait pour le repli.

C’est à cheval qu’elle se rendit jusqu’à Seclin, son pourpoint pourpre drapé sur ses épaules, sa longue tresse blonde reposant sur le côté. À l’arrivée, l’abbaye se dressa devant elle, imposante et sereine. Elle stoppa sa monture, inspira profondément et observa l’édifice. Ce lieu semblait étrangement détaché du tumulte intérieur qui l’animait. Elle pénétra dans la lumière feutrée de l’abbaye, s’avança et aperçut enfin le protagoniste et le Cardinal Adelene.

D’un salut discret du chef, elle les salua, sobrement, sans éclat particulier.
Elle était là. Fatiguée, un peu lassée, mais présente. Comme toujours.

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[Adelene]

Les paroles du baptisé se voulaient rassurantes. Et elles l’avaient été. Le Cardinal l’avait confirmé d’un sourire approbateur. Alors qu’il se dirigeait vers l’autel pour y récupérer un missel, un pas clair résonna sur la dalle de l’église. Un pas qu’entre mille, le Cardinal aurait reconnu : celui d’une majesté, non de titre, mais de grâce et de principes.

C’était elle !

Un quart de tour plus tard, il lui faisait face. Et lorsqu’elle fut à sa portée, il s’inclina respectueusement.

Chère amie…

Il lui tendit deux mains accueillantes. En d’autres lieux et en d’autres compagnies, il se serait borné au protocole. Mais ici, il opta pour un accueil plus chaleureux.

Quel bonheur de vous voir ici. Et de vous voir, tout simplement…

Puis, conscient que l’instant était — et devait rester — solennel, le Cardinal invita le petit groupe à se diriger vers le fond baptismal.

Une fois qu’ils furent tous installés autour du meuble de pierre, le Cardinal ouvrit son missel duquel un petit signet de cuir dépassait. Il ajusta ses bésicles afin de lire ce qui était écrit d’une écriture extrêmement fine et précise.

"L'Amitié Aristotélicienne, selon les principes d’Aristote établis au cours du repas avec Polyphilos, ne peut être véritable que si les membres de cette amitié sont égaux l’un envers l’autre. L’Amitié aristotélicienne est la communauté des baptisés de l’Église. L’on pourrait la représenter par un cercle, symbole même de la perfection divine. L'étude du cercle nous permet de faire ressortir deux éléments. Le premier, le centre, unique et maître de tout, et sa circonférence, sur laquelle tous les points sont égaux. Ainsi donc, la communauté aristotélicienne est une communauté de personnes ayant en commun leur foi en le Très-Haut et étant donc tous égaux devant lui par ce fait même. Le croyant est introduit à la communauté par le baptême. Le Baptême, ou rite d'entrée, donne au nouveau croyant les prémisses de l'amitié Aristotélicienne parfaite. Cette amitié est encore en puissance et demande à être développée par un contact avec Dieu dans la prière et les sacrements, et aussi par le témoignage de douceur et de compassion avec les autres. On peut parler à ce niveau d'une première étape de la vie spirituelle, celle des commençants, dans laquelle l'aristotélicien essaye de supprimer les vices qui demeurent en lui. On appelle aussi cette voie la voie Purificatrice, qui purifie l'âme de ses souillures."

Puis, refermant le petit ouvrage, il le tendit à Péris pour s’en débarrasser, avant de s’adresser à Somas.

Le baptême est un rite sacré qui nous relie à Dieu. Par lui, nous renaissons, purifiés de nos fautes passées, et entrons dans la grande communauté aristotélicienne. En recevant le baptême, nous suivons l'exemple du prophète Christos, qui a lavé les péchés du Centurion avec l’eau bénie, symbole de vie et de renouveau.
Ce sacrement est bien plus qu’un simple geste : c’est le premier pas vers le Salut éternel, vers le Paradis du Très-Haut. Il nous unit à Dieu, fortifie notre foi et nous engage à vivre selon les vertus aristotéliciennes.
Mais souviens-toi, Somas : le baptême est aussi une responsabilité. Il faut vivre chaque jour en accord avec cet engagement. Car si l’on trahit son essence, il peut nous être retiré, comme l’a enseigné le prophète.

Le prélat posa sur le vieil homme un regard grave.

Si tu te sens prêt à renouveler et à confirmer ton union à Dieu et à son Église, conscient de l’engagement que cela implique, alors exprime-le clairement, devant témoins.

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Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux

[Somas]

Somas leva les yeux vers le Cardinal. Sa voix était calme, posée et dénuée d’émotion excessive:
"Monseigneur. Je comprends la portée de vos paroles et l’engagement que représente le baptême."

Il marqua un temps, puis poursuivit:
"Je suis prêt à confirmer mon union à l’Église aristotélicienne. J’accepte les responsabilités qui en découlent, et je m’engage à vivre selon les vertus enseignées, dans la foi, la prière, et la communauté."

Somas inclina légèrement la tête en signe d’assentiment.
"Je suis prêt."
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