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L'Eglise Aristotelicienne Romaine The Roman and Aristotelic Church Forum RP de l'Eglise Aristotelicienne du jeu en ligne RR Forum RP for the Aristotelic Church of the RK online game 
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Adelene Cardinal


Inscrit le: 08 Juil 2020 Messages: 2628 Localisation: Villa Catena
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Posté le: Jeu Fév 13, 2025 2:48 pm Sujet du message: [RP] Un jardin en hiver |
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La saison se prêtait à la taille. Les grands froids étaient passés. Quelques gelées pouvaient encore survenir, mais elles n’étaient plus assez cruelles pour mettre en danger les arbustes du jardin de l'abbaye que le Cardinal s’était mis en tête d’entretenir lui-même. Et puis, il faut le dire, le Cardinal pratiquait une taille douce, presque imperceptible, parfois même artistique. En réalité, tailler était un prétexte pour sortir se promener et s’émanciper, quelques instants, du poids que les responsabilités faisaient peser sur lui.
Le jardin de l'abbaye de Seclin s'étendait, modeste mais bien ordonné, comme un écrin de calme au cœur de cette campagne flamande. Autour des allées gravillonnées, des haies taillées en formes géométriques et des rosiers aux tiges nues témoignaient du soin inflexible du Cardinal. Il était là, penché sur un vieux pêcher, les mains gantées de cuir, les doigts maniant avec soin les ciseaux de taille. Il réalisait chaque coupe avec un soin minutieux comme s'il s'était agit d'une enluminure qu'il était question de copier.
Il n’était pas rare de voir quelques frères grégoriens se promener dans les jardins et croiser le regard de leur supérieur lors de ces moments, mais jamais aucun n'osait interrompre cette activité solitaire. Certains disaient même qu'on pouvait apercevoir, parfois, un léger sourire sur les lèvres du Cardinal lorsqu'il se perdait dans cette action méditative. D’autres, plus rares toutefois, affirmaient avoir déjà entendu le Recteur fredonner des psaumes aux plantes du jardin... _________________
Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux |
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uriel

Inscrit le: 31 Jan 2009 Messages: 3736
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Posté le: Jeu Fév 13, 2025 4:00 pm Sujet du message: |
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Récemment invité à Paris pour le mariage d'un ami de très longue date, le voyageur en profita pour poursuivre sa route encore plus au nord. Quitter les sentiers maritimes pour retrouver les chemins terrestres lui offrait une parenthèse bienvenue : à bord d’un navire, il fallait bien l’avouer, à part pêcher – et encore – les distractions se faisaient rares, à moins de tenir la barre. Traverser les campagnes drapées du blanc manteau hivernal, s’arrêter dans des auberges parfois improvisées, lui redonnaient le goût du voyage sous un autre jour.
Parvenu aux abords de Lille, l’une des grandes métropoles des Flandres, il s’accorda un détour jusqu'à l'abbaye de Seclin, où il pourrait passer quelques jours dans la quiétude monastique. Certes, les cellules seraient austères, fraîches, voire glaciales, mais cela ne serait sans doute rien comparé aux rigueurs qu’il avait connues sur les versants éternellement enneigés de l’Himalaya.
S’annonçant au portier, il lui remit la bride de sa monture, une bonne vieille bête de trait. Il s’occuperait d’elle plus tard, brossant sa robe brune à l’aide de la paille trouvée aux écuries. Avant toute chose, il se dirigea vers le lavatorium afin de se laver les mains, un geste à la fois hygiénique et symbolique, marquant la purification du corps et de l’âme avant d’entrer en ces lieux de recueillement.
Enfin, il se laissa guider par la sérénité des jardins. En cette saison, ceux-ci semblaient figés dans le silence, troublés seulement par le va-et-vient de mésanges et de rouges-gorges en quête d’une maigre pitance. Au détour d’une allée, un homme, absorbé par son ouvrage, scrutait minutieusement chaque arbuste avant de raccourcir, d’un coup de couteau habile, les branches qui le nécessitaient. |
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Adelene Cardinal


Inscrit le: 08 Juil 2020 Messages: 2628 Localisation: Villa Catena
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Posté le: Ven Fév 14, 2025 10:08 am Sujet du message: |
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Rien ne semble pouvoir l'interrompre.
"Ô plantes, bénies par la douce lumière,
Sous le ciel, vos couleurs sont prières."
Couic ! (un coup de ciseau, un rameau mort tombe au sol)
"Que la paix en vous toujours s’épanouisse,
Et que de vos fleurs l’âme jamais ne s’éteigne..."
Il se dirige vers un pommier, encore assez jeune, qui n'a pas encore donné.
"Dans mon jardin, ô douce terre, je chante, je chante..."
Il caresse l'écorce de l'arbre. Un frisson le parcourt.
"Je taille les fleurs, sous le ciel qui enchante."
À présent, il sifflote le même air, ayant oublié la suite des paroles. Puis il s'immobilise en réalisant qu'il n'est pas seul. Un homme est là, qui ne semble pas lui vouloir de mal. Un homme habillé pour le voyage, mais assez modestement. Un homme dont le visage est inconnu. Le Cardinal s'approche, et, à deux mètres de lui, s'arrête et le salue.
Le bonjour, visiteur. Je... Il me semble ne pas vous connaître. Vous êtes ?
La phrase restera en suspens, manière d'appeler une réponse sans avoir à poser la question. _________________
Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux |
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uriel

Inscrit le: 31 Jan 2009 Messages: 3736
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Posté le: Ven Fév 14, 2025 9:11 pm Sujet du message: |
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Uriel laissa le prélat à son activité, qui semblait non seulement l’apaiser, mais aussi l’éloigner des contraintes temporelles. Peut-être était-ce là une forme de méditation... pourquoi pas, après tout ? Chacun voyait midi à sa porte. Son estomac, toutefois, lui rappela que ce moment de la journée ne devait pas être loin.
Plutôt que de l’interrompre, il choisit de patienter un certain temps. Une attente dérisoire en comparaison des journées passées à méditer dans le froid des monastères du Pays de Bod. Il se laissa lui-même happer par la contemplation de la nature endormie, où la neige, comme un voile immaculé, avait recouvert les alentours.
Lorsque l’homme s’approcha enfin, son intonation changea. Uriel y perçut autant de surprise que d’interrogation.
Le voyageur ouvrit alors les yeux, posant sur le cardinal un regard azur, impassible. Aucune émotion ne transparaissait en cet instant, comme si une statue contemplait l’infini. Puis, brisant cette immobilité marmoréenne, il esquissa un sourire et inclina la tête.
Pax vobiscum, Éminence. Je me nomme Uriel de Réaumont Kado'Ch ... le quidam voyageur.
Ne l’ayant jamais vu non plus, il s'était permis une supposition qui n’avait rien d’hasardeux. Le frère qui l’avait accueilli lui ayant indiqué que le Recteur se trouvait dans les jardins… |
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Adelene Cardinal


Inscrit le: 08 Juil 2020 Messages: 2628 Localisation: Villa Catena
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Posté le: Sam Fév 15, 2025 9:32 am Sujet du message: |
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Uriel de Reaumont... Kado'Ch... Le Cardinal fit tourner ses méninges à plein régime pour tenter de se souvenir... mais non... Ah... Mais si... "Le quidam voyageur"... Bien sûr... Mais... La Provence était un autre monde, du moins géographiquement. Que faisait donc un pasteur provençal au plat pays ?
Oh... La paix sur vous aussi, mon frère. Et quelle surprise ! Je ne m'attendais pas à vous voir de sitôt.
En deux-deux, le matériel fut déposé dans une corbeille en osier : ciseaux, gants et petit couteau. Le Cardinal s'approcha de son visiteur et lui saisit chaleureusement les épaules en signe de bienvenue.
N'êtes-vous pas mort de faim ?
N'attendant pas la réponse, il poursuivit en le dégustant du regard.
Comme je suis heureux de votre visite. Il m'a tant plu de vous lire, malgré l'objet de votre premier courrier, qui, malheureusement, annonçait l'éventualité du drame qui s'est confirmé depuis.
Un léger repli sur soi, le visage qui se ferme soudainement, le regard qui se perd dans les nuages...
Paix à son âme. Que le Seigneur l'accueille dans sa miséricorde.
Puis retour à la jovialité après un court silence de circonstance.
Alors, avez-vous faim ? Soif ? _________________
Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux |
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uriel

Inscrit le: 31 Jan 2009 Messages: 3736
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Posté le: Dim Fév 16, 2025 9:35 pm Sujet du message: |
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L’homme attendit patiemment que le jardinier improvisé terminât son office de pré-printemps. Lorsque le recteur se tourna enfin vers lui, un instant de flottement s’installa, le temps que l’interlocuteur fasse le rapprochement. Cela ne dura guère, et bientôt, la reconnaissance se peignit dans son regard.
Pour tout vous dire, j’avais à faire à Paris ; je me suis dit qu’un petit détour par les Flandres ne pouvait pas me faire de mal.
Uriel, bien qu’il ressentît une légère faim, n’en était nullement troublé. Les privations endurées dans les monastères du Toit du Monde lui avaient appris à dompter ces sensations. Là-bas, ne pas manger, ou peu, était un moyen d’affiner sa perception du Monde et d’éveiller pleinement la conscience.
Je vous remercie, Éminence. Si un repas est le bienvenu, rien ne presse… Certains aspects de mes voyages m’ont appris à jeûner, volontairement ou non.
Un léger silence s’installa, tandis que le sujet glissait naturellement vers d’autres considérations. À la mention du triste événement, Uriel hocha gravement la tête, son regard se voilant un bref instant.
Si le plaisir de la lecture et l'échange furent partagés, mon dernier courrier ne comportait malheureusement pas que de joyeuses nouvelles, j'en suis navré …
Un soupir discret précéda ses mots suivants, empreints de respect et de gravité.
Paix sur lui, et que son voyage se passe bien.
Ainsi allaient la vie et la mort ; personne n’était éternel, tout n’était qu’un cycle perpétuel.
Mais la discussion revint à des pensées plus légères. À l’invitation implicite du cardinal, Uriel inclina la tête en signe d’acceptation.
Eh bien… un léger repas et une boisson ne seront pas de refus !
Il laissa son regard glisser sur les murs séculaires du monastère, son architecture sobre et majestueuse, ses jardins qui, malgré l’hiver finissant, laissaient deviner un futur éclat de vie printanière.
Ainsi donc, vous passez une partie de votre temps en ces lieux. J’imagine qu’ils vous offrent le repos de l’esprit, loin du tumulte des grandes villes et de la cité romaine… |
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Adelene Cardinal


Inscrit le: 08 Juil 2020 Messages: 2628 Localisation: Villa Catena
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Posté le: Lun Fév 17, 2025 5:19 pm Sujet du message: |
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Un léger repas, disait-il... Le Cardinal n'avait pas mieux à lui offrir. Il attira son visiteur vers un banc où se trouvait un autre panier, recouvert d'un tissu qu'il souleva. À l'intérieur se trouvaient une grosse saucisse sèche, une tome de fromage, deux miches de pain, des pommes et deux bouteilles d'une boisson qu'il faudrait goûter pour déterminer de quoi il s'agissait.
D'une voix basse et après un bref regard autour de lui, le Cardinal désigna le panier discrètement, comme s'il s'agissait d'une affaire prohibée.
Servez-vous donc ici, cela vaudra mieux que d'aller déranger notre cuisinier, le frère Vassiliev... Il est d'une humeur à ne pas bien apprécier qu'on le dérange en dehors des heures de repas.
Soulevant l'une des deux bouteilles, il attrapa deux timbales de cuivre qu'il remplit à moitié de cette boisson qu'il faudrait goûter pour en savoir davantage. Puis il tendit l'une des deux timbales en s'essuyant le front, comme le ferait un paysan harassé par le travail, qui s'octroierait un petit moment de pause tout en observant le travail accompli. Puis il reprit.
En effet, je passe autant de temps que possible ici. Le reste, je le partage entre Bordeaux et Rome. Mais rien n'égale la tranquillité de cette abbaye. Et puis… vous connaissez la charge, quoi que vous l’ayez connue il y a fort longtemps maintenant. Apprenez que depuis votre époque nos contrées ont connu la grave crise démogaphique qui nous contraint aujourd’hui à des effectifs extrêmement réduits. Demeurer dans un pareil contexte est devenu un défi. Et je désespère de ne trouver que trop peu de soutien…
Don regard désespéré et braqué sur Uriel en disait plus long encore, et semblait appeler à l’aide. Le sujet lui causait des aigreurs à l’estomac. Il s’enfila sa timbale avant de s’emparer de la saucisse sèche et de la couper en morceaux avec le petit couteau d’office dont il ne se séparait jamais. Piquant un morceau de charcuterie du bout de sa lame, il le présenta à Uriel.
Il s’attaqua en suivant au morceau de fromage. _________________
Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux |
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uriel

Inscrit le: 31 Jan 2009 Messages: 3736
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Posté le: Lun Fév 17, 2025 9:37 pm Sujet du message: |
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Le voyageur suivit le cardinal jusqu’à un banc, où reposait un panier d’osier tressé, soigneusement recouvert d’un linge blanc. Lorsqu’il fut ouvert, son précieux contenu se révéla : des victuailles simples, mais alléchantes. Fallait-il davantage ? Un repas frugal suffisait amplement, et, en d’autres circonstances, en d’autres lieux, un tel festin aurait pu passer pour un véritable banquet.
Certes, Uriel avait jadis connu de grandes tables où s’amoncelaient mets raffinés et plats dispendieux, mais ce temps appartenait au passé. Et, en vérité, il n’y tenait plus.
Saisissant délicatement la timbale, il la porta à ses lèvres et découvrit un breuvage frais, quoique modeste. Il n’était pas fin connaisseur en vins et aurait été bien en peine d’en déterminer l’origine exacte. Mais peu importait.
À la mention du cuisinier opiniâtre, un sourire amusé étira ses lèvres. Chaque maître – ou maîtresse – de cuisine semblait partager ce même trait de caractère bien trempé, celui d’un artisan jaloux de son art.
Mmmh… Je vois de quoi vous parlez. Les reines et rois des fourneaux connaissent leur métier, mais mieux vaut éviter de les pousser trop loin dans leurs retranchements.
Il ne pouvait qu’imaginer ce fameux frère-cuisinier, qui aurait sans doute fait un excellent homme d’armes, tant il en imposait.
Lorsque le recteur reprit la parole, Uriel l’écouta avec attention, hochant parfois la tête en signe de compréhension.
Oui… Je comprends. En effet.
Son regard se perdit un instant dans le lointain, comme s’il revoyait ces terres ravagées dont il avait été témoin.
Sur le chemin du retour, j’ai traversé des villages presque dépeuplés… Certains, même, entièrement désertés, ne laissant derrière eux que des ruines silencieuses. La Peste Noire a déjà causé d’innombrables ravages… S’agirait-il d’une réminiscence ?
Un soupir imperceptible lui échappa.
Même Paris… Autrefois si tumultueuse, aujourd’hui, ses rues sont d’un calme inquiétant.
Il marqua une pause, avant de reprendre d’un ton plus grave.
Beaucoup ont perdu leurs repères. Votre mission est d’autant plus ardue… Il faut accomplir tant de choses avec si peu.
Il baissa légèrement les yeux, songeur.
Les églises sont vides, les cloches des cathédrales sonnent plus souvent le glas que la joie, et même les gargouilles semblent jeter sur nous un regard plus pesant…
Uriel effleura du bout des doigts le rebord du banc, comme pour ancrer ses pensées.
Il y a dix ans, les moyens n’étaient peut-être pas plus grands… mais il y avait du monde, et avec lui une certaine effervescence, bien que cela engendrait aussi son lot de conflits. Aujourd’hui, l’un des défis est peut-être d’aborder la situation avec pragmatisme…
Un léger sourire, à la fois las et résolu, passa sur son visage.
... c’est compliqué ...
D’un geste mesuré, il tendit la main vers un morceau de charcuterie et le porta à ses lèvres. Il prit le temps d’en savourer chaque nuance, laissant la richesse des saveurs salées supplanter celle du vin. |
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Adelene Cardinal


Inscrit le: 08 Juil 2020 Messages: 2628 Localisation: Villa Catena
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Posté le: Mar Fév 18, 2025 9:14 am Sujet du message: |
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Le pragmatisme, oui, vous dîtes bien. Car notre plus gros danger, hélas, semble être l'idéalisme. Je m'y suis moi-même livré tant de fois. Et si je n'écoutais que mon coeur, croyez bien que j'idéaliserais encore et encore. Je ne suis pas doué en pragmatisme. L'êtes-vous ?
La discussion prenait une tournure agréable. Le Cardinal s'assit sur le banc, invitant Uriel à en faire de même.
Racontez-moi un peu ce qui vous est arrivé ces dernières années, et ce long voyage pour revenir vers nous. Qu'en avez-vous appris ? _________________
Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux |
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uriel

Inscrit le: 31 Jan 2009 Messages: 3736
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Posté le: Mar Fév 18, 2025 9:53 pm Sujet du message: |
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Le débat était en effet intéressant ; Uriel fut agréablement surpris de la réponse d'Adelène.
Il n'est pas impossible, Éminence, que vous ayez préféré les écrits de Platon à ceux d'Aristote.
Attention, je parle bien de philosophie et point de religion … loin de moi l'idée de juger ou d’avoir des paroles déplacées.
Si l'idée d'un monde parfait ou très bien agencé est séduisante, la réalité du terrain nous rattrape bien vite. Nous sommes alors confrontés à des faits concrets : ne vaut-il pas mieux se concentrer sur ce qui fonctionne et peut être amélioré, plutôt que de poursuivre un idéal séduisant mais inatteignable ?
Pour répondre à votre questionnement, je suis davantage pragmatique ; toutes ces idées ont été renforcées par mes voyages, qui m'ont notamment appris que les êtres vivants, même ceux que l'on pourrait à tort considérer comme "inférieurs", économisent leur énergie et la dépensent là où elle sera la plus efficace, pour un résultat optimal. Je me permets de penser qu'Aristote lui-même n'aurait peut-être pas renié ce type de leçon d'observation ...
Il sourit. Le ton qu'il avait employé restait parfaitement neutre ; ni son attitude ni ses intonations ne laissaient entendre qu'il cherchait à imposer quoi que ce soit. Pour appuyer ses propos, il conclut simplement :
… Évidemment, chacun voit midi à sa porte.
Il y a de toutes façons un équilibre à trouver, rien - en ce monde - n'est jamais tout blanc ou tout noir ...
... ou le Libre-Arbitre ...
À l'invitation de prendre place sur le banc, Uriel défit l’agrafe de sa cape et tendit le long manteau de laine doublé de fourrure au cardinal.
Prenez donc mon manteau, Eminence. Si je me mets à vous conter mes voyages, vous risqueriez de prendre froid… et il ne serait pas souhaitable que vous tombiez malade.
Il y avait quelque chose de particulier, presque irréel, dans son comportement. Malgré le froid mordant, il semblait n’en éprouver aucune gêne. Sa respiration demeurait paisible et calme, son corps immobile, et chacun de ses mouvements, rares et mesurés, paraissait soigneusement réfléchi. Rien n’était superflu, comme si cette économie d’énergie, dont il avait parlé, s’appliquait à lui-même avec une rigueur absolue.
Il n'avait pas répondu à la dernière question du Recteur, le laissant éventuellement commenter ses paroles avant de passer à la suite. |
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Adelene Cardinal


Inscrit le: 08 Juil 2020 Messages: 2628 Localisation: Villa Catena
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Posté le: Ven Fév 21, 2025 8:18 pm Sujet du message: |
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Platon, Aristote… Aristote, Platon… Les idées s’entrechoquaient, depuis fort longtemps, chez le Cardinal. Et il était agréablement surpris de pouvoir enfin en discuter. Ou du moins que la question soit évoquée. La philosophie, à son grand regret, souffrait d’un bien triste traitement depuis un moment dans la sphère cléricale. Mais il n’était pas question pour le Cardinal de noircir un peu plus le tableau qu’il ne l’avait déjà fait. Et puis, le soleil commençait à baisser, et la température avec lui. Lorsqu’Uriel tendit son manteau, quoi que le geste fût surprenant, le Cardinal accepta le vêtement, davantage par politesse que parce qu’il avait froid. Et puis, un tel geste, symboliquement, avait un sens fort, aussi fort qu’aurait été, dans un registre antagoniste, le fait de le refuser.
Vous avez raison, il y a une élégance certaine dans l’approche pragmatique. Et la sagesse de l’observation, comme vous le soulignez, peut parfois être plus précieuse que la pure spéculation théorique. Je reconnais sans trop de peine que la perfection d'un monde n'est peut-être qu'un mirage. Mais la quête de ce qui est juste, de ce qui est bon, doit-elle se restreindre à ce qui est immédiatement atteignable ? La vraie grandeur ne se trouve-t-elle pas dans la quête elle-même, dans le désir de s'améliorer constamment, même si la perfection semble hors de portée ? Voyez-vous, j’ai souhaité rebâtir l’Ordre Grégorien pour justement offrir un cadre à cette quête, à cet idéal.
D’ailleurs… Vous feriez honneur à cet Ordre, si d’aventure vous en deveniez membre un jour… Et puisque j’y pense, et que vous êtes là, peut-être accepteriez-vous de rester jusqu’à ce dimanche. Notre Abbaye sera consacrée ce jour-là, à l’occasion d’une grande cérémonie qui devrait rassembler tous ses membres. C’est un événement extrêmement rare qui ne se produit hélas plus depuis des années. Nous aurons un exemple parfait de cette confrontation entre pragmatisme et idéal.
Mais parlez-moi donc de ces voyages. M'est avis que les voyages sont des écoles précieuses dont les enseignements singuliers font défaut même aux meilleurs séminaires.
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Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux |
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uriel

Inscrit le: 31 Jan 2009 Messages: 3736
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Posté le: Sam Fév 22, 2025 9:59 pm Sujet du message: |
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Uriel écouta la réponse du cardinal et acquiesça d’un léger mouvement de tête, son regard se perdant un instant sur les fines volutes de condensation qui s’échappaient dans l’air frais du jardin d’hiver. Cette discussion lui plaisait, le changeait agréablement des débats plus terre-à-terre auxquels il était souvent confronté.
Il est certain que parfois, le chemin qui mène à une finalité est bien plus riche que ladite finalité en elle-même. C’est bien là que l’on apprend, que l’on forge son expérience…
Je partage votre exposé.
Un sourire fugace étira ses lèvres alors qu’il ajouta, d’un ton plus mesuré :
D’ailleurs, si l’on ramène cette "théorie" à la vie humaine… De manière factuelle, en ce monde, la finalité est bel et bien la mort. Je gage alors que le chemin qui nous y conduit soit bien plus riche que lorsque tout s’arrête… La suite étant ailleurs et autrement.
Il laissa planer un silence, ne développant pas davantage ce "ailleurs et autrement". Paradis Solaire ? Enfer Lunaire ? Une autre destinée encore ? Il préféra laisser cette question en suspens, estimant que chacun devait suivre sa propre quête de vérité.
Je pense, mais ce n’est que mon avis, que chacun doit trouver sa part d’idéalisme et sa part de pragmatisme.
Son regard s’anima d’un éclat discret lorsque le cardinal évoqua son désir de rebâtir l’Ordre Grégorien. C’était un projet noble, qui demandait une foi inébranlable et une détermination sans faille.
En vérité, je fus cistercien, à l'Abbaye de Noirlac, en son temps. Au Sacré Collège, vous avez sans doute connu et côtoyé Mère Eloin Bellecour… Une femme de qualité, parfois sévère, mais juste et fort érudite.
L’ombre d’un souvenir passa dans ses prunelles. Noirlac, ses murs immaculés, ses chants résonnant sous les voûtes… Une époque révolue.
Je vous remercie pour votre invitation et serai honoré d’assister à la consécration de votre abbaye. Comme vous le disiez, c’est un événement rare, et je serai heureux d’y prendre part.
Il leva légèrement la tête, observant le ciel ; l’atmosphère se rafraîchissait, et le bleu limpide du jour se teintait d’une lueur rougeoyante, annonçant l’approche du crépuscule. Une brise plus fraîche allait s’élever, et la nuit, sans doute, amènerait son cortège de gelées sur les toits et les végétaux en dormance.
Eh bien… Je vais commencer par le début, et par ce qui m’amena non seulement à voyager loin, mais aussi à poser les premiers pas de mon éloignement du clergé.
Son regard se perdit un instant dans le lointain, comme s’il revivait ces instants gravés dans sa mémoire.
Mon premier "grand" voyage fut de partir à la recherche du Testament d’Aristote…
Un silence, puis un sourire en coin.
À l’époque, c’était une véritable "ruée vers l’or". On entendait tout et n’importe quoi à ce sujet. Des tablettes, écrites dans une langue inconnue, mentionnaient les Princes Démons. Des indices nous menèrent rapidement à Alexandrie, récemment redécouverte… La Grande Bibliothèque était un lieu extraordinaire. Tant d’ouvrages, tant de savoirs accumulés… De quoi faire pâlir n’importe quel érudit. Il y avait là des cartes, des récits…
Il marqua une légère pause, ses doigts effleurant le rebord du banc sur lequel il était assis. L’écho de ces souvenirs était encore vif en lui. Ses compagnons d’alors, certains disparus, d’autres encore de ce monde…
Nous naviguâmes longtemps… Je vous passe quelques détails. Mais le Testament fut découvert en Grèce, ce qui, somme toute, était très logique. J’eus l’extrême chance de faire partie des premières personnes à le voir et à le lire…
Ses yeux s’emplirent d’une lueur étrange, un mélange de joie et de mélancolie. Il baissa un instant le regard, contemplant ses mains comme s’il y revoyait les pages sacrées du Prophète.
J’en ramenai une copie à la Curie et au Pape lui-même.
Un pli soucieux barra un instant son front. Il se souvenait encore des paroles du souverain pontife, de cet appel à la violence pour s’emparer de l’objet. Cette injonction qu’il n’avait jamais vraiment pu oublier. Lentement, il releva la tête et planta son regard dans celui d’Adelène.
L’avez-vous lu, Eminence ?
Un souffle, puis une confidence, teintée d’un mystère difficile à exprimer en mots.
Vous savez, l’objet détient un véritable pouvoir. C’est bel et bien une relique. Lorsque vous le tenez, vous sentez l’énergie qui en émane…
C’était une sensation indicible. Une présence presque tangible, un frisson parcourant la peau, une vibration dans l’air. Ni tout à fait du bien-être, ni tout à fait de l’exaltation. Quelque chose d’autre… Quelque chose qui dépassait la simple Foi. |
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Adelene Cardinal


Inscrit le: 08 Juil 2020 Messages: 2628 Localisation: Villa Catena
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Posté le: Lun Fév 24, 2025 6:57 pm Sujet du message: |
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Attentif, le Cardinal réprima une grimace lorsque Uriel évoqua la mort comme la finalité de la vie humaine. Il aurait plutôt substitué l'amour à cette vision, mais n'eut pas le temps de l'interrompre. La suite, cependant, capta toute son attention. Le Testament d'Aristote... Soudain, le froid glacial perdit toute emprise sur lui.
Je n'ai jamais lu ce texte...
Il voulut dire quelque chose, puis se ravisa, faisant preuve de prudence.
Je me suis laissé dire que ce texte n'avait pas été reconnu par l'Église. Mais je parle simplement de mémoire, et sans doute serait-il nécessaire de mener une véritable enquête pour en savoir plus sur sa véritable nature.
Le jour déclinait, et les deux hommes se retrouvaient désormais plongés dans une semi-obscurité. Le contexte se prêtait à des confidences que la lumière du jour n'aurait peut-être pas permis avec autant de fluidité.
Toutefois, vous m'intriguez. Parlez-moi de ce texte et de ce testament. Après tout, rien ne vaut une idée que l'on forge soi-même plutôt que celles que l'on adopte après des émotions dont l'origine nous échappe...
Il se rapprocha de lui sur le banc, désireux de mieux l'entendre, et peut-être de lire sur ses lèvres.
Dites-moi tout. Ne laissez aucun détail dans l'ombre...
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Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux |
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uriel

Inscrit le: 31 Jan 2009 Messages: 3736
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Posté le: Mar Fév 25, 2025 11:12 pm Sujet du message: |
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Uriel remarqua cette lueur de curiosité dans l'œil de l’Éminence et lui fit signe de patienter un instant. Il se leva, se dirigea d’un pas mesuré vers l’entrée du jardin et retrouva, sous un porche discret, son sac de voyage. Avec la rigueur d’un ancien doyen de séminaire, il en extirpa un livre lourd, bourré de parchemins soigneusement classés. Ses doigts agiles retrouvèrent rapidement le document recherché.
Revenant vers Adelène, il lui tendit le parchemin **.
Évidemment, ce n'est qu'une copie fidèle de l’original trouvé en Grèce…
Le texte, tracé d’une main appliquée, était en grec ancien. Un choix évident pour éviter toute erreur de traduction. Le Cardinal, en érudit, connaissait sans doute cette langue, comme tout homme ayant étudié Aristote dans le texte.
Uriel observa son interlocuteur tandis que celui-ci parcourait les lignes. Il savait à quel point ce document pouvait être troublant.
En effet, le texte n’a pas été reconnu, vous avez raison.
Je vous laisse vous faire votre opinion. Je ne suis pas là pour en débattre, mais vous constaterez qu’il peut être… dérangeant. Il remet en cause certains piliers.
Certains détails sont troublants.
Un silence s’installa. Uriel tourna légèrement la tête et contempla le ciel qui perdait peu à peu de sa clarté. L’odeur humide des plantes hivernales montait dans l’air tandis qu’un souffle discret agitait les branchages. Il ferma un instant les yeux, s’imprégnant du moment, du poids des mots qui flottaient encore entre eux.
Puis la cloche sonna les vêpres.
L’homme revint à la réalité, observant Adelène, dont l’expression trahissait mille pensées.
Alors que nous étions missionnés par Innocientius lui-même ; ce dernier - au lieu de nous donner les moyens d'échanger de manière pacifique et constructive avec ceux qui l'avaient trouvé - était prêt à tuer ces "impies", s'il le fallait pour s’emparer de ce document. Oui, vous m’avez bien entendu.
Et pourtant, les coffres de l'Eglise étaient, à l'époque, pleins à craquer.
Comment est-ce que le Vicaire de Christos en ce Monde, pouvait-il tenir de tels propos ?
En vérité, je vous le dis, cela installa en moi la graine du renoncement.
Il se rappela avoir affublé du qualificatif d'angélisme, ce qu'il prit plutôt comme un véritable compliment que pour la remontrance qu'il était.
Fort heureusement, c'est avec nos propres deniers et en comptant uniquement sur le temps et les moyens d'amis fidèles que nous pûmes mener à bien la mission, de manière correcte et sans verser le moindre sang ni déclencher le moindre conflit. Notoria était une personne de bonne composition, souhaitant non pas garder l'objet pour elle, mais bien le diffuser au Monde.
Ce qui suivit ne fut que tergiversation…
Plutôt que d’y réfléchir sérieusement et, peut-être, d’évoluer un peu, il n’était que trop urgent de ne rien faire. Et pourtant, rien n’est à jamais figé …
Un éclat plus sombre passa dans le regard d’Uriel. Non pas de colère, ni de désarroi, mais une lassitude teintée d’une amertume résignée. S’il avait insisté davantage, s’il avait trouvé les bons mots, les choses auraient-elles pu être différentes ?
Il soupira presque imperceptiblement avant de poursuivre.
Cela me désola. Je vous le confesse : ce fut là ma traversée du désert. Au figuré d’abord… puis, quelques mois plus tard, au sens propre.
Et depuis tant d’années, le texte est resté à l’Index, sans qu’aucune main ne l’ait tiré de l’ombre. Aujourd’hui…
Il marqua une pause, jaugeant le poids de ses propres paroles. Son regard se perdit un instant dans le lointain.
Aujourd’hui, tout cela dort encore. Et sans doute est-il trop tard pour le réveiller…... et ainsi passe la Gloire du Monde ... |
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Adelene Cardinal


Inscrit le: 08 Juil 2020 Messages: 2628 Localisation: Villa Catena
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Posté le: Jeu Fév 27, 2025 1:47 pm Sujet du message: |
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Le Cardinal saisit le document tendu et écouta le récit qu'Uriel lui faisait. Puis il se plongea dans la lecture du parchemin. Le texte n'était guère long, mais, à mi-parcours, ses yeux se remplirent de larmes, rendant la lecture difficile. Il dut reprendre deux fois, puis une troisième fois, la lecture complète avant de relever la tête. Il lui fallut encore un instant avant de prendre la parole.
Je comprends que ce document ait été placé à l’Index. Et je comprends, si bien, votre désenchantement.
Il comptait sur l’obscurité pour dissimuler la larme suspendue à sa paupière inférieure, prête à tomber à tout instant.
La graine de renoncement que vous évoquez, je la ressens moi-même, en ce moment. Voyez-vous, après plusieurs années à servir avec ferveur Rome et notre Sainte Église, je me retrouve aujourd'hui éloigné des préoccupations essentielles de mon sacerdoce. Je passe plus de temps à gérer des formalités futiles et à m'occuper d'affaires de bureau qu’à m’approcher de ceux qui attendent de nous une parole claire et bienveillante.
Tout en parlant, sa main caressait le document machinalement.
Alors que je croyais m’être entièrement dévoué au service de Dieu, il m’apparaît désormais que j’ai œuvré pour intégrer une caste dont, peut-être, la seule préoccupation est de contrôler et d’interdire...
Une vague de colère ondulait en lui.
Et c’est précisément pour cela que j’ai souhaité réactiver l’Ordre Grégorien : pour restaurer un espace exclusivement dédié à la spiritualité, à la philosophie et à l’altruisme, afin de répondre pleinement aux préceptes d’Aristote, libérés du joug des contraintes de caste.
Il rendit le parchemin.
Merci pour ce document et cette découverte. Il y a tant à en dire et à disserter. Et je serais honoré de pouvoir prendre le temps de m’y pencher longuement. Avec vos expériences à Noirlac et vos connaissances, vous seriez un pilier salvateur pour l’Ordre Grégorien. Vous voir nous rejoindre serait, sans aucun doute, une chance pour nous tous.
Il s’en tint à cela. Pour l’instant. _________________
Son Éminence Adelène de Kermabon - Cardinal de Saint Nicomaque de l'Esquilin - Archevêque de Bordeaux |
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